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Molet : l’extrême limite de la nuit

Molet : l’extrême limite de la nuit

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La langue est un exil, la langue est un refuge, Valéry Molet nous le prouve chaque jour que fait la vie et qu’il écrit. Son nouveau recueil de poésie s’intitule L'extrême limite de la nuit. Je crois qu’on s’en fiche des titres. C’est comme une étiquette sur du vin, au bout d’un moment, il faut cesser de tourner autour et boire, déguster, et se saouler. Voilà ce qu’il convient de faire avec la poésie de Valéry Molet.

Jean-Pierre Otte ouvre le recueil par une mise en bouche de sept notes, qui sont sept paragraphes pour dessiner les contours de Molet, pour poétiser le poète. Que dire de plus, que dire de mieux que Jean-Pierre Otte sur Valéry Molet ? Retenons ce qu’il dit de lui pour mieux le goûter : il évoque « une littérature du rentre-dedans : séduire à toute force, insistances, empressements, le corps à corps. » Il en va donc de l’incarnation avec la poésie de Molet ? La poésie est peut-être bien le corps du poète, une enveloppe sur la lettre  ; sans elle, il ne serait pas incarné. L’ordinaire mérite le poème : le rugby, les clodos, les vendeurs de drogue, les touristes… C’est une façon de le laver de l’insignifiance, de pardonner aux vanités. « Que sait-on de la beauté ? » S’interroge Molet. Après tout, l’art est toujours conversion du regard et aussi projection de ce regard au-delà. Tous les souvenirs se doivent de devenir des poèmes sous menace de ne pas avoir existé. Dès lors, chaque lieu visité a droit à son poème qui tient lieu de carte postale : Paris, Le Havre, la Bretagne, la Pologne… Ceux qui savent poétiser révèlent simplement qu’ils savent jouir : « À cet instant, je sais que les dieux nous haïssent / de connaître ce qu’ils ignorent. »

La vraie question à l’œuvre dans ce recueil est celle du bonheur. Vaste sujet ! Molet tacle d’abord le faux bonheur, celui qui a besoin de la béquille moderne :

« L’appareillage de loisir est l’avenir de l’homme

Les prothèses rendent parfaitement heureux

Et le bonheur perpétuel interdit l’accès à l’amour. »

Vous trouverez peut-être banal que l’amour soit la clé du bonheur et l’orientation d’une vie, mais c’est certain que vous ne trouverez pas banal la poésie de Valéry Molet. Et c’est bien l’amour qui transforme le fonctionnaire en poète. Il a bien raison d’écrire et de l’ouvrir, car il a eu la chance d’être témoin du bonheur, le vrai, le pur, celui qui n’incorpore plus cette dose de nostalgie anticipée qui gâche tout par avance. Il a trouvé le havre :

« Ma bien-aimée, les havres sont plus insolites que les orages

Notre amour, plus beau encore que ta tête roulée sur mon épaule

Les chagrins sont exsangues puisque le bonheur nous encombre. »

On n’est pas sérieux quand on est poète, quel que soit son âge, on ne peut pas se prendre au sérieux, ce n’est pas possible, puisqu’on ne prend pas sérieux le monde. « Pourquoi y a-t-il n’importe quoi plutôt que rien ? » Voilà bien la seule et unique question à méditer puis à devenir, au regard des vanités qui nous entourent, pour s’en amuser, les retourner, les détourner. Sans sérieux, il demande qu’on lui pardonne son absence de grandeur comme pour annoncer la suite en s’excusant : il va jouer de lui et des mots et nous faire vivre « L’éternel retour du contrepied. »

« On ignore toujours si l’on est pour l’acte ou le contre-ordre. »

C’est pourquoi j’invente une langue péninsulaire de soutiers. »

Il finit son recueil en accumulant les aphorismes comme de petites insultes au destin, à la vie, à l’avenir, à l’humanité trop humaine. Il nous livre des mantras destinés à nous protéger vis-à-vis du retour des vanités justement. « Moi qui désire que tout se termine en eau de boudin, je ne comprends pas du tout cette expression. » Quand tout sera cuit, il nous faudra du sang. C’est tout.

 

 

L’extrême limite de la nuit, poésie de Valéry Molet, Ed. Sans escale, 70 pages, 15€


Valéry Molet dénoue son nœud de pendu
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Les pieds de nez de Valéry Molet
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Valéry Molet transforme l’ordinaire en mystère
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