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Société disciplinaire : Adieu la liberté

Société disciplinaire : Adieu la liberté

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Mathieu Slama, jeune essayiste et enseignant en communication au Celsa, publie aux éditions La Cité Adieu la liberté. Dans son ouvrage, il décrit l’invraisemblable privation de libertés dont nous avons été l’objet et qui fut engendrée par les confinements successifs du Covid, dès le 16 mars 2020. Il scrute en outre le non moins invraisemblable asservissement consenti par les français durant cette période hallucinante. Il y a eu une sorte de collusion entre le pouvoir qui mit de côté la démocratie pour s’installer confortablement dans un régime d’exception et le peuple qui acquiesça docilement à son enfermement. Une folie paranoïaque s’empara de tous, des organismes ad hoc quasi occultes occupèrent l’espace médiatique, tel ce Conseil Scientifique qui s’arrogea le pouvoir exorbitant de cloîtrer les gens au nom du bien, de la santé de tous et de chacun. Il n’y eut alors ni contrepouvoir, ni voix discordante ; celle de Mathieu Slama est donc précieuse parce que, vox clementis in deserto, elle est totalement singulière au sein d’un paysage marqué par un silence assourdissant et une critique quasi inexistante des décisions prises par les élites de tous bords.

« Comme beaucoup de Français, la sidération face à l’évènement prend d’abord le pas sur toutes les autres considérations. Et puis a eu lieu ce rituel étrange où les parisiens, enfermés chez eux, se mettent à leur fenêtre pour applaudir les soignants, comme des prisonniers applaudissant derrière leurs barreaux. Je réalise alors que quelque chose ne va pas, que ce qu’on est train de vivre n’a pas l’évidence qu’on voudrait lui prêter, et qu’il y a dans l’enfermement qui s’empare du monde quelque chose d’anormal et de menaçant. » Pour notre auteur, l’évènement de la pandémie n’en est pas un, ou plutôt n’est pas l’évènement central. C’est en réalité l’abandon de nos libertés, le fait que nous ne soyons plus libres qui constitue le marqueur majeur, l’acmé de ce basculement : « Nous vivons l’apogée de cette société disciplinaire. Une société où la liberté de l’autre nous est devenue insupportable ; une société délatrice, répressive et punitive où chaque geste et chaque parole doivent se conformer à un ordre moral totalitaire. »

Les effets sociaux et humains de cette politique disciplinaire ont été spectaculaires : des rues vides, le concept marxiste de la distanciation sociale imposé à tous, un monde sans contact, sans visage, des masques muselières saturant l’espace public, la crainte et la haine du prochains érigés en contre-principe évangélique, des dépressions et pathologies mentales en hausse exponentielle, une jeunesse plongée dans le désarroi. La société démocratique a disparu ce fameux 16 mars 2020. Le Président Macron, avide de disruption et curieusement réélu en mai 2022 par des Français adorant leur bourreau à travers le fameux syndrome de Stockholm, put à loisir se rengorger de contribuer, avec d’autres, à l’érection d’une société 2.0, resetée, digitalisée. Le plan se déroulait comme sur des roulettes, le cataclysme civilisationnel et anthropologique avait bien lieu, tel que prévu, tel qu’orchestré, Macron n’étant que la marionnette d’un processus puissant et universel. Les Français, moutonniers, dans un sondage du 18 mars 2022, approuvaient donc à 93% la mise en place du confinement et 84% d’entre eux étaient favorables au déploiement de 100 000 membres des forces de l’ordre pour contrôler le respect de ces règles et, éventuellement, sanctionner leur non-respect d’une amende de 135 euros. Presque un an après les premières mesures de confinement, ils étaient encore sept sur dix à être favorables à une poursuite du confinement : « Ce consentement inouï a concerné l’ensemble des mesures liberticides prises par le gouvernement : confinements, couvre-feux, passeport sanitaire, etc. »

Notre jeune intellectuel constate que nous vivons une époque de crises perpétuelles : crise terroriste, crise sécuritaire, crise sanitaire, crise climatique et s’interroge sur ce qui reste de nos principes démocratiques. En effet, l’Etat confina, déconfina, reconfina, déconfina à nouveau, instaura des couvre-feux, décida des endroits où l’on avait le droit d’aller et de ceux où il était interdit d’aller : « Cet Etat qui a menti sur les tests, sur les masques et les vaccins. », cet Etat dont le Ministre de l’Intérieur asséna cette phrase digne d’un régime totalitaire : « Les repas de famille, les dîners entre amis, le match de foot avec quelques amis, les retrouvailles pour une partie de carte, ça n’est pas seulement déconseillé, c’est interdit. » Nul ne se révoltait, chacun se faisait complice et dénonciateur de son voisin s’il manquait aux règles imposées : « Nous avons redécouvert, lors de cette pandémie, que des citoyens pouvaient se métamorphoser en agents de l’Etat avec un volontarisme et un enthousiasme insoupçonnés, en se soumettant librement à son joug et en exerçant eux-mêmes un pouvoir moral de coercition. » Seul le scandaleux passe vaccinal suscitera quelques velléités contestatrices, pas grand-chose en fait, loin du cliché du gaulois réfractaire ou de l’esprit frondeur hérité de la Révolution. Les Français sont ainsi définitivement rentrés dans le rang du paradigme orwellien de la société contrôlée et infantilisée.

Et que penser du scandale des vieux abandonnés dans les Ehpad, morts sans obsèques, sans famille, désespérés, emmurés dans leur solitude de plomb, ou de Vincent Lambert que la République, en son plus haut représentant, décida de débrancher, comme pour mettre la dernière touche à une culture de mort pleinement assumée ?

Méditons, en conclusion, sur ce que La Boétie écrivait en 1548, dans son célèbre Discours de la servitude volontaire : « C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d’être soumis ou d’être libre, repousse la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le recherche…Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude. »

Nous sommes aujourd’hui bénéficiaires d’une autorisation temporaire de libertés qu’on peut nous reprendre à n’importe quel moment. Voilà ce que nous avons accepté : la liberté conditionnelle. « Restons vigilants », « Restons prudents », « Ne relâchons pas nos efforts » sont nos nouveaux commandements.


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