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Je ne sais pas…

Je ne sais pas…

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Jeudi soir le professeur Juvin de l'hôpital Pompidou à Paris intervenait sur France2 pour évoquer la pandémie actuelle dans le cadre d'une émission intitulée bien à tort, « On vous donne la parole ». A une question d'un journaliste il a eu cette réponse étonnante que l'on attendrait de bien des gens en 2020 :

« Je ne sais pas ».

Qui de nos jours a cette humilité que donne le vrai savoir, la vraie culture et la véritable intelligence de dire « je ne sais pas » ? Je n'ai pas la réponse immédiate, je ne suis pas un oracle, je ne joue pas les augures « je ne sais pas ». Il a eu le courage insigne de le dire, il a eu l'humilité de le reconnaître. Il a dit aussi d'ailleurs s'être trompé sur l'épidémie.

Pas de déclaration tonitruante péremptoire, pas de « yaka fokon » non juste l'aveu de sa modestie.

Beaucoup sur internet, sur les réseaux sociaux et divers blogs, et même dans la vie, seraient avisés de s'en inspirer. Mais non, eux savent, ils ont la réponse. Dans notre société « pousse-boutons » on attend la réponse instantanée, la réponse péremptoire qui résout tous les problèmes d'un coup d'un seul.

Ils ont lu que…

Ils ont vu, ils ont entendu que…

Et ils ont décidé que c'était ainsi et pas autrement.

Et que parce qu'ils le croient c'est la stricte vérité. Étonnant que dans cette période sans dieu ni diable la croyance personnelle et le rejet de toute raison soit si fort.

Finalement ce n'est rien d'autres que le retour à une « pensée magique ». Je veux que ce soit vrai donc il faut que ça le soit.

Attention, mon but n'est pas de dire ici que des opinions solides et bien établies sont forcément un défaut mais elles se doivent d'être étayées, et quand elles ne le sont pas, et bien on peut dire comme monsieur Juvin.

Je les excuse aussi ces spécialistes de tout et de rien, en partie seulement, finalement cette hâte à avoir une réponse immédiate est la conséquence de l'abjecte peur panique de la mort et des fins dernières qui est celle de notre société, et naît aussi du désir étrange de retrouver le plus vite possible les aliénations qui sont les nôtres dans cette société dite développée, cette conspiration contre toute espèce de vie intérieure qu'est notre monde…

Ils devraient méditer aussi cette parole d'Alain, philosophe un peu oublié malheureusement, qui disait ceci :

« Quand dix personnes qui se réunissent pensent la même chose elles ne pensent plus ».

Le fait de penser quelque chose à plusieurs ne fait pas de cette opinion quelque chose de plus recevable, de plus pertinent. Et penser par soi-même ce n'est pas relayer une opinion en la martelant.

Personnellement l'auteur de ce texte préfère quelqu'un qui fasse cet aveu d'une grande intelligence et reconnaisse s'être trompé comme tous les autres que quelqu'un qui a commis les mêmes erreurs les mêmes sottises que tous nos « grands » scientifiques et qui maintenant prétend avoir la recette miracle tel le professeur Raoult dont la panacée n'est valable que dans certains cas.

Ou alors en ces temps troublés, déjà troublés avant le virus, faire appel à l'intelligence, à la raison ne soit en pure perte et qu'il convienne finalement de faire comme Montaigne en son temps et se retirer dans sa bibliothèque au cœur de la campagne pour écrire, qui sait, les nouveaux « Essais » de notre temps ou l'équivalent de « la Peste » de Camus.


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