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François Xavier de Boissoudy

François Xavier de Boissoudy

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Nous savons désormais qu’il est possible de peindre des âmes. Grâce aux peintures de François-Xavier de Boissoudy, nous avons accès à notre propre présence dans l’au-delà. Et pourtant, tout part de la matière, des corps et des objets, des décors et des scènes. François-Xavier de Boissoudy expose à la cathédrale d’Evry jusqu’au 10 février et pose la question de l’art sacré. Est-ce de l’art sacré ? Qu’est-ce que l’art sacré ? « Quelle est la frontière entre un portrait de jeune fille et une Annonciation ? Entre la représentation d’un visage d’aujourd’hui, et la scène relatant la Révélation de la personne d’un Dieu en ce monde, il y a deux mille années ? » (1) Si la question porte sur l’art sacré, elle porte également sur la fonction religieuse de l’œuvre, au sens où la contemplation des œuvres nous amène à côtoyer la toute éternité dans les deux dimensions du tableau.

La mort qui lave


Nous ne pouvons partir que des corps, de leur empreinte dans le monde, de la déformation du monde engendrée par l’existence fugace des êtres. Ce qui révèle l’être réside davantage dans la trace que dans sa présence immédiate. La première chose qui frappe en regardant les peintures de François-Xavier de Boissoudy, c’est l’étrange ressemblance avec des photos en noir et blanc. C’est comme si la seule matière manipulée par l’artiste était en fin de compte uniquement la lumière. Des visages, des silhouettes, se dévoilent en gris, c’est à dire du noir et de l’eau. Pas de blanc ajouté. L’eau qui a coulé sur les ténèbres appliquées au feutre, a dévoilé, comme une ombre, un esprit qui a la forme d’un corps, ou plus exactement l’inverse. Les formes et leurs expressions apparaissent comme issues d’une radiographie médicale, comme la photographie d’un regard sur un mur ayant survécu à une explosion nucléaire. L’image est un peu bousculée, c’est à la fois l’individu et son imperceptible mouvement au moment de l’explosion, l’être et son vacillement, qui sont saisis. Ce mouvement est perceptible par ce voile d’eau qui floute les visages pour nous inciter à mieux les scruter. Boissoudy peint les gens que l’on connaît comme des êtres révélés par l’haleine de Dieu au moment d’entrer dans l’éternité. C’est l’impression magique des gens ordinaires sur un linceul, relique parfaite.

Les visages et les corps sont tous lavés des couleurs vives de ce monde. Nous avons accès à ce qu’il reste des choses et des gens après le grand lessivage, la grande épreuve. Ce qui lave, c’est cette mort inattendue qui fige l’être dans son instant ultime de vie, qui éternise l’indigence dans la profondeur des gris. Du noir et de l’eau. Il y a ce couple, où le contemplateur que nous sommes est dédoublé et présent dans le tableau. La femme qui nous fait face apparaît comme depuis l’au-delà, elle disparaît dans la brume à mesure que je tente de la saisir. J’essuie mes yeux. Je dois avoir des larmes qui me gênent. Rien. Il y a cette jeune fille qui ne nous regarde pas, qui semble être oubliée du monde, dans un coin en rêverie. Candidate à aller là où elle est désormais. Boissoudy peint les gens dans le futur, au moment où ils seront ailleurs, il anticipe la nostalgie autant qu’il ravive le souvenir. Il n’y a rien de morbide et pourtant, c’est bien après leur mort qu’il a peint tous ces gens. Peindre les gens après leur mort, c’est cela peindre les âmes. L’annonce de la mauvaise nouvelle et de la bonne sont conjointes chez Boissoudy. Il y a un au-delà fait pour nous, pour nos âmes spirituelles, mais seule la mort révèle les âmes.

Puits de lumière


Des paysages, des natures mortes, des endroits ou des contextes. Des jardins ou des couchers de soleil, des verres vides, des draps froissés ou un morceau de rame de métro. Ce n’est pas de l’âme. Pourtant, tout ça est également absent d’aujourd’hui, de notre contemporanéité. Ils sont dans la toute éternité, le lieu de prédilection des âmes. Ce lieu ne possède pas les couleurs criardes de notre temps, les êtres sont en gris, c'est-à-dire du noir lavé, et les choses et les endroits sont pâles, un peu effacés, un peu flous. L’eau qui lave a lié tous les éléments d’un paysage comme dans un mortier liquide. Tout est lointain et pourtant familier. Le regard est attiré, et plus les yeux se plissent, plus le cou s’allonge, plus le nez plonge, plus nous avons le sentiment familier d’en venir et d’y aller. En regardant les tableaux de Boissoudy, nous ressentons la nostalgie de nos origines et tous les vertiges de notre destinée. Nous savons que ce qui est peint n’est plus là. Mais bien plus loin, hors du temps qui est créé, donc infiniment éloigné de nous. Et pourtant nous voyons ce qu’il nous est permis de voir. Une fenêtre nous est ouverte pour espérer.

Les peintures de François-Xavier de Boissoudy sont un puits de jour du monde vers la toute éternité, un judas pour espionner le paradis en douce. L’attirance vers ce puits est telle qu’il nous semble nous y voir au détour d’un regard. Le reflet d’un homme que nous pourrions être, je me vois furtivement dans une vitre en mouvement, non pas coincé dans les deux dimensions du tableau, mais derrière, en filigrane. Il a donc fallu de la lumière pour m’y voir. Nous nous apercevons toujours à travers une vitre, car la communication n’est possible que par la contemplation. Voilà bien qui est le propre d’une œuvre d’art : apporter une vérité non accessible à l’intelligence, mais par contemplation voire en communion. Silence, on observe. C’est comme si on regardait les choses les yeux baignés de larmes, sur la fin ou le début d’une tristesse. Ces larmes qui floutent les faces, éloignent les êtres et déforment les contours. C’est l’émotion de se retrouver en présence de la lumière qui fait briller les yeux. Cette émotion est incorporée au travail de l’artiste. François-Xavier de Boissoudy précise ainsi sa frontière entre l’art sacré et celui qui ne le serait pas : « Je crois que la limite est en soi-même, non dans la volonté de faire de l’art sacré ou non, mais dans la recherche d’un ordre supérieur en toute chose. Celle d’accueillir la Grâce quand elle se présente. Espérée et inattendue. » (1)


  1. Propos tenus par François-Xavier de Boissoudy pour présenter l’exposition
    Ref : http://www.boissoudy.com/

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