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Russie autre et autrement (10)

Russie autre et autrement (10)

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Le rôle de la femme et l'émancipation féminine en Russie sont historiques : après tant de morts pendant la Deuxième Guerre mondiale, la société russe a été construite et reconstruite et menée par les femmes. Aujourd'hui, la société civile russe est toujours féminisée et morte, car elle attend la redistribution plus ou moins centralisée. Elle reste protectionniste, égalitaire, étouffante. Le rôle de la femme n'est pas du tout comparable à l'Occident et le féminisme russe proprement dit n'existe pas, car il n'a pas de raison d'être. La France n’est pas loin dans son rêve d’État providence. L'Occident se bat pour les mirages d'égalitarisme homme/femme. La dernière invention obscène et sexiste est la parité sexuelle dans les institutions publiques et dans les postes des élus en France… En Russie, il y a une surreprésentation des femmes dans la société égalitaire, une "parité sans hommes". Ce manque d'hommes est chronique. À l'exception des mauvais garçons lors de l’Eltsiniade comme meneurs de la conquête sauvage des fonds publics, qui est maintenant terminée : il n'y a plus rien à voler dans les caisses de l'État. L'État subsiste, se recentre, se reforme sous la main ou le poing de Vladimir Poutine (et Dieu merci !), mais, en dehors du Kremlin, la société civile reste morte et féminisée. La castration masculine de l'émancipation soviétique et de la "parité sans hommes" ne permet ni émancipation asexuée (mouvement LGBT), ni sexualité libre (aucun Woodstock en Russie), ni dynamique, car tout est pris en son sens utilitaire (le sexe pour la simple reproduction et le renouvellement des ressources humaines et des forces du travail), ou plus sérieux (famille, même monoparentale ou orphelins, fondement d'État), ou solennel ("mat-rodina" signifie "la mère patrie"), voire funéraire (la joie corporelle est uniquement sportive, combattante, belligérante, jamais ludique). Cette "parité sans hommes" sert aussi de base au salariat ubiquitaire sans la moindre ambition. Le sexe n'est pas vécu comme une activité ludique, mais comme une activité sociale, reproductive, source d'impôts (ou de leur allègement si la famille est nombreuse). Effectivement, il y a des exceptions lumineuses et tout cela ne peut ternir les grandes prouesses que les femmes russes ont accomplies, comme Valentina Terechkova, maire et sénatrice de Iaroslavl, première cosmonaute féminine.

LGBTQA+

Si la Russie reste extrêmement homophobe de nature, c'est une homophobie de marginalisation et moins de persécution. Cette haine et ce mépris sont structurels, comme le reste de l'agressivité et de l’arrogance russe. Il ne s'agit pas de haine ou de mépris culturel : il n'y a pas de moralité dans le rejet, il n'y a que de l'ignorance.

À Moscou, en 2018, j'ai voulu visiter des restaurants et bars "gays" qui m'avaient été recommandés par une connaissance de Paris, mais ces funestes et tristes bars ne m'ont pas inspiré suffisamment pour y rentrer. Dans le premier, il y avait une sorte de benderovtsy (fascistes nationalistes ukrainiens en 1945, en cuir et grandes bottes, une sorte de Tom of Russia, présentés, certes, par le régime de Kiev de 2024 comme « démocrates »), dans l'autre une sorte de prostitué moitié efféminé, moitié travesti ; le comique s'est mêlé avec une tragédie de la dégradation et du dénigrement humain dans une caricature hystérique.

En 2016, j'ai eu cette information sur les réseaux sociaux sans pouvoir la vérifier : "Dimanche soir, à Moscou : le Propaganda (un bar discothèque) est plein à craquer. Au cœur de la capitale russe, à un kilomètre seulement du Kremlin, des jeunes attendent patiemment d'entrer dans le bar. D'autres sortent fumer. Tous affichent et affirment leur homosexualité malgré les risques qui pourraient en découler. Il n’y avait aucun risque policier encouru. En 2018, je n'ai vu personne s'afficher. Être non-hétérosexuel en Russie ne constitue pas un délit, mais une rareté loufoque. Avec les craintes existentielles d’aujourd’hui face à l'enfermement de la Russie et à la crise ukrainienne, les non-hétérosexuels deviennent


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