Le rosaire en poésie et peinture
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Natalia Trouiller et François-Xavier de Boissoudy sont réunis dans un beau livre qui pourrait bien être le compagnon du Carême présent : Mystères. Ils ont fait un exercice que nous devrions tous faire : traduire chaque mystère du rosaire dans notre chair, le régurgiter selon son talent reçu, l’individuer dans notre être pour mieux le restituer en pleine lumière. A chacun selon son talent : Natalia Trouiller se révèle poète et François-Xavier de Boissoudy reste le peintre des âmes. Oui, c’est en faisant de notre chair du verbe que l’on peut encore accuser réception de ce Verbe fait chair. Ce n’est qu’ainsi que les mystères peuvent nous devenir véritablement intimes à défaut d’être compréhensibles.
Mystères joyeux, mystères douloureux, mystères glorieux, mystères lumineux, ils y passent tous. Natalia Trouiller nous fait entrer dans le moment par une forme de narration, nous changeons de point de vue, nous sommes la pècheresse, nous sommes l’Ange, nous sommes Jésus. On change de peau pour mieux éprouver une prière, un grain du chapelet. Toute sa poésie est mémorial au sens où elle nous permet d’y être, au cœur du mystère, présent dans la scène, parfois en lévitation. Elle nous donne à tout voir. Nous tournons les pages en reprenant les mots de Natalia : « Ô Ange porte-moi jusqu’au prochain Mystère. »
François Xavier de Boissoudy n’illustre pas les mystères, il les traduit lui aussi. Avec de l’eau et de la terre, il façonne des chairs, il suggère des êtres. On voit le Christ partout dans ces taches, comme on devine des visages dans les nuages. C’est ainsi que l’on pourrait dire que le peintre nous invite à une conversion du regard. Le livre nous donne à voir des détails des peintures. Ce sont nos larmes à coup sûr qui ont permis la formation de ces scènes. Les larmes de joie, les larmes des yeux éblouis par les mystères lumineux, les larmes des saintes femmes qui devraient pleurer sur elles-mêmes, les larmes du Christ lui-même. « Silencieux, à genoux comme un amant moqué / Offert à la morsure obscène de la foule / Il pleurait d’amour. »
Le blanc de la feuille n’est plus le vide qu’il convient de combler, mais la lumière première dans laquelle on baigne, la lumière qu’il convient de laisser filtrer à travers nous. Les traces rupestres couleur terre que François-Xavier de Boissoudy forme sur la page comme sur une paroi de grotte, viennent dans le silence s’imprimer en nous. Si les contours sont flous, si cela déborde, c’est normal, ce sont des âmes qu’il nous est donné de contempler.
Voilà un livre qui nous place entre cieux et argile. Tout art dissimule une prière car tout être est habité par le souffle. « Et tu psalmodieras Dieu qui sauve et qui délivre. » Psalmodier Dieu, voilà bien l’invitation faite par Natalia Trouiller et François-Xavier de Boissoudy. Le psalmodier, c’est dans une même respiration Le chanter, Le prononcer, L’épouser dans sa chair, dans son style.