Coût en vies humaines du développement chinois
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Je ne suis jamais allé en Chine continentale, juste une journée à Hong-Kong alors que cette Cité-État faisait encore partie de la couronne britannique. Cette ville était déjà passablement polluée, on sentait même des odeurs de kérosène puisque l’aéroport était à l’époque encore au milieu des gratte-ciel ou presque. Dans les rues, les odeurs de cuisine se mêlaient aux fumées bleutées des multitudes de deux-roues. Aujourd’hui, avec le développement effréné de la Chine favorisé par une disponibilité en énergie ad libitum, la situation s’aggrave dangereusement en termes de pollution car la principale source d’énergie électrique de la Chine est le charbon malgré l’immense effort de construction de centrales nucléaires un peu partout dans le pays. Cette course effrénée vers le développement du standard de vie de 1,3 milliard de personnes qui veulent vivre « à l’occidentale » aussi vite que possible – on compte 1,4 milliard de téléphones portables en Chine – ne peut se réaliser que si l’énergie est disponible et à un prix abordable, mais à quel prix pour la santé.
La pollution par les fumées des centrales électriques a provoqué la mort prématurée de 670.000 personnes en 2012 ce qui correspond, selon une étude très sérieuse réalisée à l’Université de Tsinghua, à un surcoût pour une tonne de charbon de 260 yuans ou encore 330 dollars HK. Ce coût supplémentaire se répartit entre les dépenses de santé générées par la pollution et l’extraction et le transport du charbon vers les centrales électriques. Or les taxes par tonne de charbon s’élèvent à 40 yuans en moyenne par tonne. On est donc loin du compte. La législation anti-pollution est très longue à mettre en place car les barons locaux du parti sont réticents et notoirement corrompus, en effet une centrale électrique est une source de revenus substantielle et ces responsables locaux du parti ferment les yeux sur les régulations pourtant mises en place par le pouvoir central de Pékin.
Malgré le fait que l’étude citée a montré que 70 % de la population du pays était exposée quotidiennement à des microparticules de 2,5 microns et plus atteignant une teneur de 35 microgrammes par mètre-cube, et c’est une moyenne, qu’est-ce que c’est 670.000 morts prématurées : 0,04 % de la population du pays, en somme pas de quoi s’alarmer … Et pourtant le Centre de Recherche International sur le Cancer, organisme basé dans la bonne ville de Lyon et dépendant du WHO (Nations-Unies) a pourtant émis une alerte sur les propriétés carcinogènes des polluants micro-particulaires au delà du seuil de 10 microgrammes par m3. Et pourtant en Chine 160 millions de personnes vivent quotidiennement avec des seuils de pollution supérieurs à 100 microgrammes par m3. Une étude parue dans The Lancet a avancé le nombre de décès prématurés à 1,2 millions mais le pouvoir central a immédiatement réalisé une contre-étude qui a conclu à « seulement » 350 à 500 milliers de morts prématurées par an sur tout le territoire du pays.
Selon Zhou Fengqi, un ancien sous-secrétaire à l’énergie, il est impossible d’améliorer cette situation avant une vingtaine d’années. Douze millions de morts, ce sera le prix à payer en vies pour que le standard de vie du Chinois moyen atteigne celui d’un Européen. Belle prouesse !