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Des actes manqués

Des actes manqués

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Internet procure actuellement la fausse sensation de pouvoir s'exprimer en toute liberté et en plus de le faire quasiment anonymement, anonymat étant comme chacun sait, un leurre. Le citoyen pense récriminer sans risques, dévoiler tout ce qui l'énerve dans la politique, dénoncer les injustices. Et il croit qu'en plus lesdits politiques vont prendre en considération sa noble colère et son indignation vertueuse. Comme il a -encore- la possibilité de le faire librement, il est convaincu que son opinion compte. Sans doute croit-il encore au Père Noël aussi ?

Je le crois aussi naïf que cela. Enfin, naïf, pas tant que ça, il sait très bien également que tout ce qui compte c'est qu'il reste assujetti afin de pouvoir continuer à consommer. Comme les autres…

On ne compte pas sur les blogs, dans les forums les adresses au président de la République, aux banques, à tous les maîtres de ce monde. Je m'étonne toujours que leurs auteurs soient autant persuadés que les premiers concernés vont lire leurs brûlants libelles. Au fond, tout ce déferlement de colère bien réelle que l'on constate sur le réseau demeure surtout virtuel. Ce ne sont que des « quart d'heure de la haine » comme dans « 1984 ». L'individu a cette potentialité de défoulement. Il reviendra ensuite, tout autant docile, à son statut de maillon de la chaîne.

Apaisé et d'autant plus productif.

Cela concerne tout le spectre politique, de la droite à la gauche, la vraie droite et la vraie gauche de ceux ayant encore des convictions nettes, je ne parle pas ici bien entendu du « ventre mou » de tous ceux qui adhèrent à la doctrine commune libérale libertaire dans les faits. Cela concerne les croyants, les incroyants, les anti-staliniens, les anti-nazis. Il est encore de ces candides courageux de s'attaquer à des totalitarismes morts depuis longtemps, ils sont courageux mais pas téméraires. Ils sont dans leurs marottes, leurs obsessions permettant de surtout ne pas combattre la crise morale gravissime que nous traversons en ce moment…

Ce sont autant « d'actes manqués ». De ces actes que les adolescents prétendent commettre, en allant jusqu'au bout, mais qui ne sont qu'un moyen de se faire remarquer des grandes personnes, et, ou du pion qui sifflera bientôt la fin de la récréation.

Je ne prétends pas ici qu'il s'agit de s'engager dans une lutte armée, de poser des bombes. Dieu m'en préserve. Non, mais d'oser affirmer ce que l'on est, ce que l'on croit dans la vie quotidienne, dans la vie professionnelle. Ce n'est pas si difficile que cela de cesser de tricher avec cette société, d’arrêter de la dénoncer tout en l'entretenant tous les jours concrètement dans ses actes. C'est bien sûr plus exigeant mais aussi plus exaltant. Je songe aussi à mon arrière-grand-père qui voulant protester contre la nouvelle monnaie d'après la Seconde Guerre avait lancé dans sa région une grève de l'impôt sachant très bien ce qu'il encourait avec ses « complices »…

Mais c'était juste que pour eux à ce moment précis, il était important d'aller plus loin que la simple râlerie. Je songe aussi à tous ces français dont on ne parle jamais qui ont sauvé des juifs pendant cette période sans croire bon de s'en vanter, c'était juste que pour ces héros méconnus c'était la seule chose à faire.

Dans la vie réelle, celle qui commence une fois l'écran éteint, nombre de catholiques ne fréquentent que des catholiques, que des reflets en somme, ne prennent pas le risque de se coltiner au monde. Ils se séparent bien entre « charismatiques », réputés « tradis » et progressouillards, mais convaincre des convaincus ce n'est pas bien difficile. Ou alors ils sont ces « cathos de service » qui dans de nombreux groupes servent d'abord à justifier le discours laxiste, et, ou progressiste des « bourgeois pédagogues », des donneurs de leçons de morale politique. On chercherait vainement les « Bernanos » de 2017, capables de s'enflammer sans se poser la question des conséquences.

Les catholiques dits de combat se cherchent pour beaucoup une « bonne » place, un créneau qui rapporte quand même un peu…

L'auteur de ces lignes est enseignant dans le public, il n'est pas mieux que les autres. Pendant très longtemps, il a cru bon de rester discret. Bien que l'étant, il était quand même déjà catalogué et ostracisé. Et puis un jour, participant à une manif connotée « réac », il a été pris en photo dans un journal accessible dans tous les établissements de sa région. Le photographe lui avait demandé s'il pouvait publier l'image, après réflexion j'avais accepté, au moins ce serait plus clair. Pour cette photo et ce qu'elle suggérait j'ai été envoyé à l'autre bout de la France après avoir réussi un concours, je ne me suis ensuite pas laissé faire, le jeu en valait la chandelle…

C'est tellement mieux d'être soi-même jusqu'au bout.


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