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Gloire de Chesterton !

Gloire de Chesterton !

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On aurait dû saluer sa naissance déjà. Nous étions moins pressés que le lapin blanc d’Alice au pays des merveilles. Et l’homme dont nous parlons n’est pas Lewis Carroll. Cette naissance, il est vrai, reste fraîche, ne datant que d’hier et, tout juste, de 1874. Cet homme-là, qui naquit Anglais et devint atypique en son pays, ce ne fut pas exactement un bon cru, ce fut mieux, et même meilleur que cela. On l’apparenterait volontiers à un vin particulièrement tonique, à un grand champagne vif, à un étincelant, rubicond et profond bourgogne, bref, à un reconstituant physique et moral tout à la fois ; lançons-nous : cet esprit de vin singulier s’appelait Gilbert Keith Chesterton !

Anglais et atypique, disions-nous ? Certes. Il devint catholique, chose d’espèce rare dans sa patrie ! Et il l’exprima, cette appartenance, complète et sans complexe, splendidement, franchement, généreusement, donc sans nulle honte. Voilà qui réconforte, voilà qui, dans les verts pâturages, dans les vignes et les sources du Seigneur, voilà même donc, en notre temps si aride, qui désaltère et qui stimule.

Si l’homme Chesterton eut la mauvaise idée de mourir en juin 1936 son exemple et son œuvre n’ont pas pris de rides ! Il faut lire ses livres, ses articles, ses nouvelles, ses romans et essais, son théâtre aussi, pour se rendre compte de la joie de sa foi, de l’impact de ses formules, de la vigueur de sa pensée. Chesterton, c’est un esprit plein de courage, libre comme le fut Thomas More, mais il apparaît aussi percutant et déterminé, aussi lucide qu’il était également hilare. Son œuvre, abondante et pas entièrement traduite en français, hélas, même si elle marqua Valery Larbaud ou Claudel, offre des bonheurs inégalés par l’humour et cultive la joie et ses sillons les plus nets comme un jardin ; mettons un joli jardin de curé, celui, par exemple, d’un de ses superbes et sages personnages, prêtre et détective, l’impeccable et solide, le bourru et chaleureux, le rigoureux et souriant Father Brown, lequel ferait rendre des points à Sherlock Holmes, à Jules Maigret et à Hercule Poirot réunis, sans oublier, robe oblige, Miss Marple !

Catholique romain et officiel depuis 1922, Chesterton s’est dévoué pour expliquer sa foi dans son pays. Ce journaliste remarquable, qui fit sortir Charles Dickens d’un injuste purgatoire, fut un épatant boxeur théologique. Sa mystique ne répugnait pas devant quelques boissons fortes, et sa fougue et son enthousiasme richement comiques, à l’échelle de l’Angleterre, en font toujours l’équivalent d’un Rabelais !

Salué à sa mort par Pie XI en des termes exemplaires, Chesterton fut l’auteur d’essais qu’il faut lire et relire, et qu’il écrivit même avant sa conversion définitive et officielle. Parmi ces essais-là, relire Hérétiques et Orthodoxie est une mesure de salubrité publique autant que d’urgence. Pour ceux qui doutent ou qui cherchent les chemins de la foi, il faut découvrir sans hésiter La Chose, dont le sous-titre est : « Pourquoi je suis catholique ? », que viennent de publier les éditions Climats. Lisez aussi, aux Belles-Lettres, son autobiographie : L’homme à la clé d’or ! Vous ne le regretterez pas… Et pour ceux qui veulent aller vite et bien, qu’ils se penchent donc sur le beau livre : Le Divin Chesterton, dû au talent malicieux et élégant de François Rivière. C’est paru chez Rivages, et c’est mieux tapé qu’un essai, transformé ou pas, de rugby !

Chesterton décidément est séduisant. L’hésitation n’était pas son fort. Le courage restera l’une de ses marques, nettes, sûres et tranquilles. Son style ne fut pas toujours paisible : il dénonçait franchement l’eugénisme et nombre d’autres fléaux modernes. Ce qu’il savait et dénonçait du monde, avec un sens plus sérieux de l’anticipation qu’Herbert George Wells, n’a guère changé. Le monde cloche toujours : la leçon d’humanité, vigoureuse et saine, de Chesterton reste une offrande, simple et belle. Elle est digne et vive, à l’image des œuvres de Chateaubriand ou du rude, du tenace Péguy. Mieux encore, à l’image de celles d’un éternel petit garçon, Georges Bernanos, dont Chesterton a la force. L’œuvre de Chesterton, sa leçon sans pédanterie, c’est celle décidément d’un autre génie du christianisme à la parole forte et vraie. L’un de ces génies rares, et que notre siècle devrait mieux entendre, écouter et redécouvrir ! Ce matin, librement, nettement, saluons la gloire intacte et absolue de Chesterton !

 


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