Le consentement : un livre solaire !
Livres Mauvaise Nouvelle https://www.mauvaisenouvelle.fr 600 300 https://www.mauvaisenouvelle.fr/img/logo.pngLe consentement : un livre solaire !
Si c’était un son, ce serait celui des Pink Floyd, comme une perspective de libération intérieure, The wall.
Le consentement de Vanessa Springora un livre incroyable. On connait l’hystérie collective qui a accompagné la sortie du livre, le procès stalinien de Matzneff, alors que l’on ne trouve rien de tout cela dans ce livre : ni pathos, ni victimisation. Ce qui est fait est fait. L’auteur assume et encaisse son histoire. On n’y trouve pas non plus une histoire de trauma, la vie est faite aussi de traumas qu’il nous faut digérer et dont on doit tirer les leçons semble-t-elle dire. Au contraire le livre est plein de dignité et de pudeur même quand il est nécessaire de donner des détails pour raconter l’histoire. En filigrane, on conçoit le préjudice exact subi.
Vanessa Springora nous livre une autopsie des travers d’une génération, de l’entre deux ouaté ou personne n’est jamais mis en face de ses actes ni de ses responsabilités. Cela est fait par le portrait, celui d’un homme qui a le malheur de les incarner parfaitement, ces travers. Chapitres après chapitres, elle en fait l’inventaire, et envisage aussi tous les scenarii qui auraient pu être. Ce n’est pas Nabokov qui se torture, ni une histoire improbable et bénéfique comme l’est l’amour par essence et surtout pas un pygmalion. En ombre chinoise Vanessa Springora dresse le portrait d’un pervers narcissique, « quelqu’un pour qui les autres n’existent pas. »
En partant de sa petite enfance, sans se cacher, sans rien omettre de ce qui est nécessaire, l’auteur mène une vraie recherche fondamentale anthropologique : elle pose les limites de la responsabilité possible à 14 ans et fait sentir ce qu’est l’emprise et, amène ainsi du neuf, de l’inédit de portée générale.
Comment raisonnablement envisager le pardon sans envisager la punition ? La punition dans ce livre est bien au-delà de la vengeance, c’est faire d’un mal un bien de portée universelle en véritable alchimiste.
Elle démontre que pervers narcissique n’est pas une personnalité, que c’est une option, un fonctionnement, un mode d’être. Le contraire de celui préconisé par Levinas « Le moi, devant autrui, est infiniment responsable ». Comme chacun, le pervers a de la sensibilité aux autres, mais ce n’ est pas un haut potentiel, donc il ne la cultive pas. Il la tourne sur lui, et en fait un instrument de pouvoir, pour peu qu’il ait eu des coups sévères jeunes, il reste sur les rails sur lesquels la vie l’a mis car seul, cultiver la sensibilité aux autres, permet de se réparer.
Au fond, en le réifiant à son tour comme elle a été réifiée, elle lui pardonne un peu, elle comprend : il est limité. Il n’a pas assez de sensibilité pour se réinventer, et surtout il ne choisit pas cette option : ça ne l’intéresse pas, ça l’ennuie. Il répercute ce qu’il a reçu. Il se sert de sa sensibilité limitée comme d’une arme au service d’un rang artistique, d’une ambition pour laquelle il n’est pas outillé, et broie tout, instrumentalise tout, sur son passage au service de cette ambition. C’est une sorte de compensation théâtrale à un potentiel limité.
Vanessa Springora l’a donc pris à son propre jeu, elle a fait de lui une utilité. Par-là, elle s’est construite et fait malgré tout une belle chose de cet épisode qui ne lui a rien apporté, qui lui a pris à sens unique, sans contrepartie. Un piège psychologique aurait été d’éprouver une sorte de gratitude, elle éprouve sans doute tout au plus de la pitié.
En effet ce qu’elle a fait de grand de cette histoire n’était pas prévu au programme, ça n’a jamais été son intention à lui, ce n’était pas un pygmalion. La seule chose qu’elle a pu faire de bien avec « G », dont elle ne cite plus le nom, c’est d‘étudier la perversité, pas d’autre option possible, ces pervers sont trop envahissants.
En conclusion, et ce n’est pas tout à fait le même sujet, car la perversité narcissique est un paroxysme, il faut être très attentif au différentiel de sensibilité entre les gens, ce qu’exprime Honoré de Balzac de la façon suivante : « Les belles âmes arrivent difficilement à croire au mal, à l’ingratitude, il leur faut de rudes leçons avant de reconnaître l’étendue de la corruption humaine »