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Louis Lecomte contre les robots

Louis Lecomte contre les robots

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Texte publié une première fois dans Le Bien Commun : https://lebiencommun.net/kiosque/

« Vous êtes à un pas de Dieu, sautez ! » Lisez… Palpitations d’une âme urbaine de Louis Lecomte. Voilà le roman métaphysique par excellence, l’aventure racontée du dialogue intérieur. Il sait qu’avec ce récit, il est de mauvais goût pour une époque qui préfère le très horizontal développement personnel au désir de se relier à l’invisible. Il est donc à côté de la plaque, y compris pour les gens de lettres qui n’ont jamais autant méprisé les gens de l’être qu’aujourd’hui. « Mais en ce siècle, la vie intérieure se cultivait clandestinement comme des plants de cannabis. » Il assume et nous raconte la pérégrination nocturne de l’homme sensible dans Paris. Celui-là a toute nuit pour naître. La marche est maïeutique. Notre lecture est celle de veilleurs.

L’amorce est une déception amoureuse, une blessure d’amour propre, la transformation de l’être en déchet de l’amour humain. Toute déception amoureuse est une remise en cause de ce pourquoi on a été créé, ce pourquoi on est destiné. Il y a de quoi se muter en question, se démultiplier en questions à mesure que l’on marche. La nuit est le lieu du combat. « Je voulus partir à la recherche de la beauté. » La ville est un lieu d’art, de civilisation accumulée, mais pas seulement, il y aussi des no man’s land, des zones pavillonnaires en séries, des espaces clonés et gangrénés par l’utilité. « Dans ce monde qui s’enlaidit avec un acharnement admirable, les signes de beauté sont d’autant plus précieux qu’ils sont rares. » La ville est une allégorie de son âme. Et en haut, à Montmartre, il voit tout et comprend tout. « Et voici qu’en cette cité, je reconnus mon âme. Les méandres du cœur, mes fiertés et mes joies, mes souvenirs, mes douleurs et peines. Je voyais tout. » Ce n’est pas une catéchèse qui s’amorce, mais une œuvre. La conversion, c’est de l’art avec Louis Lecomte. Il a simplement l’art de se convertir. Il se scanne, toutes les vanités sont révélées. « Vois ! Regarde à ton tour ! Ma vie est idiote, vaniteuse et vaine ! » Les séries Netflix, le porno partout et dans la poche, les notifications du smartphone, tout conspire à s’autoanesthésier dans ce monde, à divertir, distraire et éloigner de l’amour divin. On a l’impression d’entendre Bernanos prophétiser cette société moderne qui est conspiration contre toute forme de vie intérieure…

Son inventaire urbain et nocturne ne tourne jamais au moralisme. Jamais l’économie du salut ne sera transformée en calcul de vendeurs d’assurance vie éternelle… Non il cherche simplement à se configurer à l’amour pour lequel il est fait. Si il a aimé une jeune fille, c’est que ce sentiment est la raison d’être tout simplement. Il sait que l’amour humain n’est que la manifestation du désir de se relier à l’invisible. L’intuition est plus forte que la raison, l’intime conviction d’être fait pour l’éternité ne peut être niée par aucun raisonnement, d’être fait par et pour l’amour. Sa promenade dans Paris de nuit est émaillée d’épiphanies, des manifestations de l’éternité dans le temps. Le narrateur sait contempler : des danseurs sur un toit, sa propre danse avec l’être féminin, des nuages qui passent à vitesse stratosphérique, sa caresse sur les pierres fraîches… Il s’y abandonne, s’y love jusqu’au petit matin. « Je ressens, émerveillé, la joie divine du créateur qui sent son amour accepté. » Voilà donc le moment d’élection ! Plus qu’un accusé de réception, une confirmation. Au bout de la nuit, alors que le poème du converti est achevé, se trouve le Dieu des matins calmes.

Palpitations d’une âme urbaine, roman de Louis Lecomte, Editions Première Partie, 136 pages, 15€


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