Le chocs des incultures selon FX Bellamy
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« Je ne crois pas au choc des cultures, mais au choc des incultures : le plus agressif est celui qui, dépourvu d’héritage, ne sait pas qui il est ni d’où il vient, celui qui n’est pas assez familier d’une langue pour s’ouvrir à d’autres langages », tel est l’un des crédos de François-Xavier Bellamy dans son ouvrage Les Déshérités.
22% de collégiens en échec sont incapables de prolonger leurs études et de participer de manière efficace et productive à la vie en société. Les statistiques sont implacables : un jeune français sur cinq se trouve dans une situation d’illettrisme plus ou moins avancé.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Dès sa formation d’enseignant, notre philosophe fut prévenu : « vous n’avez rien à transmettre ». Le ton était donné. Seule la proposition de « savoir-être » et de « savoir-faire » obtenait caution des pédagogues influencés par leurs deux principaux maîtres, Descartes et Rousseau.
Pour Descartes
Pour Descartes, le Discours de la Méthode, dans son chapitre premier, pose clairement les jalons qui vont bouleverser l’histoire : il faut s’éloigner des livres, et remplacer l’incertitude du savoir que nous avons reçu par la certitude d’une connaissance acquise par soi-même. Seules les idées construites par notre raison sont indubitables. Pour l’homme postmoderne, l’ennemi est la transmission, la tradition (du latin tradere signifiant transmettre) qui doit s’effacer pour retrouver la « pureté » et la « solidité » du jugement personnel. Ainsi libéré, l’homme peut « enfin devenir l’auteur de lui-même ».
Pour Rousseau
Pour Rousseau, les savants ont fait notre malheur. La culture, les arts, la philosophie, le beau langage, les mœurs élégantes sont autant d’attributs « d’une société artificieuse, fière de ses vanités, dépourvue de naturel, dépeuplée des gens de bien qui se sont éclipsés ». Dans le « mythe du bon sauvage », Rousseau préconise à l’homme de rester un enfant et de conserver toute sa vie durant la plus grande proximité avec son état naturel. Il faut donc que cet homme ne reçoive rien de ses parents ou de ses enseignants. Que cet Emile soit un orphelin, condition parfaite d’une vraie liberté. Dès sa naissance, il doit être arraché à tous les déterminismes, familiaux, ethniques, sociaux, intellectuels. Rousseau pousse son raisonnement plus loin : si nous n’apprenions rien, nous ne serions pas susceptibles de nous tromper. « Le seul moyen d’éviter l’erreur est par conséquent l’ignorance ».
Le livre est par excellence le symbole à abattre. Il faut couper la jeunesse de ce terrible fléau qui la maintient aliénée. Notre avant-dernière ministre de la culture n’affirmait-elle pas fièrement qu’elle ne lisait aucun livre, l’assumait pleinement et ne voyait pas de contradiction avec sa fonction ? Le numérique est, de fait, devenu la nouvelle utopie de l’Education Nationale car il permet d’accomplir la promesse rousseauiste en se débarrassant de la transmission. Tout savoir étant désormais à « portée de clic », à quoi bon apprendre ?
Pour Bourdieu
Bourdieu, bien sûr, a eu une influence importante dans cette révolution en dénonçant l’injustice de la culture de l’école. Culture de l’élite qui fabrique les « héritiers » de la culture dominante. Un savoir arbitraire qui s’impose au moyen d’un pouvoir arbitraire. Une machine infernale qui prépare « pour le grand capital des bataillons de prolétaires résignés » dont il a besoin. C’en était assez pour l’idéologie égalitariste qui tient les rênes de tous les pouvoirs. La culture générale, par trop discriminatoire, devait être condamnée au bannissement. L’orthographe aussi, trop complexe et trop exclusive.
Pour François-Xavier Bellamy
Pour François-Xavier Bellamy, nous n’avons pas encore perçu toutes les conséquences de ce bouleversement de civilisation. Nous sommes pour lui confrontés au « choc des incultures », c’est à dire à une déculturation générale qui entraîne une déshumanisation. Avec au bout, l’apparition de barbares –désignant en Grèce les peuples qu’aucune civilisation n’était parvenu à humaniser-, que nous définissons de notre côté comme les « enfants du nihilisme », ces sauvages engendrés par le néant, le vide, le superficiel, qui composent notre société consumériste.
Nous avons ainsi créé, par le mensonge et l’idéologie de déconstruction, le monde de l’inculture, de l’indifférence et de l’indifférenciation. Les germes de notre autodestruction. Pourrons-nous jamais en réchapper ?