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Moi, la diversité que je préfère, c’est la bio !

Moi, la diversité que je préfère, c’est la bio !

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Au tout début de cette année, dans ma grande entreprise industrielle quasi post-publique, un jour de séminaire rassemblant les forces vives dans un même collège, le responsable de la démarche éthique nous a demandé d’imaginer des actions pour promouvoir la biodiversité. Qu’est-ce que c’est que ce truc là encore ? Je n’en peux plus de cette entreprise moralisante ! Après l’accord sur l’égalité homme-femme, après l’opération Téléthon, après toutes les opérations de maîtrise de l’énergie, après la fameuse journée de la promotion de la diversité, voici l’année de la biodiversité ! Quesaquo ? « Excusez-moi, la biodiversité, c’est quoi ? C’est un noir qui tond la pelouse ? » Gras ricanements autour de la table de ces collègues qui sont d’indécrottables "grosses têtes" que l’on a décidément du mal à rééduquer ! Non ! La biodiversité c’est la diversité naturelle des organismes vivants : faune, flore, etc. C’est « la plus grandiose bibliothèque d'innovation que l'on puisse imaginer - à côté de laquelle celle de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle aurait tout juste rang d'une étagère ! » (1)

La bio… ne ment pas


2010 a été déclarée année de la biodiversité par l’ONU, la France répond à cet appel en déclarant la biodiversité cause majeure pour 2010, et tout le monde se met en branle. Entreprises, institutionnels et associations rivalisent de créativité pour préserver un bout de biodiversité quelque part. Une cause supplémentaire où se vautrent tous ceux qui se cherchent et s’ennuient depuis qu’Ingrid Betancourt, Florence Aubenas et Hussein Hanoun ont été libérés, depuis qu’ils ont renoncé à se battre pour le soldat Shalit et enfin depuis que la promotion de la diversité patine, et radote. Mais la différence est de taille ! Les combats précédents et parallèles ne sont qu’une adhésion vague à des grands principes. Comme avec la promotion de la diversité tout court, où on promène son égalitarisme en bandoulière. On refait la révolution jamais totalement achevée, dans une chute interminable. Le concept « issu de la diversité » a permis de renforcer le complexe dit de la majorité ou de la norme. C’est le vice kafkaïen qui consiste à piéger dans son être les attitudes non conscientes de discriminations envers des minorités qui sont qui plus est, invisibles. La promotion de la diversité, ça va loin ! La biodiversité, elle, reste ici. Avec la biodiversité, la modernité est prise à son propre piège, car avec la biodiversité, le territoire est de retour. C’est très concret un écosystème, ce n’est pas une planète, un grand tout à sauver, un futur Dieu qui devra nous être redevable. Non, un écosystème cela commence par une abeille, une vigne, une réserve d’oiseaux. Pour paraphraser Charles Maurras, ou plus exactement pour le remixer, on pourrait dire : la bio… ne ment pas. C’est la revanche du réel sur les concepts. On opposera sans doute à mon enthousiasme ponctuel et exagéré, toutes les idéologies écolos, les déferlantes de moralismes culpabilisant pour l’homme né un jour sur Terre. Chaque naissance est un échec pour la planète, nous le savons bien. C’est n’est pas de l’existentialisme, ce n’est pas de la difficulté d’être dont il s’agit, ce qui tracasse les modernes, c’est la quête du toujours plus virtuel, la démonstration de la facilité à ne pas être. Je ne suis pas dupe des manœuvres "zécolos", je vois bien le gauchiste recyclé. Mais justement la biodiversité, c’est bien mieux qu’une idéologie, c’est le regard de l’homme porté à son environnement et le rapprochement avec l’Eden de ses grands parents dont il se souvient. L’odeur des mûres écrasées, murmurait Barbara ; la maison près de la fontaine clamait l’excellent Nino Ferrer. La biodiversité semble rétablir l’ordre cosmique perdu par les zécolo-bobos depuis quarante ans. La nature est faite pour nous. Et comme elle est bien faite, la biodiversité nous intéresse. Ironie : la nature se retourne et arrose ceux qui veulent sauver la planète.

La biodiversité, c’est un truc de gourmands


Fini les bébés phoques de la belle époque BB. Nous avons des espèces à sauver à côté de chez nous. Et je ne parle pas de la réintégration des ours ou des loups dans les Pyrénées, cela ne vaudrait que s’ils croquaient réellement des touristes niaises, et des déambulateurs approbatifs (2). Je pense plutôt à tout ce gibier à qui on a redonné du territoire en replantant des haies autour des champs, en redessinant le paysage, comme disent ceux qui distribuent les subventions dans les conseils généraux, à coups de buissons, de bandes enherbées, et de talus. C’est le retour à foisons des poules faisanes, des chevreuils, des lièvres et des cochons sauvages. "La chasse alliée de la biodiversité" : c’est la nouvelle campagne de communication des chasseurs, sur fond de coquelicot, de coccinelle et de lièvre (3). C’est les premiers à militer et agir pour que le gibier retrouve gîte et couvert dans nos campagnes. Ils y ont intérêt. Ils plantent des jachères fleuries, ils entretiennent les sous-bois… Les méchants chasseurs affichent l’efficacité de leurs actions pour la biodiversité aux yeux éberlués des végétariens vénérant toute sorte de planète. Et les abeilles ? Aucun état d’âme pour les sauver des divers périls qui les guettent : varroa, pesticides (en particulier le Gaucho bien sûr), frelon asiatique… Nous voulons agir pour la sauvegarde des abeilles bien sûr, pour leur miel et pour la pollinisation de nos arbres fruitiers préférés qu’elles permettent. La preuve, la voilà, nous mettrons deux ruches sur les toits terrasses de ma grande entreprise industrielle quasi post-publique. Ca y est, nous l’avons notre action 2010 pour la biodiversité ! Le label HQE exploitation est maintenant à portée de manager. On pourra communiquer là-dessus. La biodiversité, vous l’avez compris, c’est en fait, tout simplement un truc de gourmands. Pour clôturer la semaine du goût, je trouve de bon ton de détourner le moralisme actuel au profit de nos palais. Les zécolos-bobos se retournent dans leur cercueil d’incorruptibles redresseurs de torts. Ils auraient préféré la terreur au terroir. Tant pis ! 2010 est l’année de la biodiversité, et en France on parle vin, miel, gibier, fruits, baies, légumes, herbes, saveurs, lumière, couleurs, … Pas de paysage sans paysans disaient la coordination rurale il y a quelques années (4). Et bien moi, je rajoute : pas de paysage sans territoire, c'est-à-dire sans pays !


  1. La Vie, quelle entreprise ! Pour une révolution écologique de l'économie – Robert Barbault et Jacques Weber – Seuil - ISBN-10: 2021030024
  2. Expression prise à Philippe Muray
  3. http://www.chasseurdefrance.com/
  4. http://www.coordinationrurale.fr/

    On est jamais trop de la diversité
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    Intégration / Désintégration
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    Panthéonade
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