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Patrimoine détourné, patrimoine humilié, patrimoine détruit

Patrimoine détourné, patrimoine humilié, patrimoine détruit

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Le patrimoine n’est plus ce dont nous héritons comme symbole de notre culture et de notre civilisation. Le patrimoine n’est plus ce que nous devons transmettre aux générations qui nous succèderont. Non. C’est fini. Le patrimoine est un prétexte, un faire-valoir, un matériau, un futur champ de ruine. Les progressistes n’en finissent pas de déconstruire, c’est même là leur grand art…

Le pont des Arts : patrimoine détourné

C’est sans doute le nom de ce pont qui était de trop et qui agaça le petit monde de l’art contemporain. Comment pourrait-il y avoir plusieurs arts alors même qu’ils savent eux qu’il n’y en a qu’un et un seul : l’art dit contemporain. Les chérisseurs de concepts, producteurs d’exégèses à l’infini sur le néant qu’ils engendrent en ont la preuve de l’existence unique et totalitaire de l’art contemporain puisqu’ils sont les uniques artistes destinataires de l’argent public et uniques instruments de blanchiment de l’argent financier. Le pont des Arts a ainsi, sans doute, été dans leur collimateur, il fallait qu’ils se l’approprient et qu’ils marquent leur territoire.

Exit donc les cadenas des amoureux grégaires, et bienvenu au street art… La mairie de Paris et Mehdi Ben Cheikh, le directeur de la galerie Itinerrance à Paris, ont ainsi invité quatre artistes du street art, Jace, El Seed, Brusk et Pantonio, à remplacer les 45 tonnes de cadenas. Il est vrai que le fameux pont des Arts avait vu ses barrières s’effondrer sous le poids des cadenas. Il est vrai que le ridicule de ce fétichisme des masses de l’internationale touristique nous a toujours semblé ridicule, niais, grégaire, pathétique, mais ni plus ni moins finalement que la Saint Valentin. Je ne suis pas sûr que la solution pour supprimer le risque d’effondrement des garde-corps soit la plus respectueuse du patrimoine. Il y a bien des fonctionnaires dont le métier est de décider ce qui est de l’art ou ce qui en n’est pas, il peut donc y en avoir dont le métier serait de couper régulièrement les cadenas. Bruno Julliard, premier adjoint au maire de Paris, nous informe donc que « des panneaux vitrés » seront installés cet automne. Les 56 panneaux de street art, les 150 mètres de faux tags réalisés par des racailles de galeries ne sont donc qu’une œuvre éphémère offerte gentiment aux yeux des touristes de la période estivale. Il est toujours plus facile aux experts en art et en culture d’imposer les vulgaires formes naïves dessinées par le street art dans le berceau patrimonial français que de proposer du Velasquez au supermarché carrefour de Marne-la-Vallée…

Le château de Versailles : patrimoine humilié

C’est devenu désormais monnaie courante d’installer une œuvre d’art contemporain suffisamment subversive (et subventionnée) pour dégrader le château de Versailles et ses jardins. On finit même par nous faire croire que l’art contemporain est au service du château via le buzz médiatique qu’il crée et la fabuleuse opération marketing qu’il représente finalement. Ce qui est rigoureusement faux et l’inverse d’une réalité qui consiste à utiliser le patrimoine culturel français comme marchepied pour se montrer à la face des médias et faire ainsi monter sa côte.

A chaque fois que des artistes disent rendre hommage à l’art d’ordonnancer les jardins de Le Nôtre, ils mettent en scène un désordre et une déconstruction qui ressemblent davantage à une humiliation qu’à un hommage. On se souvient des mises en scène autour des arbres arrachés il y a quelques années, mais en 2015, nous avons droit à Dirty Corner que l’artiste Anish Kapoor décrit comme « le vagin de la reine qui prend le pouvoir ». Il faudra bien que les artistes contemporains comprennent que leur obsession à vouloir choquer en devient extrêmement lassante. Du plug anal au Vagin, il n’y a qu’un pas, et on va finir blasé. Hourra ! Nous aurons peut-être droit un jour à ce que le beau crée la surprise, à ce que le beau soit subversif… Au-delà du titre infâme de l’œuvre, à quoi avons-nous affaire ? Il s’agit d’une espèce de conque énorme, sorte de cornet acoustique, de 10 mètres de haut, qui est à moitié recouvert de terre et de pierres (25 tonnes de chacune d’elles) qui mettent sens dessus dessous le fameux Tapis Vert, emblème des jardins du château de Versailles, y creusant même une cavité rouge sang. Maintenant que nous avons le nom subversif de l’œuvre, la description d’une sculpture monumentale et absconse, il nous reste plus qu’à recevoir le discours produit sur l’œuvre par l’artiste, le commissaire d’exposition et les amateurs éclairés. « J’ai eu l’idée de bouleverser l’équilibre et d’inviter le chaos », nous dit l’artiste. Nous ne l’avions pas deviné ! Et quelle originalité que de nous inviter au chaos… certains vont même jusqu’à produire du discours politique sur le féminisme et la révolution… ces derniers argument sont produits pour opérer comme chantage vis-à-vis du camp du bien. Critiquer l’œuvre serait s’opposer au message véhiculer par l’œuvre et donc céder au fascisme. CQFD.

Patrimoine détruit : les serres d’Auteuil

Le premier ministre Manuel Valls a donné cette semaine son feu vert au projet d'extension du stade de Roland-Garros qui prévoit la destruction de plusieurs serres d’Auteuil. Dans cette affaire, nous retrouvons la maire de Paris, Anne Hidalgo, déjà en cause pour notre pont des Arts, décidemment… Et nous retrouvons également la logique du business : dans le sport, comme dans l’art contemporain, l’argent est roi. C’est même à ça, à la cote financière que l’on est pris au sérieux dans ces deux domaines. La Fédération Française de Tennis (FFT) n’est pas la FIFA, mais tout de même.

Le président de la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Alexandre Gady, a déclaré la guerre à Anne Hidalgo à ce sujet. Les serres en question, au delà de l’attrait architectural incontestable, abritent des collections botaniques rares. Il n’y a donc pas que des conséquences pour le patrimoine, mais également pour la biodiversité. Et dans notre monde où seuls les modernes peuvent battre les modernes, l’argument est intéressant. D’autant que l’universitaire de 47 ans, professeur d'histoire de l'art à la Sorbonne déclare : « Nous sommes prêts à aller jusqu'au bout ». Ce dernier peut s’enorgueillir d’avoir par le passé réussi à bloquer le projet de transformation de la Samaritaine en hôtels et commerces de luxe voulue par le patron de LVMH, Bernard Arnault. Encore un grand nom du pognon et de l’art contemporain déconstructif de patrimoine…


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