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Le livre de la prière

Le livre de la prière

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"Le livre de la prière" est le nom d'un ouvrage publié aux éditions de l'inférieur rassemblant des poèmes de divers auteurs. Ces auteurs ayant comme point commun de s'adresser à Dieu, de diriger le beau vers Dieu, de ne plus dissimuler leurs prières. Moi qui suis mauvais, moi qui ne suis presque que mauvais, j'ai eu quelques révoltes sarcastiques à la lecture du "le livre de la prière". Le pêcheur que je suis a tenté de résister à tant de louanges rassemblées, de produire des raisonnements pour refuser de participer au concert, de réagir face à la tentative d'exorcisme exercée par le livre. La sincérité religieuse impose d'exprimer mes doutes.

A priori, nous sommes heureux de revoir quelques plumes appréciées, nous sommes mis en appétit à la lecture de leurs noms au dos de l'ouvrage. C'est ainsi que se retrouvent côte à côte : Le causeur Guillebon, les poètes Baumier et Garnier-Duguy, le contrelittéraire Santacreu, l’intellectuel apostolique Hadjadj, la chair faite verbe Caron, l'itinérant Van Gaver, l'ensoleillé Solari, le très sacerdotal Rey, et les mythiques Thibon, Blake… Le constat est là et peut intriguer. Tout ce qui se fait de catholique dans le monde de l’écriture se retrouve dans "Le livre de la prière". Cela peut faire penser à une sorte de communautarisme littéraire volontaire. Tous rangés en ordre alphabétique pour faire des petits poèmes entre amis ? Ce serait caricatural de le dire.

"Le livre de la prière". Le titre de l'objet pose donc l'ambition étonnante et démesurée de proposer quelque chose de définitif. Une compilation définitive de poèmes dont l'usage sera de prier. L'œuvre ici consiste donc à avoir su compiler, choisir et rassembler. Rassembler les œuvres commandées par l’Esprit Saint ? Et de qui le critique que je suis pourrait-il recevoir commande ? J'ai peur de le comprendre à mesure que j'écris.

Crainte du blasphème


J'ai le sentiment en lisant tous ces poèmes d'une grande unité, d'une grande ressemblance entre eux. Des psaumes, sans doute, mais un type de psaume bien précis, qui se "contente" d'exprimer une louange issue de la contemplation. Moi qui croyais le blasphème indispensable à toute poésie, voilà que je ne lis qu'émerveillements vis-à-vis de Dieu. Mais il me semble parfois voir certains poèmes devenir panthéistes. Les oiseaux, les montagnes, le ciel, la lune, le soleil… sont bien souvent matériaux de base pour lancer les prières. Pour ne pas dire du mal, on s’éloigne de ses entrailles. Je ne parviens pas à faire taire ma révolte, j'aurais vraiment trouvé plus fort, plus beau, plus religieux même, des écrits prenant appui sur ce qui scandalise la créature. Décréter la contemplation sur la base d’une négation du mal que je porte me gêne et cela m'arrange forcément. Notre chair pour s’élever, ne doit-elle pas passer par la corruption de la mort ? Le lieu de l’écriture n'est-il pas le lieu où Dieu s’est fait cadavre pour nous laisser faire de notre chair du Verbe ?

Bric-à-brac bien intentionné


Des choses agacent pour me faire penser du mal. C'est encore le démon qui s'agite face à la louange écrite par ceux dont je voudrais tant être l’homologue. Je refuse de voir un poème là où certains ne jettent que des mots comme d’autres ont jeté des taches de peinture sur la toile. Renvoyer la charge de la beauté à la lecture que l’on en fait me donne l’impression d’une arnaque. Tout comme le regardant fait l’œuvre d’art contemporain aujourd’hui, il semble que certains, posant parfois un seul mot par ligne, comptent effectivement sur le lecteur pour élever l’œuvre. Bientôt une lettre par ligne ? La typographie au service des questionnements ? Prévert, sors de ce corps ! Bientôt la page blanche ? L’idéologie de l’art contemporain a envahi la poésie et est un prétexte pour l’expression de mes démons incapables, eux, de louanges. Comment est-ce possible de penser mal en lisant le bien ?

Un poème qui se voudrait prière est-il nécessairement une louange ? Et la louange a-t-elle un caractère suffisamment religieux ? Un poème, c’est à dire une histoire transmise sans narration, du rythme fait beauté, un swing donc, de la chair qui tente de s’élever, où le sublime vient du pataud, où rien de ce qui est vil dans l’homme n’est nié, où rien de ce qui est absolu dans Dieu n’est décrit. Une vision qui m’arrange, une réaction qui dérange et me rappelle que je suis pécheur. Que je n’ai pas encore fini de tâtonner dans le poisseux.

Ce qui s’est déposé


Après lecture, en moi, une fois dissipées les scories de la critique facile, s’est déposée calmement la possibilité de contempler. Malgré moi, mes résistances, mon péché, mes critiques, mes concepts, mes raisonnements et mes écrits, le désir de voir en me taisant m’a été transmis. C’est une expérience de lecture, n’est-ce pas ? Sont restés dans ma mémoire : Maxence Caron dont le débordement de verbe témoigne d’un désir de transcender la souffrance d’une incarnation non satisfaisante ; quelques belles phrases d’oraison de Mgr Rey, de Florentin d’Entrevaux… Cela donne envie de regarder là où ces poètes regardent. Tout ceci, une fois mes démons calmés, me donne finalement la possibilité de méditer et me laisse le désir de voir la poésie revenir véritablement dans notre monde. Et je reste persuadé que la verticalité à laquelle on aspire n’est pas soumise à un déterminisme, à notre volonté, mais à notre nature, à nos désirs, que tout art dissimule une prière.

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