Non, décidément
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La dégradation du politique se mesure à la tentative désespérée de s'identifier à ses propres principes et au repentir qui en résulte toujours dans l'exercice du pouvoir. Il en est du politique comme du paradoxe du comédien: s'il se confond avec ses propres principes comme celui-ci avec son propre personnage, l'illusion même du théâtre ou du politique est perdue. La scène est perdue. Si l'acteur se confond avec le spectateur, c'est la fin de tout.
Baudrillard
La motion de censure qui vient fort heureusement de faire tomber un gouvernement de pure façade ne prendra son véritable sens que si les hommes qui en ont assumé l’irresponsabilité vont jusqu’au bout d’une action qui a pour premier effet de démontrer qu’il est possible de dépasser ce qu’on appelle (fort improprement) la logique des partis. Si l’on avait suivi cette logique, le Rassemblement National n’aurait pas soutenu la motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire, mais celle qu’il avait lui-même déposée, laquelle n’aurait à son tour pas reçu les suffrages du dit Front, et le gouvernement de Barnier, qui n’était là que pour masquer une forme d’illégitimité insoluble, serait encore là, menant tranquillement une politique dont tout ce qu’on peut dire, c’est que les français n’en peuvent plus, ce qui serait la suite logique du tour de passe-passe par lequel Sarkozy, avec l’accord du Parlement tout entier, est revenu en 2007 sur le referendum du 29 avril 2005.
Ce qui se passe aujourd’hui nous remet dans la perspective qu’avait ouverte le « non », dont il faut rappeler que la signification politique était surtout transpartisane. En lui, les Français ne s’accordaient pas du tout idéologiquement, puisqu’on ne pouvait pas savoir ce qu’ils voulaient, mais seulement ce qu’ils ne voulaient pas. Aujourd’hui, pas plus qu’en 2005, on ne peut savoir ce que les Français veulent, on sait seulement qu’ils n’en peuvent plus d’aucune solution par le centre, ils ne veulent plus Macron ni rien qui lui ressemble. Et s’ils ont voté majoritairement pour ce qu’on appelle les extrêmes, c’est pour exprimer leur dégoût de ces gouvernements de synthèse qui prétendent gérer leur pays comme une entreprise, ils ne veulent plus du tout être « gérés » par des représentants du système technico-financier qui domine le monde.
Que devraient donc faire aujourd’hui les députés qui ont voté cette motion de censure ? Certainement pas retomber dans l’ornière d’une recherche de compromis qui permettrait à un gouvernement sans majorité réelle de gouverner selon tel ou tel programme plus ou moins bien défini sans s’exposer au risque d’une motion de censure qui nous reconduirait au même éternel point de départ où ce serait quand même au président de la République de veiller à l’intérêt général, en vertu de l’idée saugrenue selon laquelle il vaut mieux n’importe quel gouvernement que pas de gouvernement du tout. Certainement pas non plus continuer à opposer leurs programmes et leurs idées de partis les uns aux autres, comme s’il s’agissait encore de savoir pour quoi ils ont été élus. Car ces différents programmes, en tant que tels, ont tous été rejetés par une majorité d’électeurs (et d’abstentionnistes). Ni le RN, ni le NFP, ni surtout aucun prétendu « front républicain » n’est fondé à imposer à la nation quelque programme que ce soit, puisque tous soulèvent respectivement l’opposition d’au moins les deux tiers du corps électoral.
Donc, ce que nous devons dire à Madame Le Pen d’un côté, à M. Mélenchon et aux différentes têtes des composantes du NFP, c’est qu’ils s’entendent pour faire jusqu’au bout ce pour quoi ils ont été, en réalité, élus, à savoir nous débarrasser de Macron et de tous ceux pour lesquels la France n’est qu’une start up nation parmi d’autres. Ils le peuvent tout à fait, si, au lieu de s’insulter réciproquement, ils considèrent qu’en eux-mêmes ils ne sont rien, et si, à partir de cette évidence, ils opposent à toute idée de gouvernement par le centre, l’idée d’une coalition des extrêmes dont le seul sens serait d’inaugurer une forme nouvelle de stratégie politique, intégrant la dimension négative du vote qui les a portés au pouvoir.
Ni la politique anti-émigrés du RN, ni la politique ultra-inclusive du NFP ne convainc aucune majorité. Il faut donc impérativement chercher un terrain de discussion qui puisse faire la part de ce qui, dans la question de l’émigration ou de l’inclusion égalitaire, pose véritablement problème. Car on n’a nullement besoin d’être raciste ou fasciste pour comprendre que l’immigration fait le jeu d’une gouvernance qui n’a en tête que de mettre à genoux le monde du travail et qui, pour cela, a besoin d’une main d’œuvre inqualifiable. Et s’il faut, évidemment, ouvrir nos portes à l’étranger, il s’agit surtout de lui offrir des conditions d’existence décentes, ce qui implique une certaine forme de socialisme, au sens rigoureux du terme. Mais le socialisme, précisément, ce n’est pas cette égalité de tout avec n’importe quoi qui conduit à détruire, au nom d’un communautarisme de pacotille, les fondements mêmes de la communauté et les racines de la culture. Entre l’obsession de la tolérance zéro et le délire de l’inclusivisme forcené, il y a place pour un vrai travail de refondation de la société, et celui-ci ne peut se faire qu’à partir des lieux où se rencontrent de vraies communautés, locales – dans les Communes.
Ce qu’il faut refonder, ce n’est donc pas l’État, c’est la Commune, car c’est à partir d’elle et d’elle seule que peuvent se redessiner nos identités, culturelles, régionales, nationales et transnationales. Et cela suppose de redonner aux relations concrètes entre les hommes le pas sur les formes médiatisées ou objectivées de l’échange et de l’information. Par quoi cela pourrait-il commencer ? Par un refus et un rejet collectif de l’outil, érigé en système, qui, actuellement, contribue le plus à installer, entre le pouvoir et nous, un rapport totalement unilatéral de domination et de contrôle : le numérique. Désactivez toutes vos applications et cherchez avec qui vous avez à construire un monde et à exercer votre liberté. Si vous le faites, le vote par lequel vous avez élu une assemblée qui ne peut engendrer que des gouvernements par défaut prendra tout son sens, et ce sera, peut-être, une vraie révolution.