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Le testament d’un poète dans un monde barbare

Le testament d’un poète dans un monde barbare

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Article publié une première fois dans Le Bien Commun n°35 de décembre 2021 (https://lebiencommun.net/kiosque/)

 

Avec Mahmoud ou la montée des eaux, Antoine Wauters laisse un vieil homme syrien poétiser sa vie. Le vieillard raconte ses amours, sa famille, la poésie, la prison, la guerre, son village englouti sous le lac el Assad. Il raconte son pays. « Quelle valeur a la parole d’un vieillard dans un monde comme le nôtre ? » Celle du gardien de l’être. Avec sa poésie, il a le pouvoir sanctuariser l’être dans un monde où on viole, on torture, on égorge. Son récit ressemble à de longues lettres d’amour écrites par lui, imaginées par lui, et au final il nous livre un testament. A plusieurs reprises, il écrit : « T’ai-je dit ? » il ne veut rien oublié, il n’y arriverait pas. Il y a urgence de tout dire, car la mort se rapproche, la guerre l’entoure et le cancer est sur sa peau. Ainsi parle celui qui est « dans la mémoire des choses. / Au commencement de tout. »

Mahmoud est juché sur les eaux qui ont monté et englouti son village. Cette masse liquide qui dépasse le sommet des arbres, est le symbole du déracinement. Et la barque devient sa carte, il pointe du doigt, sur le lac il imagine son village, comme vue du ciel : la maison, le café, la mosquée. La surface de l’eau est un ciel. Il plonge parfois dans le lac pour quitter « Tout ce qui nous tombe dessus sans qu’on l’ait demandé. »

Tout le récit est tension entre la poésie intérieure qui est liberté infinie et à l’extérieur la contrainte mpermanente. Pour un temps seulement, la poésie a pouvoir sur la barbarie. La violence parait fictive car elle doit l’être si on veut rester vivant. Il faut tenter d’imaginer autre chose que ce viol, autre chose que ces combattants de l’Etat islamique. « Mais ce pays est idiot. / Il est une publicité pour la mort. » La poésie n’est qu’une parenthèse. « Je n’aurais jamais dû être poète. / Je n’aurais jamais dû être vivant. » Le vieillard nous a pourtant transmis quelques épiphanies : des sorbets de fruit, la musique de Verdi, des phrases qui nous comprennent, la possibilité de se sentir digne d’être aimé… La guerre succèdera à la guerre, les tyrans aux tyrans, et la poésie restera de toute éternité.

 

Mahmoud ou la montée des eaux, Antoine Wauters, Verdier, 15,20 €, 144 pages


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