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Résurrection mode d’emploi

Résurrection mode d’emploi

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Excellente nouvelle ! Fabrice Hadjadj, essayiste et dramaturge, nous livre un petit vade-mecum pour la vie éternelle intitulé Résurrection mode d’emploi. Encore faut-il savoir ce qu’est la résurrection, notion devenue absconse à nos contemporains. Déconstruction, déchristianisation et modernisme progressiste ont depuis longtemps fait œuvre d’éradication de toute espérance et transcendance.

Sur un ton enjoué, Hadjadj traite d’un sujet sérieux touchant à la finitude de l’homme, avec légèreté, humour, mais non sans profondeur. Il entremêle notions philosophiques, références religieuses et exemples du quotidien, avec dextérité. D’emblée, comme pour fixer son propos qui se veut incarné et ancré dans le réel, il affirme que « les verbes que nous traduisons solennellement par « ressusciter » renvoient en grec à des actions ordinaires : se lever, se réveiller, se mettre debout ». Pour accepter la perspective de ressusciter un jour, il faut d’abord croire au fait d’être né. Or, « la naissance n’est plus reconnue comme un heureux évènement. Il s’agit d’un fâcheux hasard avec lequel on s’arrange comme on peut, en se payant des distractions ou en amassant des fortunes. L’affairiste, d’ailleurs, croit ne pas être né : il prétend avoir fait sa fortune par lui-même ». Le confort moderne a fait de la mort un tabou, et en niant la mort comme part de notre nature, nous a fait perdre le sens même de notre nature, de notre chair, de notre réalité. D’ailleurs, nous ne prenons plus soin des morts de nos familles, comme nous le faisions jadis. « Pour entendre l’annonce de la résurrection, il faudrait être prêt à entrer au tombeau, prêt à toucher le réel de la mort jusque dans l’onction d’une chair en voie de décomposition, prêt à éprouver le poids d’absurdité d’un fils innocent crucifié comme un malfaiteur ».

En probable disciple de Thérèse de Lisieux et de sa voie spirituelle d’enfance, notre auteur nous explique le principe directeur de sa thèse : nous devons vivre de façon extraordinaire les choses les plus ordinaires. Lévinas affirmait que la plus belle définition de la civilisation résidait dans une formule de politesse : « Après vous ». Se faire « serviteur des serviteurs », être humble parmi les humbles à l’image du roi Louis le Pieux qui signait ses chartes d’un « notre médiocrité », goûter une simple promenade, respirer, sont de l’ordre de « la plus haute spiritualité ». Ainsi prédisposés, nous pouvons approcher ce miracle de la résurrection dont Hadjadj nous dit qu’il est un « miracle en creux », tant l’éternel fait montre de discrétion, « s’efface » au tombeau par la mystérieuse combinaison de l’absence de son corps et de la puissance de sa présence. Nous sommes invités à une résurrection intérieure qui passe par le don, le pardon, l’accueil de la vie de façon débordante pour mieux la donner.

Dans un langage accessible à tous, l’auteur liste les options possibles pour connaître Jésus : « vous voulez rencontrer Jésus ? Vous croyez que c’est la chose la plus rare et la plus difficile au monde. Pas du tout. Rencontrez n’importe quoi, tout bonnement, tout bellement. Rencontrez une goutte d’eau, une pivoine, un pigeon, même un MacBook ou un neveu boutonneux. Si vous les rencontrez vraiment, c’est-à-dire en éprouvant un certain vertige dans leur mystère, Jésus est là, qui les porte et même porte leurs péchés et cherche à les en délivrer. Nommer ainsi cette expérience suppose bien sûr d’avoir appris à lire le réel dans les Ecritures et à goûter le réel ». De façon vitale, nous sommes appelés à témoigner des choses les plus simples et les plus évidentes, à vivre de façon pleinement humaine, pour refuser cette « contre-annonciation » qu’est le « technicisme », cette « humanité 2.0 » qui se détourne de ce qui constituait naguère la destinée humaine : naître fille ou garçon d’un père et d’une mère, travailler de ses mains, partager un repas autour d’une table, engendrer à son tour puis faire place à la génération suivante en quittant ce monde. Tandis que l’ingénieur bricole un surhomme, un être « upgradé », une humanité augmentée, « la Sagesse », elle, « dresse une table », et l’Eglise mène ces combats à front renversé : « animée par l’Esprit, elle glorifie la chair ; dépositaire du surnaturel, elle se fait gardienne de la nature ; appelant à être saint, elle défend le sexe. Voilà pourquoi il ne suffit plus de dire comme autrefois : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu »- il faut encore ajouter que Dieu s’est fait homme pour que l’homme reste humain, et qu’en étant divinisé, il soit toujours plus humain encore ». Face à la seconde « contre-annonciation » qu’est l’islamisme, Hadjadj affirme que « la Résurrection apparaît dès lors comme ce qui dépasse et repousse aussi bien la Soumission que la Cybernétisation ».

La « dernière leçon du Verbe incarné » est d’apprendre à ne plus le voir lui, mais à voir toutes choses en lui, et à reconnaître sa gloire, partout, qui affleure dans le quotidien. Sanctifier les plus petites choses dans l’amour, voilà qui nous crée libres et nous rend le divin tangible.


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