Prêtre pour l’éternité

Comme toujours, le Cardinal Sarah multiplie les références à Jean-Paul II lorsqu’il prend la plume. Le mentor canonisé n’a rien volé de sa notoriété posthume entretenue par le cardinal guinéen tant il fut un géant du XX^ème siècle. Dans son dernier opus, intitulé Pour l’éternité et consacré à la figure du prêtre catholique, les mots du pape polonais résonnent puissamment : « En célébrant le Sacrifice du Christ, vous entrerez dans sa sollicitude pour le salut des âmes qui vous seront confiées, la sollicitude du Bon Pasteur. C’est pourquoi l’apôtre Paul vous parle à travers les paroles qu’il adressait à son disciple Timothée : « Devant Dieu et devant le Christ […] je te le demande solennellement […] : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d’instruire. » Ne te décourage pas quand les hommes « refuseront d’entendre la vérité. » Ne te décourage pas… « Garde ton bon sens, supporte la souffrance, travaille à l’annonce de l’Evangile, accomplis jusqu’au bout ton ministère. » »

La filiation de haute tenue intellectuelle et spirituelle que les grands papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont permise résistera-t-elle au relativisme et au politique correct qui frappent l’institution catholique ? Le Cardinal Sarah est de ceux qui empruntent le sillon de l’excellence, et d’une forme de résistance. Ecoutons ses mots empreints d’humilité et de profondeur : « Tous les jours, chaque matin et chaque soir, je suis émerveillé par la grâce que Dieu m’a faite en m’appelant à être prêtre. Tous les jours, je suis surpris : comment le Christ Jésus a-t-il pu se pencher sur ma misère ? Pourquoi m’a-t-il choisi comme son prêtre, moi le petit enfant d’Ourous ? Pourquoi est-il venu me chercher dans mon tout petit village de Guinée ? Pourquoi moi, ignorant et indigne ? Tous les jours, je mesure le don gratuit et immérité dont il m’a comblé. Cette prise de conscience quotidienne est une source permanente de paix et de joie. Oui, tous les jours, je peux célébrer le Saint Sacrifice de la Messe, tous les jours, je monte au Calvaire avec le Christ. Tous les jours, je meurs avec lui sur la croix. Tous les jours, je prie avec Lui, j’intercède pour le monde entier en chantant les Heures du bréviaire. »

Lucidement, l’ecclésiastique sait que la principale menace qui ronge l’Eglise est sa sécularisation, c’est-à-dire sa conversion aux valeurs du monde et à ses attraits, et son détournement de la transcendance : « On ne sait plus voir dans l’Eglise que ses mérites humains : elle est estimée seulement quand elle déploie des moyens en vue d’une fin temporelle, comme le soulagement de la misère ou l’accueil des migrants. Elle est appréciée pour son engagement en faveur de l’écologie, pour sa lutte politique en faveur de la paix, de la justice et de la fraternité entre les peuples. » Sa mutation en une grande ONG semble s’accélérer par l’action de son vicaire actuel, le pape François, pétri d’humanisme, de mondialisme et de culture sociale sud-américaine.

« On constate aujourd’hui, au sein de l’Eglise, de grandes luttes internes, des divisions doctrinales. » affirme le cardinal qui poursuit : « Si Jésus-Christ ne fait pas sa richesse, l’Eglise est misérable. Elle est stérile, si l’Esprit de Jésus n’y fleurit pas. Son édifice est ruineux, si Jésus n’en est pas l’Architecte et la pierre d’Angle et si, des pierres vivantes dont elle se construit, son Esprit n’est pas le ciment. Elle est sans beauté, si elle ne reflète pas l’unique Beauté du visage du Christ (Saint Augustin, Sermo, 44,11). »

Et l’on mesure, au fil de la lecture, l’importantissime place du prêtre au sein de l’Eglise catholique, sa légitimité mille fois attaquée, à rebâtir toujours, son rôle déterminant pour servir et édifier la maison de Jésus-Christ pour les deux prochains millénaires.