Découvrez la collection Mauvaise Nouvelle, aux Éditions Nouvelle Marge.


Grégory Rateau veut conjurer l’hydre du temps

Grégory Rateau veut conjurer l’hydre du temps

Par  

Avec son nouveau recueil de poésie, Le pays incertain, Grégory Rateau nous revient les deux doigts dans la plaie plutôt que sur la couture. C’est donc à sa propre source qu’il revient puiser. Il nous offre ici une poésie de l’adversité. L’adversaire n’est autre que le siècle. Il y a une impossibilité d’entrer en dialogue avec l’époque, le poète le sait. Reste à partir en quête d’individus à qui se relier par le média de la poésie. Autant promettre « Un vrai dialogue de sourds. » Rateau cherche à créer un raccourci jusqu’à l’âme dans le labyrinthe sociétal, un tunnel pour échapper au piège. La générosité de l’écorché vif est sans limite : « A ceux qui cherchent (…) ce carnet de damné. »

Le poète a vieilli et il sait que sa légitimité pose problème. Il n’arrivera pas à faire corps car l’âge social est un leurre et un piège, l’âge adulte est un âge sans âme. « Des âmes mortes voilà ce que vous êtes. » C’est terrible de ne pas parvenir à être dupe, de voir le faux de ce monde avec une telle lucidité. « Je regarde passer l’ennemi, se dandiner quand les projecteurs ne sont plus là. » Le refus de collaborer ne peut que le ramener à la case départ, le conduire à souffrir, une des seules choses que le poète sait faire avec talent. « Souffrir pour accumuler du dire dans le refus de la souillure. Privé des basses besognes des adultes. »

Un poète ne peut pas être du siècle. Jamais. Comment le pourrait-il puisqu’il est de la toute éternité. Voilà bien la seule marque de son inadaptation au monde hic et nunc. Dès lors, l’enjeu du verbe qu’il manipule est bien de « Conjurer l’hydre du temps. » Un travail de Don Quichotte ! Il ne s’agit plus seulement d’insulter l’avenir dans la fraîcheur de la jeunesse, mais d’insulter tous les temps à la fois à travers le présent qui nous est donné. Grégory Rateau avoue : « Il ne reste pas grand-chose de celui que j’ai été. » Et c’est insupportable car le devenir va à l’encontre de l’être. Exister le fait souffrir, il cherche donc l’essence. Le dernier recueil de Grégory Rateau raconte la conscience qu’a le poète de la malédiction qu’est la sienne, son don de voyant est une tare, sa capacité à traduire de son silence ce qu’il voit le damne. Comme un autre, il arrive trop tard dans un monde trop vieux et cherche son utopie entre les lignes. « Je voudrais retourner dans ce pays incertain où les souvenirs sont comme des villes en construction. »

Grégory Rateau a reçu le prix Arthur Rimbaud 2024 et cela ne nous étonne même pas. Pour ma part, si il existait, je lui aurais bien donné le prix Philippe Léotard.

 

« Des ennemis par milliards

Conspirent

A longueur de bonsoirs

Sur tes poèmes mortels

Ils tirent à la courte paille

Ce sera à celui

Qui le premier

Fera de tes vers

La plus belle boulette

Immortelle »

 

 

Le pays incertain, poésie de Grégory Rateau, ed. la rumeur libre, 17€, 64 pages.


Imprécations nocturnes, Grégory Rateau
Imprécations nocturnes, Grégory Rateau
Grégory Rateau : De mon sous-sol
Grégory Rateau : De mon sous-sol
Conspiration du réel
Conspiration du réel

Commentaires


Pseudo :
Mail :
Commentaire :