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La fin des passions tristes avec Marcel Moreau

La fin des passions tristes avec Marcel Moreau

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Il y a un temps pour la mélancolie. Un temps pour l’absence d’aménité. Il existe aussi un moment où il faut soit se suicider, soit reprendre sa vie en main. Généralement, on oscille entre ces deux alternatives et on appelle cela « vivre » tout court, ce qui est tout bonnement le comble de l’insuffisance. On part en vacances. On revient de vacances. On prépare ses prochaines vacances. Entre ces phases languides, on s’imagine être le roi des travailleurs, le prince du sport, le vicomte de la drague ou le seigneur du contreplacage et des étagères. On est assurément « l’empereur des sots », comme dit la marquise de Merteuil. Toutefois, au moment où vous pensez que tout est forclos, raté, désuet, tout à coup, dans un élan de hasard et de fortune, on a entre les mains un livre de Marcel Moreau. Si on l’allonge avec un peu de Spinoza, si on a le bonheur particulier et zigzaguant de rencontrer une autre soi-même, si – en vertu de ces rencontres alliant l’impromptu au dynamisme – on est capable de sortir du cycle contre-véritable de la vie quotidienne, alors un miracle s’opère : les passions tristes disparaissent.

Vous êtes à genoux, à pleurer de joie et à tancer votre infecte silhouette passée, qui disparait sous son propre ossuaire, sans objection, noyée de honte. La liberté n’est plus le contre-jour de la nécessité. Vous sentez renaitre en vous la vertu de la jeunesse qui n’a pas d’âge. Vous sentez palpiter votre cœur dont le nez artériel se débouche comme après un archipel de rhumes. Le monstre est réhabilité. La vie doit éclater. Il n’y a pas une parcelle de libre pour la consternation, l’envie et les bilans. Tout est démesurément trop petit. Seuls les châteaux de sable ont de la valeur. La beauté de la vie vous rend presque tragique, c’est-à-dire dénué d’ironie vindicative. Marcel Moreau a écrit le plus beau livre sur l’amour : « Nous amants au bonheur ne croyant… »

L’amour n’existe pas, c’est la raison pour laquelle il faut le vivre. L’amour préexiste à tout, c’est pour cela qu’il faut l’enfourcher. Avec ce balai entre les cuisses, les distances entre les autres et vous ne signifient plus rien. À la fin de tout, il n’y aura plus de comptabilité. La vie sociale sera perçue comme une vaste galéjade. Les « idées » vous feront vomir. Il ne restera que quelques phrases et les êtres que vous avez aimés. Seul l’amour disparaitra dans le néant bienfaisant, emportant avec lui un regard bleu dont le ciel porte la lagune. Une teinte de cheveux adorablement décevante. Le reste – ce qui ne compte pas – survivra dans une terreur indéfinissable qu’on appelle poliment l’histoire – cet étron des annales. Je vous laisse le soin de choisir entre l’éternité et la réussite. Avec Marcel Moreau, je choisis « le troublant mystère de l’inséparation » et « l’héritage du Fou et du Monstre », sans repères et sans dates, afin de n’être plus à l’étroit dans notre immensité.


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