Angleterre – France : le vrai match
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Angleterre – France : le vrai match
Par C. Auzies
9 février 2014 20:00
L’enfer est le rythme des autres. Cette phrase précise que la difficulté de vivre ensemble est souvent réductible au rythme différent que l’on imprime à sa façon de vivre. Un tel mange plus vite, se couche plus tôt tandis que l’autre développe une vie plus lente. À terme, cette situation est source de conflits. Ajoutez-y une once d’orgueil et vous avez la guerre. Ce qui est valable pour l’être humain l’est aussi pour une nation. Hollande, notre cher président et David Cameron, le premier ministre anglais, en ont fait la cruelle expérience tant les deux pays divergent économiquement. Mais pourquoi donc notre cher président est passé outre-Manche pour se prendre des coups ? Surtout après le Gayet gate où sa crédibilité internationale a été réduite à la plus simple expression et en pleine crise d’euphorie économique anglaise.
L’économie de la Grande-Bretagne est en bien meilleure forme que la nôtre, c’est incontestable. Et pourtant, frappée de plein fouet par la crise économique, la fière nation à la rose a failli sombrer. Qui se souvient de la faillite de Northern Rock ? Et du sauvetage in extremis de Royal Bank of Scotland ? Dans le sillage de l’économie américaine, l’immobilier s’était écroulé et tout allait au plus mal. Des profondeurs économiques, leur premier ministre n’a pas hésité à faire subir à sa nation un véritable choc d’austérité. Une réduction de 500 000 fonctionnaires, une augmentation d’impôts, une réduction drastique des dépenses publiques accompagnée d’une politique monétaire accommodante (rachat des actifs et planche à billets) ont permis au royaume de redresser la tête. En effet, une croissance estimée à 1,4 % en 2013 et 2,4 % prévue en 2014, un chômage en dessous de 8 %, ces chiffres anglais font rêver outre-Manche. Vous pourrez lire nombre d’articles de la presse française sur ce sujet. Qu’il fait bon vivre dans le royaume de sa gracieuse majesté. Notre pauvre république fait pâle figure. Avec une croissance à zéro, heureusement que nous avons les histoires de fesses de notre président pour nous distraire. Car de notre côté, on en finit plus de se tâter la prostate. De réformettes en réformettes, nous alourdissons la fiscalité. Nos élites nous bassinent avec l’augmentation de la productivité. Sachez que la productivité anglaise est moins bonne que la nôtre. En effet, en France moins de personnes travaillent (28,5 millions de population active contre 32 millions pour le Royaume Uni) pour une plus grande richesse produite (41 954 $ de PIB par personne en France contre 39 600 $ de PIB par personne en GB). Et oui, on l’oublierait presque : nous sommes plus riches que les Anglais !! Et pour l’instant un peu moins endettés… Les chiffres sont têtus, la croissance en berne cache un pays riche… de sa protection sociale. Les immigrés nous en remercient tous les jours.
Sortons de ce débat chiffré stérile pour distinguer les options économiques différentes de nos deux nations. D’un côté, nous avons les Anglais, chantres d’un certain libéralisme. Ils ont eu Margaret Thatcher, qui n’avait pas sa langue dans sa poche et qui osait brandir en meeting le livre de Hayek : « les routes de la servitude ». Ah oui, Friedrich Hayek est un illustre inconnu en France. C’est un libéral autrichien, profondément anti-socialiste. Que disait la dame de fer : « un homme a le droit de travailler comme il veut, de dépenser ce qu’il gagne, de posséder sa propriété, d’avoir l’état pour serviteur et non pour maitre ». Tout est dit. L’état doit rester à sa place. Il se doit d’être le facilitateur de l’économie sans être omniprésent. En France, cette conception n’existe pas. Au sortir de la grande guerre, la France a choisi d’adhérer pleinement au concept d’état providence. Résultat : il s’occupe de tout : du logement à la culture en passant par l’éducation de nos enfants… L’état est l’économie. On attend tout de lui. Il est même mieux que la providence, il est religion. C’est notre maître à qui nous devons nous soumettre en récitant notre credo: liberté, égalité, fraternité.
Autre sujet de discorde entre les deux pays : l’indépendance. L’Anglais ne veut pas de l’Europe pour maître. Membre du marché commun, sans être prisonnier de l’euro et de Schengen, l’Angleterre joue et gagne sur tous les tableaux. Le plein exercice de sa politique monétaire lui permet d’expérimenter une politique budgétaire restrictive tout en faisant tourner la planche à billets. Autrement dit, elle dévalue sa monnaie pour donner un souffle d’air à ses entreprises qui exportent en Europe ! Force est de constater que les résultats en terme de croissance sont pour l’instant bons. Même certains économistes pensent que le Royaume-Uni deviendra la première puissance européenne en 2030. A contrario, la France est soumise à une politique monétaire commune dont l’objectif est plus vaste que de sortir l’économie hexagonale du marasme. La France subit ainsi la concurrence des autres pays européens sans posséder l’arme monétaire et sans frontière douanière. C’est le grand chaudron européen : tous contre tous et que le meilleur gagne ! Si vous chutez, vous perdrez votre souveraineté comme les Grecs ou votre argent comme les Chypriotes. Or, notre drame fut d’avoir des hommes politiques incompétents qui n’ont pas vu que s’ils ne faisaient pas une politique d’austérité au même moment que les autres, ils seraient condamnés à subir la pression des autres pays exportant une population plus pauvre et plus travailleuse. Ainsi, nous commençons à voir des entreprises du BTP espagnoles ravir les contrats des entreprises françaises. Mêmes nos champions automobiles nationaux et étatiques comme Renault s’y mettent en délocalisant leur production en Espagne.
Il reste une troisième grosse pomme de discorde avec nos voisins : la conception du travail. Cela est relativement simple, la flexibilité du travail est fonction de la protection sociale et du coût de fonctionnement de l’état. Les Anglais ont choisi moins de protection sociale et moins d’état contre une forte flexibilité du travail. Résultat, moins de chômage mais plus de précarité. Leur devise, le travail rend libre. En France, le chemin pris est bien différent. Nous avons réduit le temps de travail, et maintenu notre protection sociale. Mieux du point de vue humain mais catastrophique au point de vue économique lorsque l’on a l’intention d’évoluer dans une économie ouverte. En effet, la rigidité de notre système rend nos entreprises aussi lourdes que des mammouths dans un monde de gazelles. Et pire, la France maintient sa protection sociale en empruntant. Superbe cadeau pour les générations futures.
Ce n’est pas un scoop, la France et l’Angleterre suivent deux voies divergentes. D’un côté, l’euro- état providence – protection sociale pour les français contre indépendance – état libéral – flexibilité du travail pour les Anglais. Aujourd’hui, l’Angleterre relève la tête, la France au fond du trou continue à creuser. Ces constats sont partagés par beaucoup de politiciens honnêtes mais aucun ne veut ouvrir réellement les yeux sur les solutions évidentes à prendre. Nos élites se comportent comme des traitres à la nation comme l’a dit Emmanuel Todd lors d’une émission « mots-croisé »1 de façon rocambolesque. Cependant, il n’est pas trop tard. La France est encore riche et peut arracher son destin aux mains de l’Europe. Il faudra le faire intelligemment sans violence car dans un jeu stratégique, les comportements coopératifs sont toujours meilleurs. Alors convertissons nos amis européens à l’idée qu’il faut garder le meilleur de la construction européenne et abandonner le pire. Malheureusement, une autre voie est envisageable, celle qui est prise aujourd’hui. C’est l’effacement des nations au profit de l’empire européen où le destin de chaque pays ne sera que secondaire. Pendant ce temps- là, il n’est pas exclu que la perfide albion continue de prospérer sur les erreurs stratégiques de ses voisins.
Un french bashing facile
L’économie de la Grande-Bretagne est en bien meilleure forme que la nôtre, c’est incontestable. Et pourtant, frappée de plein fouet par la crise économique, la fière nation à la rose a failli sombrer. Qui se souvient de la faillite de Northern Rock ? Et du sauvetage in extremis de Royal Bank of Scotland ? Dans le sillage de l’économie américaine, l’immobilier s’était écroulé et tout allait au plus mal. Des profondeurs économiques, leur premier ministre n’a pas hésité à faire subir à sa nation un véritable choc d’austérité. Une réduction de 500 000 fonctionnaires, une augmentation d’impôts, une réduction drastique des dépenses publiques accompagnée d’une politique monétaire accommodante (rachat des actifs et planche à billets) ont permis au royaume de redresser la tête. En effet, une croissance estimée à 1,4 % en 2013 et 2,4 % prévue en 2014, un chômage en dessous de 8 %, ces chiffres anglais font rêver outre-Manche. Vous pourrez lire nombre d’articles de la presse française sur ce sujet. Qu’il fait bon vivre dans le royaume de sa gracieuse majesté. Notre pauvre république fait pâle figure. Avec une croissance à zéro, heureusement que nous avons les histoires de fesses de notre président pour nous distraire. Car de notre côté, on en finit plus de se tâter la prostate. De réformettes en réformettes, nous alourdissons la fiscalité. Nos élites nous bassinent avec l’augmentation de la productivité. Sachez que la productivité anglaise est moins bonne que la nôtre. En effet, en France moins de personnes travaillent (28,5 millions de population active contre 32 millions pour le Royaume Uni) pour une plus grande richesse produite (41 954 $ de PIB par personne en France contre 39 600 $ de PIB par personne en GB). Et oui, on l’oublierait presque : nous sommes plus riches que les Anglais !! Et pour l’instant un peu moins endettés… Les chiffres sont têtus, la croissance en berne cache un pays riche… de sa protection sociale. Les immigrés nous en remercient tous les jours.
Des stratégies économiques divergentes
Sortons de ce débat chiffré stérile pour distinguer les options économiques différentes de nos deux nations. D’un côté, nous avons les Anglais, chantres d’un certain libéralisme. Ils ont eu Margaret Thatcher, qui n’avait pas sa langue dans sa poche et qui osait brandir en meeting le livre de Hayek : « les routes de la servitude ». Ah oui, Friedrich Hayek est un illustre inconnu en France. C’est un libéral autrichien, profondément anti-socialiste. Que disait la dame de fer : « un homme a le droit de travailler comme il veut, de dépenser ce qu’il gagne, de posséder sa propriété, d’avoir l’état pour serviteur et non pour maitre ». Tout est dit. L’état doit rester à sa place. Il se doit d’être le facilitateur de l’économie sans être omniprésent. En France, cette conception n’existe pas. Au sortir de la grande guerre, la France a choisi d’adhérer pleinement au concept d’état providence. Résultat : il s’occupe de tout : du logement à la culture en passant par l’éducation de nos enfants… L’état est l’économie. On attend tout de lui. Il est même mieux que la providence, il est religion. C’est notre maître à qui nous devons nous soumettre en récitant notre credo: liberté, égalité, fraternité.
Autre sujet de discorde entre les deux pays : l’indépendance. L’Anglais ne veut pas de l’Europe pour maître. Membre du marché commun, sans être prisonnier de l’euro et de Schengen, l’Angleterre joue et gagne sur tous les tableaux. Le plein exercice de sa politique monétaire lui permet d’expérimenter une politique budgétaire restrictive tout en faisant tourner la planche à billets. Autrement dit, elle dévalue sa monnaie pour donner un souffle d’air à ses entreprises qui exportent en Europe ! Force est de constater que les résultats en terme de croissance sont pour l’instant bons. Même certains économistes pensent que le Royaume-Uni deviendra la première puissance européenne en 2030. A contrario, la France est soumise à une politique monétaire commune dont l’objectif est plus vaste que de sortir l’économie hexagonale du marasme. La France subit ainsi la concurrence des autres pays européens sans posséder l’arme monétaire et sans frontière douanière. C’est le grand chaudron européen : tous contre tous et que le meilleur gagne ! Si vous chutez, vous perdrez votre souveraineté comme les Grecs ou votre argent comme les Chypriotes. Or, notre drame fut d’avoir des hommes politiques incompétents qui n’ont pas vu que s’ils ne faisaient pas une politique d’austérité au même moment que les autres, ils seraient condamnés à subir la pression des autres pays exportant une population plus pauvre et plus travailleuse. Ainsi, nous commençons à voir des entreprises du BTP espagnoles ravir les contrats des entreprises françaises. Mêmes nos champions automobiles nationaux et étatiques comme Renault s’y mettent en délocalisant leur production en Espagne.
Il reste une troisième grosse pomme de discorde avec nos voisins : la conception du travail. Cela est relativement simple, la flexibilité du travail est fonction de la protection sociale et du coût de fonctionnement de l’état. Les Anglais ont choisi moins de protection sociale et moins d’état contre une forte flexibilité du travail. Résultat, moins de chômage mais plus de précarité. Leur devise, le travail rend libre. En France, le chemin pris est bien différent. Nous avons réduit le temps de travail, et maintenu notre protection sociale. Mieux du point de vue humain mais catastrophique au point de vue économique lorsque l’on a l’intention d’évoluer dans une économie ouverte. En effet, la rigidité de notre système rend nos entreprises aussi lourdes que des mammouths dans un monde de gazelles. Et pire, la France maintient sa protection sociale en empruntant. Superbe cadeau pour les générations futures.
Ce n’est pas un scoop, la France et l’Angleterre suivent deux voies divergentes. D’un côté, l’euro- état providence – protection sociale pour les français contre indépendance – état libéral – flexibilité du travail pour les Anglais. Aujourd’hui, l’Angleterre relève la tête, la France au fond du trou continue à creuser. Ces constats sont partagés par beaucoup de politiciens honnêtes mais aucun ne veut ouvrir réellement les yeux sur les solutions évidentes à prendre. Nos élites se comportent comme des traitres à la nation comme l’a dit Emmanuel Todd lors d’une émission « mots-croisé »1 de façon rocambolesque. Cependant, il n’est pas trop tard. La France est encore riche et peut arracher son destin aux mains de l’Europe. Il faudra le faire intelligemment sans violence car dans un jeu stratégique, les comportements coopératifs sont toujours meilleurs. Alors convertissons nos amis européens à l’idée qu’il faut garder le meilleur de la construction européenne et abandonner le pire. Malheureusement, une autre voie est envisageable, celle qui est prise aujourd’hui. C’est l’effacement des nations au profit de l’empire européen où le destin de chaque pays ne sera que secondaire. Pendant ce temps- là, il n’est pas exclu que la perfide albion continue de prospérer sur les erreurs stratégiques de ses voisins.