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Bruno Le Maire et ses mémoires provisoires

Bruno Le Maire et ses mémoires provisoires

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« De fait, j’étais un responsable politique et, au moins par le nombre des livres, un écrivain ; j’avais toujours voulu poursuivre ces deux vocations qui me remplissaient » raconte Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, dans ses Mémoires provisoires intitulées L’ange et la bête. Dans ce livre où il s’interroge sur la vie politique, ses engagements et sur le sens que prennent les décisions, l’ancien homme de droite rallié à la Macronie se livre au jeu de l’introspection. Empruntant à Blaise Pascal pour le titre de l’ouvrage, il s’appuie sur les réflexions et aphorismes contenus dans les Pensées du grand génie français du XVIIème siècle. Nous sommes donc à la croisée des mondes, entre action politique et méditation sur les choses du temps. Le Maire écrit bien, a un style. Pour ce qui est du contenu, de la profondeur de vue, nous restons sur notre faim, d’autant que l’analyse vire souvent à la célébration de soi et concomitamment, à l’encensement du président de la République, son mentor.

Notre homme politique a adopté tous les codes des élites mondialisées. C’est sa fierté. C’est son graal de quinquagénaire accompli. Il ne s’en cache point, jubilant à expliquer ses rencontres avec les plus grands, Trump qui loue auprès de sa femme Mélania « the handsome french minister », Poutine, Biden, la reine de Jordanie, Bono, Bill Gates, Matt Damon, Merkel et consorts, sa participation aux réunions du groupe Bilderberg ou bien encore l’honneur qui est le sien de tutoyer le patron de la puissante banque d’affaires JP Morgan. Pourtant, lorsque Notre Dame flambe sous ses yeux, le 15 avril 2019, depuis son bureau du ministère, il constate, tétanisé, l’ampleur du désastre. Lui revient alors en mémoire le temps béni de son enfance où, servant d’autel, il s’activait au sein du majestueux édifice : « Des souvenirs affluaient dans ma tête, de messes interminables, de processions en aube blanche, où j’avançais à pas glissants sur les dalles lisses pour ne pas faire vaciller le cierge pascal fiché dans un chandelier de bronze. »

Comme beaucoup de dirigeants politiques contraints par le catéchisme républicain, Bruno Le Maire a tourné le dos à l’éducation qui l’a construit dans sa jeunesse : ce catholicisme, ces valeurs morales dont il écrit qu’elles sont obsolètes et doivent s’incliner face à la toute-puissance des Lumières et de la science qui seules disent la vérité. Le Maire n’est pas original en professant cela. Il ressemble à l’archétype invertébré de bien des politiques qui gouvernent notre pays. Ces supers managers qui confondent la France avec une banale entreprise ou une moderne start-up. Et c’est l’impression qui ne nous lâche jamais à la lecture, d’un manque d’épaisseur, d’une courte vue, d’une caution donnée, une  de plus, à la superficialité de l’époque et, à la médiocrité de ceux qui ont l’outrecuidance de diriger un pays qui fut si grand alors qu’ils sont si petits. L’image, les médias, les réseaux sociaux, l’instantanéité de l’information, l’avidité de la renommée ont rendu ces hommes politiques diaphanes, translucides et inaptes à affronter les immenses défis que sont la sauvegarde de notre civilisation et le redressement de la France. Le Maire, s’il était resté « fidèle aux promesses de son baptême » comme disait Jean-Paul II qu’il cite, aurait pu tracer une route différente et utile à son pays…

Pour l’heure, « the handsome french minister » est fier de lui. Ce narcissisme est le fil rouge du récit où, tout du long il se tient, port altier et regard bleu horizon, comme face à un miroir fétiche. Il s’enorgueillit même des dividendes obtenus grâce au tremblement de terre engendré par le disruptif Covid, cette créature artificielle voulue par les élites : « Concernant la crise sanitaire de 2020, je conclus en établissant une comparaison entre cette crise et la grande récession de 1929. » Tel un chevalier blanc qui s’exclurait de toute responsabilité dans ce chaos et, prenant la figure de la colombe céleste, apporterait la sainte ampoule du sacre, il renchérit : « La comparaison avec 1929 était le moyen pour moi de mettre sur pied le plus grand plan de soutien à l’économie que la France ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. » N’est-ce pas là avouer en creux la mécanique du pompier pyromane ? Pour ce qui est de savoir comment notre auteur a pu obtenir un nihil obstat de son chef quant au projet d’écriture d’un livre en pleine crise, nous touchons ici aux épais mystères du monde politicien de basse vue d’aujourd’hui.


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