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Le vent du wokisme souffle sur les bons et les méchants

Le vent du wokisme souffle sur les bons et les méchants

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Un vent les pousse, roman de Frédéric Becourt

Avec Un vent les pousse, Frédéric Bécourt s’inscrit dans une nouvelle lignée d’écrivains qui utilisent le matériau du progressisme comme bain de leur roman à l’image de Kundera campait ses histoires dans l’ordinaire du communisme. Comme Mathieu Falcone ou Patrice jean, Frédéric Bécourt nous immerge presque sans exagération dans l’absurdité de notre société devenue folle dans l’emballement des idéologies progressistes.

Notre héros s’appelle Gilles, il a quitté l’éducation nationale pour se consacrer à l’écriture, fraîchement divorcé, il a la garde de sa fille une semaine sur deux. « Gilles menait désormais une double vie, ou plus exactement une demi-vie. » Sa fille représente le dernier maillon d’espérance et de joie qui le relie au monde où il subit « la lancinante torture du temps qui ne passe pas. » Gilles est un humaniste à la fois flegmatique et légèrement angoissé, « La routine visait à introduire de l’éternité dans l’éphémère, de la cohérence dans l’absurde. » C’est pourtant sur lui que la tempête va s’abattre.

La folie est déclenchée sur la base d’une simple parole de cours de récréation. La petite Chloé a dit au petit Souleymane qu’il sentait mauvais. C’est un cas de RSHT ! Marjorie la zélée éducatrice en est sûre, elle alerte Marie-Pierre, la directrice, il faut déclencher le protocole Racisme Sexisme Homophobie Transphobie prévu par le nouveau ministère. Chloé va devoir suivre des cours de sensibilisation aux préjugés etc. Il faut bien sûr l’accord des parents, mais ce n’est qu’une formalité. Juliette, la maman s’est tout de suite exécutée. Chloé sera le premier cas de rééducation forcée et voilà. Gilles est incité à faire de même pour ne pas compliquer les choses… Mais les choses vont se compliquer sacrément car tout humaniste qu’il est, Gilles refuse de se soumettre à ce totalitarisme à visage humain dont la proximité avec le monde 1984 est évidente. Il ne veut pas, ne voit aucune utilité de prouver qu’il n’est pas raciste, qu’il n’a pas donné une éducation raciste. Et pourtant, ce qu’il prend pour une vaste blague se transforme en piège sur lui. Il devient le symbole d’une résistance qu’il n’a pas voulu initier. Il rencontre des gens de la marge et de l’ombre, dont une certaine Léontine, ersatz d’Eugénie Bastié tout terrain, qui agit avec une autorité presque surnaturelle pour « Le droit de penser différemment et de vivre en hommes libres. » Ceux qui sème le vent du wokisme récolteront-ils un jour la tempête issue de ceux qui se préparent dans l’ombre ? Ceux qui veulent aider Gilles au-delà même de sa volonté, en sont persuadés : « Ce pays n’en a plus pour longtemps. Dans dix ou quinze ans, tout au plus, il ne restera qu’un tas de cendres sur lequel danseront des sauvages et des fous. » Le pauvre Gilles est dans la tourmente, prix au piège d’une société devenue tellement folle qu’un humaniste lambda est traîné dans la boue comme le pire des fascistes. Pourtant Gilles s’obstine à ne pas vouloir donner son accord à la rééducation de sa fille. « La liberté a un prix. Alors parfois ce prix peut paraître exorbitant, certes. Mais la soumission, elle, a tout d’une dette infinie. »

Frédéric Bécourt écrit en véritable portraitiste. Chaque personnage nous est rendu intime et nous nous attachons même aux plus lâches. A chaque fois, la pitié se mêle à une forme d’identification. On a de la tendresse pour la directrice Marie-Pierre et son fils addict aux jeux vidéo, pour Marjorie La zélée, Léontine la primesautière, … Le pathétique des plus courageux résistants de l’ombre n’est pas occulté car nous sommes ici en terre d’incarnation. Le papa de Souleymane et Gilles se retrouvent par hasard né à né non loin de la cour de récréation du délit, ils se regardent. Le père de la victime n’avait rien demandé, l’incompréhension rassemble ces deux marionnettes des faiseurs de progrès. Le wokisme fait souffler le vent sur les bons et les méchants. Et Gilles le déboussolé têtu est bien un symbole, celui d’une humanité qui ne demande rien d’autre que de vivre en paix, loin des idéologies, des projets révolutionnaires ou contrerévolutionnaires.

Un vent les pousse, roman de Frédéric Bécourt, ACCRO Editions, 208 pages, 19€


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