Les visions du Paradis de Bernard Bonnelle
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Les Noces de Gênes est à la fois déclaration d’amour et leçon de théologie. Le récit commence par un simple accident de la route de deux vieux, un couple, quatre-vingt-sept et quatre-vingt-cinq ans. Le narrateur, sous-préfet, les regarde et les envie. Ils ont vieilli ensemble, ils ont eu la chance de cheminer ensemble jusqu’à la mort. Dans leur civière, il les voit comme des « enfants royaux endormis côte à côte dans leur lit de marbre. » C’est alors que tous ses souvenirs remontent pour nous. Bernard Bonnelle en fait un récit. Il aurait pu nous raconter ses aventures de marin à travers le monde au bord de la Jeanne, il préfère nous raconter son mariage, la rencontre de sa femme jusqu’à sa mort. Par la retranscription de ses souvenirs, il veut racheter des gestes absents, à peine esquissés, où nous refusons de rendre grâce, il avoue : « Par deux fois, j’avais méprisé l’amour que tu m’offrais. »
Relisant son histoire, la reliant d’un bout à l’autre, Bernard Bonnelle nous offre une petite leçon de théologie sur la communion des saints, une vision du Paradis. A l’origine et en point de mire du récit se trouve un retable de Ludovico Brea à Gênes. Sur ce retable, « La triade divine (…) était comme perdue dans une grande houle d’hommes et de femmes, d’où sourdait une joie paisible. » Le mariage est ici vécu comme une anticipation de la communion promise au ciel. Il s’agit de se distinguer des passions humaines trop humaines, trop éphémères. Il qualifie sa femme de sa meilleure amie car ces deux-là considéraient ce mariage comme le sacrement de leur amitié. Aussi s’efforcent-ils d’ouvrir leurs enfants à l’amitié avec Dieu. L’homme veuf ressasse ses souvenirs, balaie des photos et prend conscience que chaque visage est appelé à devenir une icône et rejoindre dans sa singularité la foule du retable. Sa femme disait bien, à l’inverse de Sartre que « L’enfer, c’est la solitude. » Cette ode au mariage a la vertu de nous rapprocher le ciel. Avec simplicité, clarté, Bernard Bonnelle nous fait contempler le mariage comme une intrusion de l’au-delà ici-bas. Et si demander quelqu’un en mariage n’était que le désir de vieillir ensemble…
Les Noces de Gênes, Bernard Bonnelle, Ed La Table Ronde, 94 pages, 11€
Texte publié une première fois dans Le Bien Commun n°36 de Janvier 2022 (https://lebiencommun.net/kiosque/)