L’empire du politiquement correct
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Son ouvrage L’Empire du politiquement correct répond-t-il à L’Empire du Bien de Philippe Muray ? Si la réponse à cette question n’est pas explicitement donnée par le québécois Mathieu Bock-Côté, la filiation entre les deux écrivains antimodernes est flagrante. Pour preuve, notre philosophe cite en exergue le génial Chesterton, sorte de père spirituel des conservateurs : « Le monde entier est de nouveau en marche ; mais il marche dans l’autre sens. »
Le lynchage médiatique est à la mode et de plus en plus d’hommes et de femmes ont l’impression de porter un corset mental qui étouffe la pensée. Dans la conversation démocratique, des deux côtés de l’Atlantique, la liberté d’expression est interdite par diverses polices de la pensée qui sévissent qui sur les campus universitaires (gender ou mouvement « black lives matter »), qui dans les médias (monologue progressiste), qui dans les tribunaux où les juges cèdent complaisamment face aux revendications victimaires de toutes sortes de « minorités ». Bock-Côté se penche sur cette tyrannie qui gangrène les fondations de la civilisation occidentale, sans omettre d’analyser dans un dernier chapitre la « question du conservatisme » qu’il présente non comme une doctrine militante mais à la manière d’une philosophie politique entendant refonder les termes du débat public.
En fait de conversation démocratique, nous ne trouvons, disions-nous, qu’un monologue progressiste pratiqué par les élites politiques et médiatiques, véritable bloc élitaire (pour parler comme le géographe Christophe Guilluy) se campant en ennemi juré du bloc populaire, c’est-à-dire des populismes, des simples gens qui ne veulent pas disparaître des radars. La tendance au politiquement correct est allée crescendo dès les années 1990, depuis l’entrée dans la civilisation mondialisée et diversitaire où l’homme a été sommé de devenir nomade et de communier à la nouvelle religion des droits de l’homme et du multiculturalisme (voir du même auteur : Le multiculturalisme comme religion politique). Cet avatar, accru par des flux migratoires ininterrompus (plus de 450000 nouvelles entrées légales d’immigrés en France chaque année, hors immigration clandestine), est la fine pointe du progressisme pour déconstruire le modèle culturel en Occident. L’abolition des frontières physiques, fruit du libéralisme, se double d’un abandon des frontières anthropologiques déniant à la nature (et donc à Dieu) ce qu’elle a engendré de plus beau : l’homme, et aussi l’altérité homme/femme ; « La déconstruction de l’identité sexuelle devient ainsi la nouvelle étape de la déconstruction du privilège de l’homme occidental, et il se pourrait bien que l’antispécisme soit la suivante – on parle maintenant de l’atténuation, de la relativisation, et de la neutralisation de la différence entre les animaux humains et les animaux non-humains. » Ajoutons-y une pincée de destruction de toute morale avec par exemple en France la Loi bioéthique de l’été 2020 qui prévoit la PMA pour toutes et, la possibilité de recourir à l’Interruption Médicale de Grossesse (à la suite de la tristement célèbre IVG qui éradique 230000 victimes chaque année) jusqu’au neuvième mois au cas de « détresse psycho-sociale ». Ce véritable crime contre l’humanité, ce massacre des Saints Innocents toujours revisité, n’est rien d’autre qu’un permis de tuer qui ne dit pas son nom, une jurisprudence nouvelle qui permettra peut-être, un jour, d’assassiner son conjoint (ou sa belle-mère) au même motif (la détresse psycho-sociale) ; cette décision politique représente l’acmé de la décadence occidentale érigeant le crime contre l’enfant entièrement formé et presque né en « merveilleux progrès » ; la barbarie, intrinsèque à la Loi Veil de 1975, pousse donc ici au paroxysme sa logique libérale libertaire. Souvenons-nous que le droit romain reconnaissait à l’embryon la personnalité juridique et interrogeons-nous, in fine, pour savoir en quoi notre époque peut encore se dire « éclairée »…
Quelle définition du politiquement correct donne notre intellectuel francophone ? « On en proposera ici la définition suivante : le politiquement correct est un dispositif inhibiteur ayant pour vocation d’étouffer, de refouler ou de diaboliser les critiques du régime diversitaire et de l’héritage des Radical Sixties, et plus largement, d’exclure de l’espace public tous ceux qui transgresseraient cette interdiction. » Poursuivons : «Le politiquement correct assure un récit médiatique conforme aux exigences du régime diversitaire, qui permet d’occulter les pans du réel qui tendent à désavouer ses promesses, et à disqualifier les acteurs politiques et intellectuels qui affichent implicitement ou explicitement leur désaccord avec lui. Il revendique non seulement le monopole du bien, mais pousse la chose plus loin en revendiquant aussi le monopole de la santé mentale, en assimilant les résistances qu’il suscite à l’univers de la phobie. De la xénophobie à l’islamophobie, de l’homophobie à la transphobie, et on pourrait ajouter d’autres phobies à la liste, on comprend que toute forme d’attachement marqué à ce qui passe pour le monde d’hier relève désormais du désordre psychique. » Ainsi, liste non exhaustive, les Zemmour, Finkielkraut, l’auteur lui-même, De Villiers et tant d’autres sont-ils frappés du label infâmant de persona non grata, les rattachant à la diabolique famille du fascisme et du nazisme.
Déconstruction du passé, négation du monde réel, volonté de régénérer l’humanité, on a là le cocktail de la Terreur révolutionnaire, un totalitarisme de la même veine.
Alors, que faire face à cette modernité radicale devenue irrespirable ? « Le politiquement correct peut tomber » affirme crânement notre auteur qui argumente : « Il y a quelque chose comme des besoins irrépressibles de l’âme humaine, et c’est justement dans la reconnaissance d’une telle chose que le conservatisme trouve la force et les moyens de ne pas désespérer. Toujours ils ressurgissent, toujours on trouve des hommes pour s’en réclamer et chercher à les inscrire dans la citoyenneté. L’homme ne se laisse jamais dévaster complètement, même par la cité la plus mauvaise, et il porte dans sa nature la possibilité de sa renaissance. On peut toujours miser sur le triomphe de la substance humaine indestructible sur un milieu déshumanisant. »
Le combat mené par le conservateur ne serait donc pas vain : bonne nouvelle. Bock-Côté ravive le feu vacillant de l’espérance en bouclant la boucle avec le mot de Chesterton : « Ce sont les grandes inspirations venues du passé qui permettent de fracasser les interdictions du présent et de féconder l’avenir. »