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Esnault : Lui, moche et méchant

Esnault : Lui, moche et méchant

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Comment pourrait-on être gentil avec Christophe Esnault ? Un garçon qui ose nous envoyer en service presse un livre intitulé : correspondance avec l’ennemi… Un écrivain que son éditeur ose qualifier de démocrate et militant, deux adjectifs que j’envisage avec perplexité ayant eu à cœur de créer un média qui revendique strictement le contraire. Mais je le fus quand même, gentil, puisque je décidai de m’exécuter, de lire cet ensemble de lettres infamantes et d’en faire un papier que voici. De quoi s’agit-il ? D’un recueil de courtes lettres adressées tantôt à une marque que notre société appelle « personne morale », tantôt à une vraie personne proche de l’auteur. Narration ou réalité ? À l’évidence il n’y a aucune différence entre les deux, puisqu’une des conséquences immédiates de la lecture de ce recueil est de voir s’abîmer notre monde réel trop réel dans les troubles psychiques de cet humain trop humain. Dans une de ses lettres, parlant d’un autre projet artistique à un François Hollande censé s’intéresser à ses conseil, Esnault lance « l’ambition est d’être détesté de la terre entière » (Correspondance avec l’ennemi – Christophe Esnault – Ed les doigts dans la prose – ISBN978-2-9536083-7-3 - p83) Voilà bien résumé également le programme de « correspondance avec l’ennemi ».

Méchant !

Ca ne sert à rien d’écrire si ce n’est pas pour mériter une gifle ou un coup de poing dans la gueule. Sans ça écrire ne servirait à rien. Voilà bien une leçon à donner à un jeune écrivain. Vous le remercierez plus tard. Le nom posé en bas de chaque lettre est le gant du chevalier qu’il a oublié d’être, un défi lancé au vivant. Y-a-t-il encore quelqu’un de vivant qui ose le défier en duel, venir lui casser la gueule, le gifler ? Y-a-t-il encore quelqu’un de vivant qui ose lire ? « J’ai écrit beaucoup de textes suicidaires. J’ai désormais la volonté de renouer avec ma nature profonde de grand comique populaire… » (Ibid page 22) Quelle différence ?

Il écrit à des marques (Coca-Cola, BN, Darty, Findus, …) comme si c’était quelqu’un. Il fait comme si les relations étaient encore possibles avec les systèmes. Il prend au mot notre monde, il le prend au pied de la lettre, et révèle ainsi toute son absurdité. C’est comme si Esnault relevait le pari de vivre dans le monde tel que ce dernier lui est présenté. Allez, chiche ! Mais du coup, tout le monde va en avoir pour son grade. On croirait entendre Yvan dans Art de Yasmina Reza dire : « si vous aviez comme les objets m’énervent. » Sauf que Esnault n’hésitent pas à se venger, avec tout le ridicule d’un Don quichotte, partant au combat avec son bic, adressant réclamation sur lettres d’insultes et inversement. L’absurde de subir engendre l’absurdité de se venger. Dans une de ses lettes, il s’en prend à France Inter, il écrit au final que l’exaspération d’être confronté à un objet qui ne marche pas comme son transistor est doublé par l’exaspération d’entendre des conneries… Mais Esnault ne fait pas comme si l pouvait échapper au monde, il ne s’en donne pas l’illusion et ceux qui lisant se disent qu’il n’était pas obligé de subir, ceux là même sont dans la nasse.

Égoïste !

Et Esnault affiche dès le début sa volonté de pratiquer l’amalgame, il ne fera pas de distinctions inutiles vues de lui. Il affiche sa volonté d’associer l’employé avec la société, l’employé avec le produit, le plaisir pris avec la personne, le plaisir non pris avec la personne. Son adresse simple nous amalgame également, tout ce qui n’est pas lui l’encombre. L’égoïsme est revendiqué comme seule réponse à l’absurdité de la vie dans laquelle le monde l’a mis. Il pourrait finir son livre en chantant Brigitte Fontaine : ce n’est pas de ma faute, tu comprendras, je ne pouvais pas faire autrement, ce n’est pas de ma faute, tu le sauras, je suis … égoïste…

Abruti !

Ne comptez surtout pas sur lui pour être profond ou spirituel. Il nous contient à la surface des choses et du monde pour mieux pratiquer l’effet miroir. Non ne comptez pas sur lui pour nous élever. On ne le vaut pas. Il n’y a que moi qui fasse l’effort de trouver dans ces écrits de quoi faire le gloseur malin qui discerne ce que personne ne voit… Même Dieu est convoqué sur la grande surface de ses petites haines. Aplati comme nous autres. Tout est éphémère. Et il ne se laissera pas conter.

Pervers !

Dans la succession de ses lettres à tous, il s’applique à être sans pudeur, à poser le trash comme élément des plus banals. Effet miroir encore. Il est sans pudeur sur la misère non plus, sinon comment jouir encore ? Et donc sans aucune plainte révolutionnaire, politico-mélo-dramatique. On cherche en vain le démocrate militant…

Cruel !

Chaque lettre est une petite vengeance, il règle ses comptes avec tous, avec ses amis, avec les revues dans lesquelles il a publiées, avec sa famille, pas pour faire mal, juste pour jouir (et donc pour faire mal). On ne peut pas jouir en laissant l’autre immaculé, ce n’est pas possible. Il en veut même à sa mère d’être morte car sa mort ne rend plus drôle sa lettre. L’irrévérence se porte aussi dès le début envers les poilus et c’est bien vu en cette période de glorification surannée du sacrifice militaire. La poilade ! Lui, il est resté se taper les femmes des poilus pendant qu’ils crèvent dans la bouillasse… Et allons jusqu’au bout de la cruauté gratuite pour simplement cueillir la moue du lecteur offusqué : « Je suis allé en ex-Yougoslavie visiter les charniers pour me étendre un peu » (Ibid p140) Ce livre serait-il finalement une sorte de boîtes à idées à la con pour vieux type mal élevé…

Merci cher Christophe Esnault pour ce service presse qui humilia par avance ma prétention à faire des recensions intelligentes sur tout. <>pA très vite également !

Bien à vous.

Cordialement.

Et avec ceci, mettez m’en deux.


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