Russie autre et autrement (11)

Épisode 11 : les satellites

Je suis né en République Tchèque à l’époque où le Pacte de Varsovie garantissait l’intégrité du camp soviétique face à l’OTAN, dans le Bloc de l’Est. La vie dans ces pays satellites était différente selon les pays, mais la dévotion à l’idée du communisme possible a unifié toute la politique intérieure et extérieure de ces pays.

L’URSS signifiait jusqu’en 1993 une intégration beaucoup plus compressive avec la Russie, élément essentiel de l’URSS. L’URSS fut fondée en 1922 avec trois états artificiellement créés : Biélorussie, Russie, Ukraine sur les vestiges de l’empire russe qui a fini la guerre civile entre blancs et rouges (1924). Les deux nouveaux états, Biélorussie et Ukraine, n’avaient jamais existé ou seulement comme des régions périphériques de la Russie. Ils ont été proclamés “républiques” par les Bolcheviques pour pouvoir créer l’URSS. Les autres voisins se sont agrégés ou ont été intégrés de force à cette union soviétique, y compris les pays historiquement libres, ou au moins non dominés par la Russie Impériale. L’union soviétique a été créée avec les Républiques Soviétiques suivantes en 1936 : Moldavie, Ukraine, Biélorussie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan, Kazakhstan, Turkménistan, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan et Russie. J’ai visité la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Ukraine, trop rapidement avant 1992. Après la chute de l’étatisme communiste économique, je ne me suis rendu en Ouzbékistan et je l’ai pris - à tort ou à raison- pour un exemple de l’évolution post-soviétique.

Le voyage de 2016 en Ouzbékistan m'a révélé effectivement le monde d’un pays totalitaire converti à la démocrature (président réélu pendant 20 ans) selon le modèle asiatique tribal (chef incontestable, issue de l'ancien apparat soviétique).

La corruption exorbitante était le fruit de la politique contre l’URSS, politique de sa dislocation menée par des USA (Albright, Clinton…) dans les années 1990-2000 avec un investissement massif dans les structures post-soviétiques tout en gardant en place tous les bons apparatchiks de l'ancienne ère. C’était aussi cela l’Eltsiniade. Les fonctionnaires du Parti communiste ont été transformés en de modernes managers. Les usines de voitures russes se sont transformées en chaînes de production de General Motors.

Il y avait une inflation de plus de 100 % par an. Les crédits immobiliers pour inciter les jeunes à rester dans les campagnes étaient autour de 0,5 %. La corruption des citoyens par leur Etat oligarchique était à son sommet d’une démocrature exemplaire. La population de 32 millions d'habitants était défendue par 5 millions de policiers. Il n’y avait quasiment pas d’armée. Il n’y a donc que des policiers et des fonctionnaires d’État et peu d'industrie (General Motors). La corruption s'est développée grâce à la guerre en Afghanistan. Elle était tout d'abord soviétique de 1979 à 1984 puis, depuis la génération Clinton, grâce à la base militaire américaine à Termez en Ouzbékistan. Ils établissaient une sorte de corruption permanente, si forte, qu’ils n’arrivaient pas à bouger.

En OUZBÉKISTAN, tout était interdit, mais tout était toléré et, du jour au lendemain, vous ne saviez pas pour quelle raison vous étiez mis en prison. Dans cette république musulmane, les femmes en jeans investissaient les restaurants, fumaient et buvaient de la vodka. En Ouzbékistan, le président a juré son serment sur le Coran et l'exemplaire du Coran historique est exposé à Tachkent (restauration offerte par l’Allemagne). Le pays vit surtout du gaz naturel. Le pays manque d’eau. Il y a une course aux armements en Inde, en Chine, au Kurdistan, au Kazakhstan, en Russie, en Iran, qui sont tous des pays voisins. Le centre mondial du soufisme se trouve à côté de Boukhara, un centre sponsorisé par des Qataris. Il y a eu une invasion du soufisme religieux qui s’est transformé en soufisme politique avec des fonds qataris. Les chiites sont minoritaires et ont été exposés au génocide comme les autres minorités : les Arméniens, les Tadjiks, les Kirghiz, les Zoroastriens et les Yézidis. Et paradoxalement, en Ouzbékistan, en République islamique sunnite sans charia, à Boukhara où il est interdit par la loi de s’adresser, pour un homme, à une femme seule, mon ami et moi, deux hommes, certes en couple du même gendre, nous pouvions visiter les bains féminins en présence d'une "déjournaya" (responsable) d'origine arménienne. Nous n'étions séparés des femmes musulmanes nues dans les bains que par un petit paravent.

Une autre expérience extraordinaire a été l'hommage sur la tombe de l'ancien démocrate réélu au suffrage universel plusieurs fois pendant deux décennies, M. Islam Karimov. Né le 30 janvier 1938 à Samarcande et mort officiellement le 2 septembre 2016 (à Tachkent ou à Moscou selon les sources). La timidité était touchante, le respect solennel, mais pas du tout mystique. J'ignore s'il était spontané ou honnête, j'en doute.