Russie autre et autrement (7)

Episode 7 : l’arrogance russe

L’arrogance russe est liée à l'identification des Russes avec leur administration russe (pas tellement ethnique ou linguistique) qui se confond avec la notion de nation (soviétique), de patrie (soviétique) et surtout dans la narration de leur fable collective (l'homme soviétique). Le flegme slave coïncide avec cet ennui de la vie enchainée et avec cette structure d’agression, d’apparat, d'armée, de salariat. La meilleure illustration est l'appellation de la Deuxième Guerre Mondiale en Grande Guerre Patriotique. D'où vient aussi leur profonde, honnête et naïve conviction que le stalinisme est une meilleure option que le fascisme !
L'agressivité russe est structurelle et tribale, chauvine hors de la Russie administrative (non ethnique !). L'agressivité structurelle est visible partout, surtout à Vladimir, qui est le centre historique de l'industrie militaire. Ce que j'appelle "l'agressivité structurelle" est une agressivité liée et indissociable de la structure de la société russe qui manque de l'existence de la société civile. La société civile russe est féminine : il n'y a pas d'hommes qui travaillent dans de petites structures, commerces, bureaux… Les hommes s'occupent de la politique, de la vie publique, des armées, de la police, de l'industrie… Les femmes en Russie font le reste : il n'y a pas non plus énormément de choses à faire, car tout est mort.
Quasiment toutes les femmes à qui nous avons parlé étaient hyper-patriotiques, marxistes, chauvines, staliniennes et protectrices de leurs familles et de leurs enfants. La sous-population, le manque de densité d'habitation empêche qu'il y ait un vrai boulanger, car pétrir du pain dans un village de 2000 personnes étendu sur 10km² avec un autre village de 2000 à 70 km ne vous procure pas un marché suffisant pour survivre à des prix « concurrentiels » : ceci est vrai pour les autres professions et artisans.
Tous se concentrent dans les villes comme Moscou (cosmopolite) et Saint-Pétersbourg (américain) qui n'ont rien en commun avec le reste de la Russie. À Souzdal, magnifique ville-musée à 30 km de Vladimir envahie par des cars chinois, il n'y a pas de taxis privés, sauf ceux qui sont mandatés par des compagnies de tourisme. Les petits producteurs ne vendent que des cornichons et des fruits rouges à des prix indignes (500g de groseille à 70 RBL = 1 €, 500g de cèpes séchés à 1000 RBL = 13 €, prix 2018), tandis que le prix de la nuitée à l'hôtel est au niveau européen (minimum 60 € en 2019).
Les hommes qui comprennent cette société militarisée boivent de la vodka jusqu’à l'atrophie cérébrale, tentent de faire de la politique pour jouer avec ou contre la politique dissidente, s'engagent dans l'armée ou dans la police, ou émigrent. Au mieux, ils trouvent un "salariat" et deviennent des "capos" comme gestionnaires d'un secteur, "managers" des autres. A la gare de Vladimir, il y avait UN guichet ouvert pour vendre des billets… et un guichet de consigne, mais 4 scanners de bagages avec chacun 2 agents et 8 surveillants. Cherchez l'erreur. Les huit surveillants somnolents étaient tous des hommes… les deux femmes étaient affairées aux guichets de consigne et de la billetterie. Les femmes s’occupent de la société qui reste en ruines : les crèches (sponsorisées bien sûr !), les commerces (des succursales d’État… ou des chaînes…). À propos des officines de santé avec leurs "vratches", parmi eux, certains vrais médecins éduqués et non-formatés surgissent et existent comme une exception dans la misère du collectivisme.  
L’agressivité russe structurelle est différente de l'agressivité occidentale culturelle : la première est la nécessité de s'occuper de sa propre vie, l'autre agresse pour simplement s'approprier. Ni l'une ni l’autre ne me plaisent : l'agressivité culturelle de l'Occident dérive de la ruse, voire de l'escroquerie de Esaü et Jacob : un plat de lentilles pour le droit d'aînesse ; l'agressivité structurelle russe, provient de l'ire comme Caïn ignoré par Dieu à propos de ses honnêtes offrandes de paysan. Elle me semble plus justifiée. Néanmoins, ces deux dérives sont catastrophiques.