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François Richard : ÿcra percer à nuit le monde

François Richard : ÿcra percer à nuit le monde

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Recevoir VIE second livre, être invité à le lire, revient à relever un défi, celui de l’être avec tous les risques que l’on imagine pour notre conscience. Le risque est bien d’être modifié par la lecture. Nous en avons l’intuition. Ÿcra percer à nuit le monde arrive après L’asquation mais peut tout à fait se lire de façon indépendante. Dans ce nouvel opus, nous retrouvons une série de jeunes gens amnésiques, ayant quitté le squat premier, qui traversent le monde comme des exilés abreuvés de récits énigmatiques formulés dans une langue nouvelle. On est passé du hangar à la barre d’immeuble inachevée. Le lieu est toujours une marge, un lieu de l’élan. Et les lieux sont désormais disjoints physiquement, reliés par la narration et les rêves. Des usines, des rues, le quartier saint Michel, Monfermeil, la Villette, des bars, celui du futur, le dernier bar de 2050. Nous sommes entre Science-fiction et conte médiéval. Les ruptures du temps et de l’espace se rejoignent. L’homme de 2050 croise la possibilité d’une retro ingénierie et nous prouve que la science-fiction a toujours été contenu dans le présent. Les jeunes gens ? Ceux qui sont amnésiques, se réveillent en éternels adolescents, aux portes de l’âge social recherchant le souvenir effacé et en insultant l’avenir. Et nous croisons des singularités que l’on voudrait reflets de nous-mêmes. Des dingues et des paumés, des marginaux, des artistes et des rêveurs…

Il est ici proposé d’éloigner l’humanité du réel pour épouser la réalité. L’objet du livre semble de se relier à l’âme du monde, d’accepter d’en être une fractale, d’unir tous ses sens à son for intérieur. Danse, chant, formules magiques, poèmes, mémoire, François Richard a inventé une langue qui dit tout ça, qui met en symbiose nos sens, nos corps et nos âmes. C’est ainsi que ce nouveau livre ressemble à un long clip, avec ses passages hypnotiques et ses temps de conte, le clip d’une chanson translanguale.

Au début on reste logiquement à la surface de l’étrange livre. Est-ce possible de lire un livre sans tout comprendre ? Est-ce possible de renouer avec cette intuition du sens que nous avions enfant avant la maîtrise de la langue ? Et si le but était que je sois moi-même compris par le livre ? Je m’y retrouverai. « c’est à l’endroit des lecteurs, au for des lecteurs, que tout se dénouera à la fin. » Il s’agit donc de traduire en soi le texte livré. Il y a du Artaud là-dedans. Il s’agit de prendre conscience que notre langue maîtrisée est en vérité mutilée, prendre conscience que l’on est tous amnésiques pour mieux s’échapper. « Nous avons maîtrisé nos geôliers en parlant une langue qu’ils ne comprenaient pas. »

Dès lors nous pouvons commencer à percevoir les prophéties, et leur démultiplication, il faut dire que le poète et le prophète ont fusionné pour un heureux ruissellement du verbe. « Nos questions n’ont jamais de réponses », logique puisque nous avons-nous même à devenir une question, une question démultipliée au regard des réponses reçues de toute éternité, avant l’amnésie collective, « On a le même premier souvenir effacé. » Ne rien résoudre, mais tout envisager, se rendre perméable à l’épiphanie encore à venir. Cette dernière, cet instant contient la solution, la résolution de l’énigme que nous représentons. « Avoir le sentiment d’avoir attendu ce moment toute sa vie : pouvoir chanter sa chanson jusqu’au bout. » La mort est là bien sûr, à l’horizon. « les confins de la mort et les confins des rêves sont les mêmes. » Il ne peut y avoir parachèvement sans ce passage. Oser lire, c’est aussi s’approcher avec une espérance inquiète donc folle de la fin du monde. L’enfant en nous dit de concert avec celui du livre : il nous faudrait « Comme une formule magique qui nous ferait instantanément redevenir Dieu, qui résoudrait nos corps, qui nous confondrait avec l’infini qu’on ne peut pas imaginer d’ici. » « Oui nous allons nous revoir à la fin du monde. C’est là que nous avons rendez-vous. Nous portons la fin du monde. Nous serons la fin du monde. » Chaque être doit être une fractale du monde, une fractale du salut du monde. La quête du livre semble être de convoquer la parousie.

Ÿcra percer à nuit le monde, roman de François richard, Ed. Le Grand Souffle. (https://www.legrandsouffle-editions.com/nouveautes)


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