Frédérick Houdaer, poète sur Fond vert

Frédérick Houdaer nous a fait cadeau nouvelle poétique intitulée Fond vert, publiée aux éditions du feu sacré. Comme d’habitude, la petite maison d’édition nous a fait un bel objet bien digne, bien classe et élégant, pétri de suggestions. Fond vert raconte de façon ironique et poétique l’exil rural d’un citadin déconnecté, autant dire un néo-rural. « Je ne suis qu’un poète citadin échoué à la cambrousse. » confie le héros-narrateur.

L’homme s’avère totalement handicapé vis-à-vis de la nature. Nous connaissions pour le meilleur… ici il est pour le pire. La campagne est un piège domestique pour notre bobo. Nous le suivons dans ses bricolages dans une vieille baraque qui semble vouloir l’engloutir, dans ses allers-retours pathétiques à la déchetterie du coin, dans ses promenades au sein d’un vert envahissant et englué dans une lourde glaise. L’homme est bien incapable de réel. Il nous fait sourire, car non dupe, nous avons qu’il y a un peu de nous en lui. Cette image de bobo en toute incongruité au cœur de la ruralité n’est pas réservée aux électeurs écolos, mais concerne bien toute humanité impactée par la réification de la vie prophétisée par Marx.

Le pauvre poète citadin dépérit à vue d’œil, se zombifie, contaminé par le regard qu’il porte sur la nature. Il s’étonne même de l’immuable nature trop nature : les vaches toujours là alors même que l’abattoir ne cesse de fonctionner. On le nargue ! La campagne est son fond vert, c’est-à-dire l’absence de décor de cinéma. De quoi douter de sa survie ? Le poème reste l’ultime refuge tautologique de ce petit livre car la nature est indifférente au poète citadin…

Les vaches des alentours
affichent envers mes problèmes
la même indifférence que pendant les guerres de religion
envers les catholiques et les protestants
qui se coursaient à travers champs
J’ai beaucoup d’imagination
je peux voir tout cela
le quart d’heure rwandais en Saône et Loire
la neutralité des bovins.

Fond vert est en fait un petit livre à lire fièrement à haute voix, il mérite la performance entre amis. Voilà bien un livre d’apéro. Chacun lèvera son verre après chaque page, tantôt pour se moquer du bobo, tantôt pour exorciser notre propre handicap ressenti vis-à-vis de la nature ; tantôt pour célébrer ladite nature et toujours pour se gargariser de poésie.

Fond vert, nouvelle poétique de Frédérick Houdaer, Ed. Le feu sacré, 12€