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Champagne pour le Rafale

Champagne pour le Rafale

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L'invendable a été vendu ! Mardi 10 février, l'annonce sonnait comme une libération : l'Égypte venait de commander 24 Rafales. Le maréchal Al-Sissi, successeur de Toutankhamon, venait de lever la malédiction commerciale de cette "réussite technologique".

L'État égyptien a commandé 24 Rafales et 1 frégate furtive pour 5,2 milliards d'euros. Si nous n'avons qu'à peine entendu parler de la vente de notre frégate (le manque d'exotisme de l'Égypte par rapport à Taïwan sans doute), les médias ont abondamment parlé du Rafale. Depuis une trentaine d'année que la France dans son ensemble se gaussait des qualités techniques - certes indéniables mais au combien coûteuses - de notre avion, voilà que les faits donnent enfin corps à cette vérité invoquée comme pour lui donner vie.

Les négociations entre les États français et égyptiens ont été rapides - elles ont débuté en septembre dernier - essentiellement parce que l'Égypte n'a demandé ni production locale de l'appareil, ni transfert de technologie, deux points généralement incontournables dans les négociations de contrat d'armement. En dépit de la rapidité de la conclusion de la vente, celles-ci n'ont pas évidentes sur le plan financier. Au vu de la situation de son économie, il n'est évidemment pas aisé pour l'État égyptien de financer facilement un tel achat. Pour parvenir à boucler le contrat, il a fallu trouver des financements dans le golfe d'une part et auprès des banques françaises d'autre part, celles-ci étant garanties du paiement de la dette par la France.

L'appareil, conçu pendant la guerre froide, avait été pensé pour intercepter le plus loin possible d'éventuels chasseurs russes en direction de notre territoire ; la possibilité de voler à mach 2 était pleinement justifiée. Les impératifs miliaires de notre début de siècle, largement dominé par les guerres asymétriques, ne requièrent plus de telles capacités aériennes. À moins qu'Al-Sissi n'entende intervenir en Ukraine (on en doute tout de même), l'Égypte n'a pas à redouter la menace d'une armée régulière. Au contraire, le trouble auquel l'Égypte doit aujourd'hui faire face, est comme pour l'Europe la menace islamiste. Mais, contre les Frères Musulmans, l'Armée est la seule institution à même de résister, le soldat-président a voulu par l'achat du Rafale renforcer le prestige des forces armées en renforçant son armement le plus symbolique : l'avion de chasse. Le Rafale n'a donc pas été acheté pour son point fort - ses qualités techniques - mais pour son point faible : son prix. Cet achat répond à toutes les caractéristiques du marché du luxe, le Rafale a été acheté pour son prix élevé !

Côté français, l'Armée se félicite naturellement de cette vente, qui va renforcer les capacités de production et l'expérience des industries françaises d'armement. Cependant certains doutes sont rapidement venus ternir ce tableau idyllique : la vente du Rafale à l'export ne va-t-elle pas se faire aux dépens de l'équipement de nos propres forces armées ? Les installations de production actuelles de Dassault ne permettent pas de mener de front les productions françaises et égyptiennes. Préférera-t-on construire une nouvelle ligne ou retarder notre production, au risque de futures réductions budgétaires venant amputer les derniers exemplaires initialement destinés à la France ? La sagesse voudrait effectivement qu'une nouvelle ligne soit construite, en particulier parce que les appareils égyptiens ne seront pas equipés de la même manière que les français en terme de matériels de communication de l'OTAN par exemple. Malheureusement la raison et la politique ne font que rarement bon ménage.


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