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L’écologie, mais pour quelle nature ?

L’écologie, mais pour quelle nature ?

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L’écologie est certainement une nécessité : prendre soin de notre environnement, s’il est vrai que « nous l’empruntons à nos enfants », est davantage qu’une option. Mais on voit bien aussi comment cette idée peut abriter de sournoises stratégies de pouvoir.

Comme toute idée, elle peut devenir folle dès lors que, délaissant le réel si décevant pour l’idéaliste, elle entreprend de se nourrir d’abstractions. Comme le dit Bernanos, les bonnes idées qu’on laisse sans surveillance courent le risque de se faire violer au coin d’un bois par le premier slogan en uniforme. A la différence des mauvaises idées, que seule la méchanceté de quelques-uns suffit à faire vivre, les bonnes idées devenues folles, embrigadées sous la bannière de la première idéologie venue, ont toujours leurs « idiots utiles ».

Une bonne idée devenue folle

Peter Singer, professeur de bioéthique à la prestigieuse université de Princeton, en fournit un exemple frappant.

De tradition utilitariste[1], Singer estime que c’est d’une façon arbitraire que nous accordons plus de prix à l’homme qu’aux animaux. Il refuse le droit à la vie aux enfants handicapés, mais exige des droits pour les animaux. Dans ses écrits, il prétend que: « [La vie des animaux] a nettement plus de valeur que celle de certains humains. Un chimpanzé, un chien ou un porc possèdent une conscience de soi nettement plus grande et une plus grande capacité de relations sensées avec les autres qu’un enfant gravement handicapé ou une personne dans un état de sénilité avancée. Si nous prenons de tels critères pour décider du droit à la vie, alors nous devons accorder aux animaux un même droit à la vie, voire un plus grand droit qu’à de telles personnes handicapées ou séniles. »[2]

Singer propose ici comme critère de dignité la conscience actuelle de soi, et non plus la nature d’un être. On pressent peut-être déjà qu’une écologie qui prétend faire l’économie de la notion de nature va conduire à de sérieuses difficultés, et nous y reviendrons.

Ainsi, pour Singer, l’homme n’est pas supérieur au cochon ou à l’herbe, mais  son intérêt à vivre l’est, à condition qu’il soit « normal » : « je suis prêt à donner une égale considération à la vie des mauvaises herbes que j'arrache dans mon jardin. Simplement, quand je le fais, et que je me mets à leur place, en jugeant au mieux des connaissances disponibles ce que c'est que d'être dans la peau d'une mauvaise herbe arrachée dans un jardin, j'en conclus que la vie d'une mauvaise herbe est un vide complet ; la mauvaise herbe n'a aucune expérience, et n'a donc rien à perdre. L'égalité de considération pour mon intérêt à cultiver des tomates et pour l'« intérêt » de la mauvaise herbe à vivre est tout à fait appropriée, mais comme elle révèle que la mauvaise herbe n'a aucun intérêt à vivre, la conclusion sera toujours en faveur de mon intérêt à cultiver des tomates » [3].

La faculté de se mettre dans la peau d’un brin d’herbe va justifier pour Singer de supprimer de la même manière les humains dont la vie ne nous semble pas suffisamment intéressante. Certes, la vie d’un brin d’herbe serait probablement d’un ennui mortel si nous en étions un. Piétiné, tondu, soumis aux rigueurs de l’hiver ou au soleil de midi, la vie du brin d’herbe ne tente pas Singer. On le comprend, et les jardiniers n’ont sans doute pas attendu cette brillante démonstration pour assassiner ces malheureux brins d’herbes.

Singer donne trop peu d’importance à un fait : un homme n’est pas un brin d’herbe. La vie du brin d’herbe est végétative en raison du fait notoire qu’il n’est qu’un brin d’herbe. Il se nourrit, croît, se reproduit. Il ne fait que cela, tandis que Singer semble penser qu’un homme qui n’exercerait plus que ses facultés végétatives n’aurait pas plus de dignité qu’un brin d’herbe. Un homme qui ne pense plus, qui a perdu sa conscience, est toujours plus qu’un brin d’herbe, pour la raison qu’il est un homme. Simplement le refus d’une nature humaine conduit ici, une fois de plus, à ne mesurer la dignité d’un être que par ses performances, ou par ma relation à lui, et non à l’aune de sa nature.

La distinction entre l’activité et la faculté relève du sens commun : le brin d’herbe comme l’autiste ne parlent pas, mais pour le brin d’herbe cela tient à sa nature.

Quel rapport à la nature ?

Le réel n’est pas seulement ce que nous produisons. Il est ce qui nous résiste, et c’est pourquoi à mesure que se déploie notre puissance nous croyons pouvoir lui tourner le dos. Le réel est nature : il a sa consistance et ses lois, en lui sont inscrites des finalités qui ne relèvent pas de notre délibération.

C’est pourquoi l’abandon du concept de nature aurait pour conséquence de rendre inintelligible la personne humaine, réduite alors à la pure relation ou à un corps. Personne sans corps (pure relation), ou corps sans personne (simple corps), l’enjeu est de taille dès lors que des intérêts financiers ou scientifiques entrent en jeu, et c’est pourquoi la notion de nature est précieuse pour comprendre que ce corps, que nous sommes dès le premier instant de notre existence, est une personne.

On sait que c’est à partir de Galilée que l’univers commence à être appréhendé comme un ensemble de points mathématiques mus par des forces.

Peut-être ne mesurons-nous pas encore totalement le changement de « paradigme » que cela implique :

Chez Aristote, dont la vision de la nature domine jusque là, la nature est d’abord le principe d’un dynamisme vers un bien. L’univers est admirable parce qu’il est à la fois bien et beau. Avec Galilée, on voit bien que l’univers devient une force écrasante, devant lequel se dresse la pensée de l’homme. Que ce soit simplement pour le penser (à la manière de Pascal) ou pour s’en rendre « comme maître et possesseur (à la manière de Descartes), il s’agit tours de s’y confronter : l’univers n’est plus bienveillant ni aimable. »

La liberté contre la nature : l’héritage kantien

Le tournant éthique que cela implique d’abord, et qui conduit d’une certaine façon à Singer, me paraît pouvoir être trouvé chez Kant : où trouver, en effet, le principe de la loi morale devant un univers puissant mais dont les mathématiques suffisent à rendre compte ?

Je voudrais prendre le temps de montrer comment la pensée de Kant nous a conduits à nous écarter d’un sens authentique de la nature, manquant ainsi les exigences d’une saine écologie.

La difficulté est d’abord d’accepter de ne pas être soi-même « la source du bien et du mal » pour la trouver, justement, dans la nature de la personne humaine. Difficile, parce que depuis Kant nous opposons nature et liberté mais surtout parce que nous voulons penser la liberté comme une autonomie, en brisant toute dépendance de notre conscience morale à la vérité.

Chez Kant, la volonté est la raison pratique, c'est-à-dire la raison en tant qu’elle réfléchit à l’action à poser. Elle ne doit pas trouver le principe de son action en dehors d’elle (ce serait une hétéronomie) mais dans le concept même « de l’homme, en tant qu’être libre s’obligeant pour cela même, par sa raison à des lois inconditionnées ». La loi à laquelle s’oblige la raison pratique, pour Kant, ne découle pas d’une vérité sur l’être, puisque Kant n’admet pas une connaissance métaphysique de l’être.

Pour l’école kantienne[4], il est inconcevable de tirer le devoir-être de l’être. De fait, il est vrai que l’état de fait que décrit le sociologue ne peut servir de norme pour déduire ce qui doit être. Comme le dit Kelsen, le fait que les gros poissons mangent les petits ne permet pas de déduire que cela soit moralement bon.

Mais en même temps, le refus de toute connaissance de l’être conduit à un pur volontarisme juridique dont il est difficile de nier qu’il n’est pas armé contre les risques d’arbitraire.

La notion de juste, c'est-à-dire de ce qui est dû à un être, peut difficilement faire l’économie d’une connaissance même confuse de cet être et de sa valeur qui découle de ce qu’il est. La crainte d’un Kelsen que le droit naturel soit fondé sur une fiction métaphysique et non sur des observations scientifiques doit être prise au sérieux. Mais l’être non nous parlons ici n’est pas l’être pur et abstrait qui sert de point de départ à telle ou telle métaphysique[5]. Il s’agit de l’être humain que nous sommes, et dont la nature morale se manifeste à dans l’expérience toujours disponible de la conscience morale. L’être dont il est question n’est pas le simple fait que décrit le sociologue : il s’agit de la nature de la personne humaine, qui est une valeur très concrète et certainement pas un objet métaphysique.

Le droit positif, c'est-à-dire qui relève de la création humaine, n’est pas un droit anti-naturel. En réalité, on peut certainement dire qu’il est naturel à l’homme de se donner un droit positif, et ce dernier ne saurait être déduit à partir de la nature humaine. C’est une évidence dont témoigne par exemple le code de la route. Et cependant comment nier que la nécessité de fixer des règles de circulation tient au fait que nous sommes des personnes humaines ?

La morale kantienne est toute entière construite sur la volonté qui se veut autonome, et non pas sur une connaissance de la nature humaine qui nous mettrait en présence de finalités à poursuivre.

Ce besoin d’autonomie prend aujourd’hui une forme presque compulsive. Nous voulons tellement être l’auteur des lois auxquelles nous obéissons que tout ce qui prend la forme d’un « donné » nous est odieux. Devant la naissance, la maladie ou la mort, et même devant la conception, la gestation et la filiation, devant même notre identité sexuelle, nous croyons pouvoir décréter le réel et le bien.

L’expérience morale à laquelle nous invite Kant n’est pourtant pas sans intérêt. L’expérience que nous faisons de l’obligation morale est aussi celle de notre liberté. Mais si nous cherchons à approfondir cette expérience de l’obligation morale, nous pouvons être attentifs au fait que nous ne sommes pas l’auteur de cette obligation : nous nous reconnaissons obligés, comme par une loi qui nous dépasse bien qu’elle ne vienne pas de l’extérieur. Nous sommes habités par un mouvement qui nous précède d’une certaine manière, et que nous pouvons appeler « nature ».

Ce mot « nature », qui fait signe vers l’idée d’une nature humaine, ne renvoie pas à un mécanisme aveugle au sens où les sciences de la nature pourraient le faire penser. Il renvoie à un dynamisme qui s’enracine dans l’humanité qui nous définit.

Lorsque Kant développe cette expérience de l’obligation morale, sous la forme de l’expérience du devoir, il ne décrit pas celui-ci comme une réalité à laquelle nous pourrions être indifférents.

Au contraire, il en parle comme d’un « nom sublime et grand ». Cette expérience du sublime dépasse notre rapport sensible et utilitariste au monde. Elle nous amène à concevoir notre qualité et la grandeur de notre pensée par rapport à nos penchants corporels. Nous sommes déjà avec Kant devant une expérience de la transcendance de la personne, transcendance dont il questionne l’origine. Mais si Kant utilise ce mot de « sublime », c’est que le devoir est pour lui quelque chose qui effraie notre sensibilité, parce qu’il dépasse son pouvoir et contrarie ses penchants. L’homme dont parle Kant est un homme déchiré, profondément divisé entre sa raison et ses penchants sensibles, entre sa liberté et la nature qu’il expérimente aussi en lui-même.

La nature reste pourtant bien présente dans cette expérience de l’obligation morale. Ma volonté et mon désir m’écartèlent. Et pourtant, reconnaît Kant, le devoir « [pose] simplement une loi qui trouve d'elle-même accès dans l'âme et qui cependant gagne elle-même malgré nous la vénération »

La question de la nature est indiquée par ces quelques mots : « d’elle-même » et « malgré nous ». Si la loi morale trouve « d’elle-même » accès dans l’âme, n’est-ce pas aussi parce que notre âme y trouve comme une convenance avec ses aspirations profondes ? Ainsi, l’impératif de ne pas mentir, tuer ou voler, trouve accès dans notre âme à qui elle se présente comme une obligation morale. Mais d’abord elle ne se présente pas à nous à partir de rien abstraction faite de toute situation donnée, et ensuite nous ne pouvons y répondre que parce que nous reconnaissons dans cette loi une capacité à nous obliger. Or cette capacité de la loi à nous obliger ne vient pas de sa propre force, elle n’a d’autorité sur nous que parce que nous pouvons reconnaître un bien auquel elle nous ordonne. Il en découle immédiatement que ce n’est peut-être pas tout à fait « malgré nous » que cette loi parvient à nous obliger, surtout si nous reconnaissons dans ce qu’elle nous prescrit un bien vers lequel nous sommes nous sommes toujours déjà en route, du fait de notre nature humaine.

Kant pose la question de l’origine de ce sentiment d’obligation morale qui prend chez lui le nom de « respect de la loi morale » ou de « sentiment du devoir » : « Quelle origine est digne de toi, et où trouve-t-on la racine de ta noble tige » ?

Il répond en allant plus loin dans l’analyse de cette transcendance :

« Ce ne peut être rien de moins que ce qui élève l'homme au-dessus de lui-même (comme partie du monde sensible), (…) Ce n'est pas autre chose que la personnalité, c'est-à-dire la liberté et l'indépendance à l'égard du mécanisme de la nature entière ». Kant voit bien que cette capacité de l’homme à s’élever au-dessus du monde sensible est l’indice de sa dignité. Seulement il se refuse à y voir un penchant. Devant cette vénération pour la loi morale, dit-il, « se taisent tous les penchants quoiqu'ils agissent contre elle en secret ». L’origine de cette vénération « repousse fièrement toute parenté avec les penchants », dit-il encore.

Pour Kant, cette capacité de vénérer la loi morale vient de ce qu’il appelle notre « personnalité », définie comme « la liberté et l'indépendance à l'égard du mécanisme de la nature entière, considérée cependant en même temps comme un pouvoir d'un être qui est soumis à des lois spéciales, c'est-à-dire aux lois pures pratiques données par sa propre raison, de sorte que la personne comme appartenant au monde sensible, est soumise à sa propre personnalité, en tant qu'elle appartient en même temps au monde intelligible »[6]

Ainsi la personne est un être qui est soumis aux « lois pures pratiques données par sa propre raison », soumise encore « à sa propre personnalité » c'est-à-dire « à sa liberté et à son indépendance à l'égard du mécanisme de la nature entière ».

Malgré tout, Kant ne découvre pas le vide au principe de l’obligation morale. Il découvre « un être soumis à des lois spéciales » qui ne sont en effet pas seulement des lois physiques ».

La limite à laquelle Kant se heurte très vite est que le respect devant le devoir ne nous mettrait pas en mouvement si nous ne pouvions donner un contenu à ce devoir, et surtout si ce contenu ne pouvait nous apparaître comme quelque chose qui mérite d’être poursuivi et accompli. Cette exigence qui est la nôtre nous est naturelle, c'est-à-dire qu’elle procède de ce que nous sommes, de notre essence qui se manifeste ainsi comme nature, c'est-à-dire comme principe d’un mouvement de notre être vers son bien. Que voulons-nous faire, en vérité, sinon ce qui est bien ? Le pur respect ne suffit pas, le sublime peut bien nous remplir d’un respect, il nous sidère. Ce qui nous « désidère », ce qui produit le désir de notre âme, c’est que le devoir va prendre un contenu qui trouve en notre âme un écho, précisément, en ce qu’il répond à une exigence de notre être.

Cependant Kant se trouve comme nous devant cette question : où trouver ce contenu, puisque ce n’est plus dans la nature ?

Il se refuse à le trouver dans la nature humaine, pour plusieurs raisons. La plus évidente est que pour lui la nature est simplement l’ensemble des phénomènes soumis à des lois, et ces lois ont leur fondement dans notre raison qui organise, seulement pour nous, ces phénomènes. Une deuxième raison est que Kant estime que notre intelligence ne peut connaître les choses telles qu’elles sont. C’est une position philosophique qui peut se discuter. Sans prétendre la réfuter, on peut au moins penser que l’idée que l’aspiration de notre intelligence à dire ce qui est n’est pas nécessairement vaine et illusoire. La troisième, qui me semble déterminante, c’est que Kant n’ignore pas la nature humaine, mais la considère comme irrémédiablement pervertie, du fait de sa conception théologique de l’homme.

Du point de vue de l’écologie, ce sentiment du sublime qui prévaut est ambigüe : Faut-il que l’homme s’efface devant ce qui le dépasse, ou doit-il lui-même transformer sa propre nature afin de sauver la nature elle-même ?

La première hypothèse est soutenue sans sourciller par le Voluntary Human Extinction Movement pour qui la biosphère se sentirait bien mieux sans nous.

La position de ces intellectuels a, par son cynisme même, le mérite d’être claire. Penchée sur le berceau ou sur le lit de douleur, la fée utilitariste interpelle ce corps dont la vie ne tient qu’à un fil : « Apportes-tu des garanties qui démontrent que ton existence est utile à notre bonheur ? »

A ce procès, nous sommes tous coupables de vivre. Notre production de CO2, depuis notre respiration jusqu’à la poussière de notre corps, les animaux que nous sacrifions à notre subsistance, tout cela nous condamnerait définitivement si nous devions justifier de notre existence au tribunal de l’écologie.

Yves Cochet[7], dans un entretien au Monde du 23 novembre 2009, expose benoîtement son néomalthusianisme :

« On ne peut réfléchir sainement sur la question démographique qu'en prenant comme indicateur principal l'empreinte écologique. C'est-à-dire la multiplication entre le nombre d'habitants d'un territoire et leur impact sur l'environnement. Soit encore l'extraction des ressources naturelles avant la production et les rejets après la consommation. Donc un enfant européen a une empreinte dix fois supérieure à un enfant africain. L'Europe est un petit continent de plus de 500 millions d'habitants, tandis que l'Afrique est un vaste territoire d'un milliard d'habitants. (…)Le néomalthusianisme modéré que je prône est une revendication féministe[8] depuis un siècle. C'est pourquoi je promeus ces propositions de baisser les allocations au-delà du 2e enfant. »

D’un point de vue très purement utilitariste, sans doute la moitié de l’humanité est-elle en effet de trop. Peut-être même, si l’on considère que notre technologie menace l’existence même de notre planète, l’extermination totale de l’humanité serait-elle un avantage global plus grand. On ne s’étonne donc pas qu’une écologie radicale milite pour la disparition du prédateur le plus dangereux pour le monde et pour lui-même : l’homme. On ne s’étonne pas non plus que la question de l’euthanasie se présente régulièrement.

La seconde hypothèse renvoie au fameux transhumanisme, qui entend faire entre l’humanité dans une nouvelle et maîtrisée période d’évolution : « L’homme se situe sur la courbe évolutive au moment historique pour l’espèce où il a acquis le pouvoir d’en infléchir le tracé »[9], écrivait déjà Pierre Simon en 1979.

Le transhumanisme se situe à la rupture du progrès et de la conscience : le progrès, c’est de pouvoir remplacer un cœur malade ou d’offrir au paraplégique une machine lui permettant de marcher.

Au point de départ, le transhumanisme représente une pensée qui entend utiliser la science pour prolonger la vie autant qu’il est possible, éviter les souffrances, augmenter les performances physiques et mentales individuelles,

La difficulté est qu’à un moment donné, il ne s’agit plus de « réparer » l’homme, mais de créer une nouvelle humanité, d’être l’acteur de notre propre évolution. Il s’agit d’augmenter l’homme, de le faire accéder à une nouvelle étape de son évolution, être donc en quelque sorte plus qu’humain. Avec le transhumanisme, l’homme se réinvente, s’améliore.

Quelques questions peuvent légitimement se poser : serons-nous encore différents ? Si tous n’ont pas accès aux biotechnologies, va-t-on diviser les individus en classes de performance ? Si certains d’entre nous étaient assurés de vivre 500 ans, comment nos sociétés seraient-elles bouleversées ? Un être immortel aura-t-il besoin de raisons de vivre ?

La science de la nature exige, plus que jamais, une conscience de notre nature.

Notes

[1] L’utilitarisme s’inspire en particulier des travaux de Jérémy Bentham (1748-1832) pour qui le principe éthique majeur est l’utilité. Pour lui, le bien (le bonheur) d'une société est la somme du bonheur des individus dans cette société. Le bien moral résulte donc d’un pur calcul.

[2] Singer, Befreiung der Tiere, Munich 1982, p. 40

[3] Peter Singer, « Réponse à David DeGrazia », Cahiers antispécistes, 6, mars 1993

[4] A la suite de Kant, Kelsen va élaborer les grands dogmes du positivisme juridique moderne sous lequel nous vivons.

[5] A la suite d’Avicenne et de Duns Scot, une certaine scolastique a cru que l’objet de la métaphysique était « le concept d’être en général ». Cette approche ouvre la voie à l’idéalisme.

[6] Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique

[7] Yves Cochet, parlementaire écologiste de Paris, membre du comité d'honneur de l'ADMD, cofondateur des Verts

[8] La relation entre féminisme et écologisme n’est pas anodine, et se comprend par l’origine marxiste commune à ces deux mouvements.

[9] Pierre Simon, La vie avant toute chose, p. 210


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