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Russie autre et autrement (5)

Russie autre et autrement (5)

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Episode 5 : L'incompatibilité occidentale et russe

 

L'incompatibilité occidentale (européenne ou américaine à un moindre degré) et russe provient de la non-individualisation des sociétés russes, des sociétés enchainées comparées à l'Europe : en Russie, il n'y a que des marques de production mineures ou des chaînes (sauf bien sûr quelques exceptions de marques européennes de luxes comme Dior, BMW, Channel, Mercedes, Jaguar…) et des marques de production secondaires destinées aux masses (Zara, Benetton, Levi’s) et il y a une absence totale d'enseignes individuelles, ce qui est compréhensible car s'il y avait une petite entreprise, elle ne pourrait pas inonder le grand marché russe. Les Russes fabriquent leur propres marques qui n'existent pas dans le monde occidental mais qui existent bien en Europe de l’Est ou en Asie (Chine) et qui sont des copies des marques de l'Occident (à la Benetton, à la Zara …). Aux USA, ces marques sont plus véridiques car elles sont souvent reprises dans le monde occidental, donc par tout le monde culturel, dans le monde entier. La propriété intellectuelle est difficilement défendue en Russie, dans l'industrie et les services.

En effet, notre ère formidable où tout est possible, mais rien n’est réalisable, est la convulsion mortelle d'une idéologie : c'est l'idéologie du capitalisme. Le capitalisme est une économie ou réalité économique basée sur le capital, sur l'épargne pour se construire et s'enrichir, telle que faussement décrite par Karl Marx. Il n'y a pas d'autre description de la réalité économique ou sociale : le marxisme a étouffé toutes les autres pensées de la société de Max Weber, de Proudhon, d'Auguste Comte, de Saint Simon… Le marxisme n'est pas une idéologie de gauche, comme le prétendent injustement de nombreux intellectuels : c'est une idéologie de la réification (matérialisme objectif) totalitaire (dialectique et scientifique) qui peut autant être de gauche (communisme, socialisme réel, socialisme à visage humain…) que de droite (impérialisme, fascisme, national-socialisme…) ou encore mixte (néo-libéralisme centrisme…), toujours haineuse, injuste, collectiviste et combative. L'idéologie gouvernante est donc une idéologie marxiste avec sa haine, ses luttes de classes, ses épargnes du capital, sa redistribution discriminatoire. Je répète que cette idéologie (car c'est l'adhésion à la seule exploitation des idées) peut être privée (fascisme), publique (communisme) ou mixte (socialisme), libérale (capitaliste)… mais elle reste toujours dogmatique, injuste, haineuse, illogique, simpliste, incohérente, matérialiste, objectiviste, fausse, positiviste… C'est un véritable aveuglement, un refus de voir la réalité, un DMLA = Délire Marxiste-Léniniste Attaliste et/ou une dégénérescence maculaire liée à l'âge, comme un refus ultime de la réalité, pour utiliser le constat amer pathognomonique de notre ère, de René Girard.

 

Il existe une certaine variante entre les valeurs occidentales aux USA et en Europe. Les USA présentent comme la Russie une société industrialisée, enchainée, tandis que l'Europe reste plutôt éclatée, individuelle, diversifiée, en dentelle. En dentelle est un terme utilisé dans l'historiographie de la guerre de Clausewitz pour désigner l'art militaire de la guerre non-industrialisée, non-nationalisée, aristocratique, en dentelle, locale, individuelle… par rapport à son opposé, la nationalisation de la guerre dans l'idéologie napoléono-bismarckienne de la mort industrielle. Les USA sont héritiers du protestantisme calviniste des Pays-Bas, mais leur vie économique est majoritairement industrielle, enchaînée, concentrée, fordiste. La Russie offre le même spectacle de concentration. Le féodalisme, l'artisanat du moyen âge ou le début de la libre concurrence non concentrée n’existaient ni en Russie, ni aux USA, tandis qu’il y avait bien tout cela en Europe, ce qui avait permis la naissance de la classe moyenne moderne. Les deux hégémonies se sont bâties au XXe siècle sur les débris des anciennes puissances européennes (Monarchie Habsbourgeoise, Allemagne, Angleterre et France) et ont permis la création d'un monde démocratique et privatif.

La paranoïa du roy ou plutôt la paranoïa des hégémons en voie de désintégration est omniprésente : si, en Hollande, tout le mal de la Terre vient du pape au Vatican, en Russie tout le malheur est d'origine américaine, comme le malheur américain vient des Russes. Il est vrai que cette posture est ridicule. Les Russes ont la conviction d'être toujours maltraités par les Américains ou les Occidentaux, et cela devient insupportable : elle est officielle, affichée et publique. Même si cette conviction n’est pas tout à fait erronée, elle est complètement exagérée. Les Occidentaux, dans leur approche de la crise ukrainienne, montrent qu’ils sont encore plus paranoïaques et hostiles ! Cette foi russe de l’ennemi extérieur est moins palpable au niveau individuel, quand les sujets communs de la société s'aperçoivent que leur malheur vient plutôt de leurs élus locaux ou des oligarques. D'où, aussi, un certain dévouement au Tsar, à Staline ou à Poutine, comme représentant du salut suprême terrestre central.

 

 


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