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L’impasse de la métropolisation

L’impasse de la métropolisation

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L’historien et essayiste Pierre Vermeren publie L’impasse de la métropolisation. Dans son ouvrage, il évoque les étapes d’un processus né aux Etats-Unis qui a gagné la France dans les années 1970 : le phénomène mondial de la métropolisation. Une polarisation croissante s’est exercée sur les métropoles et a entraîné la reconfiguration du rapport villes-campagnes et celui des centres-villes avec leurs banlieues. Modalité du capitalisme néolibéral, la métropolisation fut présentée (et l’est encore aujourd’hui malgré son essoufflement évident) en idéal politique et de civilisation : « L’idéologie dominante la pare de vertus morales imposées par les gagnants de la mondialisation. »

Ce modèle est-il viable, durable et souhaitable pour l’avenir ? C’est là un sujet clé pour notre historien.

Les métropoles sont au nombre de douze, Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Lille, Strasbourg, Nice, Nantes, Rennes, Grenoble et Montpellier : « En 1964 sont institués les pôles d’équilibre : Lille-Roubaix-Tourcoing (on ignore alors que la crise du textile allait bientôt dévaster les deux dernières) ; Metz-Nancy (la crise des charbonnages, de la sidérurgie et du textile lorrain allait bloquer ultérieurement l’essor de cette riche région) ; Strasbourg (dont la vocation européenne est appuyée par les pouvoirs publics) ; Nantes-Saint-Nazaire (la seconde serait plus tard affaiblie par la crise des chantiers navals) ; Lyon-Saint-Etienne-Grenoble (la seconde serait ravagée par la crise industrielle des années 1970, tandis que Grenoble deviendrait un pôle technologique assez puissant pour s’émanciper de Lyon) ; Bordeaux (qui accueille l’industrie militaire de défense) ; Toulouse (siège d’Airbus) ; Marseille (premier port de Méditerranée). » Les élites sociales y résident en majorité. Comprenant 10% de la population française, pourcentage atteignant 28% si l’on intègre leurs aires métropolitaines, ces villes sont l’éclatante expression du clivage observé par le géographe Christophe Guilluy entre France d’en-haut et France d’en-bas: « Elles hébergent au moins les deux tiers des cadres français et des classes aisées, elles produisent plus de la moitié de la richesse nationale, et abritent la quasi-totalité des médias nationaux : presse, radios, télévisions, médias Internet, sociétés de communication audio-visuelles ou filmiques. Ajoutons qu’elles comptent au moins les deux tiers des immigrés et de leurs enfants vivant en France, dont plus du tiers en région parisienne. Pourtant, rapportées à la superficie du territoire national, ces métropoles n’en couvrent qu’à peine 5%. »

Paris fut rasée au XIXème siècle sous le Second Empire et presque intégralement reconstruite sous la houlette du baron Haussmann, comme un symbole de la dynamique capitalistique et immobilière qui servirait plus tard de modèle aux autres métropoles françaises. Il y a eu un grand cycle du béton, des gains de productivités colossaux ont été générés en délaissant la brique et la pierre au profit du béton préfabriqué. Le Corbusier l’a voulu ainsi et ce sont six millions de logements sociaux qui ont été construits pendant la période 1954-1973 des Trente Glorieuses.

La métropolisation (fille de la mondialisation) et la gentrification (ou boboïsation) sont les deux mouvements conjoints de cette transformation ayant touché la France. Désindustrialisation, mutation de l’économie qui s’est rapidement tertiarisée, pavillonnisation du pays, exode des classes moyennes des centres-villes où les industries fermaient (on parle de déprolétarisation de Paris), ont été particulièrement violents. La crise des gilets jaunes, l’élection récente de maires écologistes au programme « woke » dans de grandes agglomérations, l’incroyable criminalité d’une ville comme Grenoble, sont autant de signes épars des bouleversements qui nous frappent. L’idéologie du progrès  a aveuglé les élites qui n’ont jamais freiné ces mutations. La tertiarisation des grandes villes a généré l’arrivée de travailleurs peu coûteux sommés de se mettre au service des classes supérieures : cuisiniers, serveurs, plongeurs, manutentionnaires, routiers, petits employés, vendeurs, gardiens d’immeubles ou de locaux professionnels, agents de sécurité des transports, livreurs, agents de maisons de retraite et de l’hôpital, auxiliaires de vie et gardes d’enfants ou de personnes âgées, femmes de ménage et agents de propreté, etc.

Pierre Vermeren considère que la métropolisation a coupé la France en deux, reléguant trente à trente-cinq millions de personnes dans la France périphérique, c’est-à-dire en dehors du système national de production de richesse. Si ce diagnostic n’est pas inédit, nous considérons de notre côté qu’il existe une troisième France qui est celle des banlieues peuplées pour l’essentiel de populations issues de l’immigration. Cette France-là est de plus en plus encline à la sécession, à l’affirmation de sa spécificité culturelle et cultuelle non fongible dans le creuset républicain. Cela se traduit dans ses formes les plus radicales par les fameux « territoires perdus ». Pour maintenir un ensemble devenu archipel et éviter une implosion qui semble malgré tout quasi inéluctable, l’Etat français a inventé le plus grand système de redistribution sociale du monde : 760 milliards d’euros en 2019 (chiffre appelé à être en forte hausse en 2020). Face aux multiples crises, les classes populaires gravement paupérisées et en désaffiliation ne se sentent plus tenues par le contrat social national ; elles ne défendent plus la nation (fin de la conscription -erreur à notre avis immense-), ne la nourrissent plus (l’agriculture se meurt -400000 exploitations aujourd’hui contre 2,5 millions après-guerre-), et ne produisent plus ses biens. Le terrorisme islamiste prospère grâce à l’immigration galopante (500000 nouvelles entrées, principalement en provenance de régions arabo-musulmanes, chaque année dans notre pays), il sévit et frappe les deux autres France, celle des métropoles et celle des périphéries péri-urbaines et rurales, qu’il abhorre en tant que symbole d’oppression passée.

La France est-elle sur le point de devenir invivable ? Poser la question revient sans doute à y répondre. Faut-il pour empêcher ce scénario « déchoir les métropoles de leur piédestal » comme y invite Vermeren dans le but de mieux structurer le territoire ? Les questions sont innombrables tant la situation s’avère critique et semble laisser peu d’espace aux solutions d’espoir.

Le libéralisme et le multiculturalisme ont conduit à l’impasse où nous sommes. Nous avons péché mortellement par manque de patriotisme.


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