Quand la mort est un pique-assiette
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Bien souvent la destinée, la vie, Dieu, peu importe comment on appelle ça, a un humour grinçant, un rien sardonique :
Un type qui n’a jamais fumé de sa vie meurt soudain d’un cancer du poumon, un acteur d’une pneumonie qui éteint sa voix, et un homme bon vivant et énergique d’une dénutrition, ne pouvant plus manger, ne pouvant plus boire, restant lucide, et condamné à voir la vie le quitter à petit feu, une fin atroce, une souffrance de tous les instants. La mort devient littéralement un pique-assiette.
Les esprits bilieux ou jaloux, incapables de joie simple, y verront avec une joie mauvaise la satisfaction de leur revanche :
« Je vous l’avais bien dit que c’était dangereux d’être un bon vivant ».
Parfois cette personne est un père, un père aimé, un père détesté, un père injuste, un père auquel on croyait ne pas ressembler et à qui en fait on ressemble de plus en plus en vieillissant. Et le pardon à accorder sans doute est trop difficile à délivrer.
Quand on lit ce genre d’histoire dans un livre ce serait presque édifiant, plein de sagesse, ou d’ironie. On verserait quelques larmes, de crocodiles, on s’amuserait des tournants que prend une vie. On aurait presque tendance à trouver ça moral que quelqu’un meurt par où il a abondamment abusé, et pourtant on ne le condamne pas. Surtout s’il aime la vie. Car la vie, la vraie, ce n’est pas ce qui ferait de nous des purs esprits, des êtres désincarnés.
Les religions sont des réponses à la mort principalement, à notre peur de la mort précisément. Depuis que le singe humain se tient debout sur ses pattes arrière, il essaie de comprendre ce qui se arrive après la vie. C’est un mystère qu’il tente de percer sans grand succès car personne n’est revenu de « l’autre côté » pour témoigner du sort qui nous serait promis. Et ce même si nos livres saints évoquent des résurrections s’étant produites miraculeusement. Ou d’autres des apparitions de l’au-delà…
Les religieux nous enjoignent de nous confier entièrement à Dieu, de se laisser à sa bienveillance, que la vie ne serait qu’un passage. Je me suis toujours demandé pourquoi le Christ dans ce cas a toujours pris soin d’apparaître à ses disciples ou de leur enseigner surtout durant des repas ou des festins, sa première action d’éclat publique se situe durant une noce bien arrosée, et le premier drame de l’Évangile est qu’il n’y a plus de vin pour les invités à Cana.
Flavius Josèphe, je crois, surnomme Jésus « le glouton » dans ses écrits, c’est dire la réputation qu’il avait à Jérusalem parmi les pharisiens, les gardiens du temple. Ces chrétiens qui nous intiment de nous laisser mener regardent pourtant toujours à droite et à gauche quand ils traversent la rue. C’est qu’ils n’ont au fond pas entièrement confiance dans ce que dieu prévoirait pour eux, ou qu’ils n’y croient finalement pas.
D’autres voient dans les expériences de « mort imminente » (ou « near death experience ») des preuves irréfutables. A une certaine époque c’était très à la mode. Certains scientifiques ont démontré depuis que les visions célestes ou infernales sont surtout sans doute le fait d’une arrivée massive de sérotonine au cerveau. Je ne trancherai pas ici… Finalement, à la fin, certaines nuits c’est juste le visage du fantôme vu sur un lit d’hôpital qui nous hante, et puis on accepte ce qui arrive, ce qui était somme toute prévisible et à quoi on ne peut rien. Et l’on songe à cette réplique de « la Cerisaie » :
« La vie est un souffle, à peine a-t-on eu le temps de le sentir sur son bras qu’il est passé ».