Pourquoi tu lis… Corbière
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Les éditions du Feu Sacré ont lancé une collection singulière d’essais littéraires, il s’agit des Feux Follets. Dans cette collection, nous trouvons trois premiers petits ouvrages tenant dans la paume de la main, dont le titre commence à chaque fois par : « Pourquoi je lis… », les points de suspension étant prolongés du nom d’une œuvre, objet de glose en quelque 80 pages. Le premier que nous avons lu est le dernier de la collection, le numéro 3 consacré aux amours jaunes de Tristan Corbière, il est écrit par Frédérick Houdaer. Pourquoi lis-tu les amours jaunes de Tristan Corbière, Frédérick ?
Ce que nous lisons est un essai, mais un essai qui se raconte, un essai qui se tisse sous nos yeux et avec nous. Un essai qui porte bien son nom pour une fois. Nous sommes loin des académismes et plus proches d’une glose narrative ou d’une conversation. Cette conversation émerge via une mise en abîme. Le narrateur discute par étapes de la construction du livre avec Cindy-Jennifer, une sorte de fille au carré résumée par ce prénom composé sorti d’une improbable série TV, et la distance que nous prenons en assistant à cette conversation est un piège. Cette conversation apparait comme un miroir, comme une cristallisation, de ce qui s’opère par la lecture de cet essai. Nous assistons à la construction du livre pour mieux y être incorporés. Nous sommes manipulés comme Cindy-Jennifer. On se croit en dehors, alors que l’on est en dedans.
Venons-en au sujet. Tristan Corbière. Si j’ai choisi de commencer cette collection à l’envers, c’est à cause de ce nom. Je connais Tristan Corbière. Je ne connais rien de Tristan Corbière. Rien lu de lui. Alors que Frédérick Houdaer, lui, il le lit ! Tristan Corbière choisi en premier à cause de son nom. Un poème écrit, à peine l’identité déclinée. Sans le connaître, on pourrait deviner son « métier ». Un prénom qui véhicule tout une certaine niaiserie romantique et un patronyme de gros rouge qui tâche. Ça m’intéresse. Et ce qu’en dit Frédérick Houdaer, pour lui même et pour Cindy-Jennifer, ne fait qu’attiser mon intérêt. Il dit que, sous l’injonction de devenir ce qu’il est, Tristan Corbière est très tôt devenu la caricature de lui-même. « Moins les choses vont devenir drôles dans sa vie, plus il trouvera le moyen d’en rire » (p18) Et si son prénom évoque le romantisme, ce n’est que pour mieux tuer « toutes ces outres coupables de se donner le beau rôle » (p63) Comme il est poète, il ne peut écrire que des poèmes, CQFD. La langue peut se tordre, l’exactitude est un leurre… Il faut écrire ce que l’on a à dire du monde. On comprend qu’il s’en est fallu de peu que Corbière n’existe plus. On comprend que sa médiocrité peut être l’expression de sa grâce, sa distinction, sa prétention.
Ce que je pratique dans cette recension n’est rien d’autre qu’une pâle copie de l’essai qui s’essayait. Je propage la conversation sur Corbière pour les lecteurs de MN. Le bouche à oreille pour dire les amours jaunes, ou les amours jaunes en téléphone arabe ? C’est le pote d’un pote d’un pote qui m’a parlé des amours jaunes, tu devrais le lire. L’essai du pote ? Les amours jaunes ? Mauvaise Nouvelle ?
En tous cas, en lisant Frédérick Houdaer, vous aurez des fragments des amours jaunes semés comme des grains d’ironie en début de chapitre, en illustration des questionnements. Prends ce « pourquoi je lis », en poche, il a la taille d’une paume, facile à dégainer à chaque moment libre, facile à dégainer pour lire jaune. Dégaine dans ton métro ! Sur la couverture, cette phrase de notre poète glosé :
« Ils te croiront mort
Les bourgeois sont bêtes. »