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Vie de prof, vie de chien

Vie de prof, vie de chien

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Je suis entré dans l'Éducation Nationale le 1er septembre 1992, un peu par obligation. J'y ai fait quasiment tous les métiers, j'ai été entre autres « pion », j'ai été enseignant et maintenant je suis professeur documentaliste, j'ai travaillé aussi bien en zone sensible qu'en établissement « chic ». Pour rester aussi longtemps dans cette grande maison il faut avoir en soi un minimum de passion pour la transmission de savoirs et de valeurs. Transmission qui est d'ailleurs dorénavant un mot grossier à l'école ou dans les familles, transmettre c'est paternaliste, c'est réac. C'est d’extrême droite, c'est être raciste.

Je resterai également pudique sur ses épouses de « bon » milieu qui font « prof » car cela permet d'avoir les enfants le mercredi après-midi tout en ayant un peu d'argent de poche en fin de mois tout en jouant à la maîtresse, ce serait très mââââl

J'ai vu la baisse de niveau continuelle depuis, la dégradation du comportement des ados, leur immaturité qui dure de plus en plus longtemps, leur inappétence de plus en plus marquée pour apprendre, et la violence de leurs rapports entre eux. J'ai vu aussi combien les parents n'éduquent plus leurs enfants ne serait-ce que sur les bases de la vie sociale : dire bonjour, merci, au revoir, s'il vous plaît, vouvoyer les adultes etc.

Ne pas penser dans la norme bien-pensante suffit pour être tous balancés dans le même sac. Cela ne sert à rien de se justifier laborieusement comme le font la plupart des pseudo réactionnaires de salon, les manifestants de la « manif pour tous » et d'autres. Ils sont tous mis dans le même sac que les nazillons et autres skin-heads. Je ne comprends pas que toutes les personnes lucides s'obstinent à de telles justifications.

Cependant bien que sachant tout cela depuis le début, je suis resté quand même. Et puis un « prof » est pris au piège, il ne peut pas changer de voie professionnelle ou très difficilement, il aura toujours sur le front cette étiquette de « fainéant » qu'on a l'habitude de lui coller sur le front car un « prof » c'est bien connu c'est paresseux. Ceux qui prétendent ça n'ont jamais enseigné devant une classe de 35 ados, c'est un peu comme une psychanalyse au laser, les gosses saisissant très vite qui est l'enseignant et quelles sont ses faiblesses.

On ne triche pas avec les jeunes. On ne leur ment pas sur nos passions et nos véritables intérêts, ils les connaissent.

Parler d'éducation, parler de savoir et de culture, c'est des plus clivant. Cela chatouille les ego et les complexes, les colères et le ressentiment que l'on ressent contre un prof qui ne s'est pas occupé de vous autant que vous pensiez le mériter dans votre enfance. Ne parlons pas du savoir, on connaît tous les dictons « populaires », les adages sitôt prononcés dès que quelqu'un essaie d'évoquer juste ce qu'il sait, et particulièrement en littérature. Beaucoup évoqueront « l'école de la vie », concept nébuleux qui permet souvent de se justifier de n'avoir rien fichu au collège ou au lycée.

Rajoutons à cela que beaucoup croient bon de se faire passer pour des boute en train, qu'à les entendre ils étaient tous dans leur enfance et sûrement pas des bons élèves, et on aura la cerise sur le gâteau. Je n'ai jamais compris cette lubie, en quoi est-ce honteux d'avoir bien travaillé à l'école, d'avoir étudié, d'avoir lu, d'avoir approfondi son savoir ? Le cerveau aussi est un genre de muscle qui s'entretient.

Notre époque qui est comme le disait Georges Bernanos « une conspiration contre toute espèce de vie intérieure » hait le savoir, elle hait la capacité de réflexion, le sens critique que donnent nécessairement la culture et le travail intellectuel. Cela gêne la satisfaction des désirs et plaisirs tristes du temps, ce besoin primaire de stimuli violents et constants.

Il y a un an, je suis entré dans un nouveau collège du XIIIème arrondissement parisien. Cela s'est vite su que je tenais un blog, réputé d’extrême droite et que je graffitais de gauche et de droite dans diverses publications. Cela a suffi pour monter une cabale infâme contre moi. Je me suis retrouvé un après-midi de novembre au commissariat interrogé comme un criminel. Une fois l'interrogatoire fini le policier était en colère : « j'espère que ces idiots ne vous ont pas licencié » me dit-il. On me reprochait surtout d'être de droite, de ne pas penser dans la norme. J'étais blanchi pour l'institution policière et judiciaire mais pas pour l'éducation nationale. Il y avait maintenant suspendu au-dessus de ma tête cette épée de Damoclès de la rumeur publique et du préjugé.

Je ne me soumettrai plus à une gestion désastreuse des ressources humaines, je me suis émancipé de cet assujettissement qui voudrait que l'on accepte tout, que l'on suive chaque année des fantaisies pédagogistes nouvelles, des idéologues ultra minoritaires qui profitent de l'école pour propager leurs idées tordues et de la malléabilité des cerveaux des élèves et de la docilité des enseignants qui ont tellement peur d'être mal notés. Y compris les quelques professeurs en dehors de la pensée unique qui ne regimbent que très rarement aux sottises dans la vie réelle.

J'ai choisi de construire mon destin autrement, librement. Je suis maintenant beaucoup plus transgressif finalement que lorsque je tenais mon blog honni par les bien-pensants. C'est cela l’ultime transgression de nos jours, la liberté. Les autres, les esclaves, aiment leur servitude et la chérissent.


Le Maitre et son Chien
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Quand le vivre-ensemble détruit tout savoir-vivre
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