Taormine, un thriller pour touristes

Un voyage est toujours une promesse. Il s’organise de longue date, il se planifie à l’aide de séries de prospectus, cartes postales et sites internet qui permettent de savourer par avance les fruits attendus de ce moment d’exception. « Quoi de plus sérieux que des vacances au soleil ? » Avec Taormine, Yves Ravey nous cache dans les bagages d’un couple partant en voyage et se fait lui-même conteur.

Un des fruits attendus par monsieur et madame Wemett est de resouder leur couple. Quelques à côté ont fait tanguer les choses et il faut encore prouver à cette très belle femme qu’on la vaut bien. Monsieur Wemett n’a pas lésiné sur l’Hôtel. Destination Taormine en Sicile, hôtel 4 étoiles, etc. La perspective d’allier sorties culturelles et bains de mer ne peut qu’enthousiasmer cette femme faite pour jouir à la lumière comme une femme trop gâtée. Ils veulent rattraper le temps perdu, c’est mignon… Et pourtant une sortie de route va tout gâcher et les faire s’enfoncer petit à petit dans un thriller presque ordinaire. Un choc contre la voiture dans un chemin qu’ils n’auraient pas dû emprunter et tout bascule, et chaque option prise dès lors sera mauvaise, et les fera s’enfoncer de mauvais aiguillage en mauvais aiguillage dans une fuite pathétique et absurde.

Monsieur Wemett campe sur sa décision « ne pas changer d’un iota notre programme » malgré la catastrophe de plus en plus évidente et ce déni sera enlisement. La femme rejoue le film pour mieux culpabiliser son mari. Et si et si et si… qu’a-t-il fallu pour que le drame arrive ? Que l’on ne respecte pas le programme, que la femme capricieuse veuille voir la mer tout de suite, le mari compassé refuse de se laisser impacter par le réel. Il ne faut pas céder à la panique, réduire le drame à « une succession d’ennuis, dus à la malchance et rien d’autres. » C’est ainsi que le couple bourgeois se dédouane de toute responsabilité, c’est ainsi qu’il refuse la tragédie pour se contenter d’un léger frisson.

Yves Ravey sait dès le début nous faire douter du calme apparent des vacances promises, et il sait tout aussi bien ancrer le drame dans l’ordinaire de ce petit couple. Comme dans tout bon thriller, on n’a qu’une envie, intervenir dans le roman, conseiller les héros, réécrire l’histoire. En bon conteur Yves Ravey sait s’effacer derrière la fatalité du récit.

Maximilien Friche

Taormine, roman de Yves Ravey, éditions de minuit, 144 pages, 16€