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Machiavel, chantre de la liberté du Prince ep.4

Machiavel, chantre de la liberté du Prince ep.4

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IV. Anthropologie de Machiavel : fondée sur l’Histoire et non sur la nature des choses

Pour Nicolas Machiavel, les hommes sont menés par des appétits sans limites, des désirs insatiables qui les poussent à vouloir acquérir plus qu’ils ne peuvent obtenir, ce qui engendre des ambitions démesurées et néfastes d’ un côté et le mécontentement chez ceux qui ont moins ou rien.

L’anthropologie Machiavélienne est donc de tradition plutôt épicurienne. Le principe du désir immodéré traverse la pensée antique et toute son éthique est fondée sur la maitrise des désirs et du gouvernements des passions par la pratique de vertus telle que « la juste mesure » issue de Platon , « la tempérance » issue d’ Aristote, « l’ ataraxie » des Epicuriens , « l’apathie » des stoïciens, mode de vie assurant selon les écoles le bonheur , le plaisir ou la tranquillité de l’ âme. L’homme est incapable de devenir vertueux : il rejoint les anglo-saxons d’origine protestantes.

Chez Machiavel, le désir immodéré et toujours insatisfait apparait comme une donnée immédiate et irrépressible de la nature humaine. Il fait donc peu cas des techniques antiques de l’ascèse pour la maitrise des désirs. Ce qui l’intéresse, ce sont leurs conséquences autrement dit les luttes et conflits politiques.

Il affirme que dans toutes les cités, dans tous les Etats et dans tous les peuples, on constate les mêmes désirs et les mêmes affects et qu’il en a toujours été ainsi. C’est l’identité de ces désirs et de ces affects qui entrainent la similitude des événements. C’est ainsi que l’histoire se présente comme un exemple pour le présent et permet la prévision du futur, les hommes étant toujours traversés par ces mêmes passions. L’histoire devient donc un réservoir d’exemples destinés à se répéter.

D’ où l’importance chez lui de la lecture politique de l’histoire, qui ne doit pas être une lecture d’agrément mais de schémas pratiques. L’histoire doit être maitresse de l’action politique, qui doit y trouver des modèles et des contre exemples. Sans cela, le présent n’est plus intelligible. Machiavel présente donc l’histoire à la lumière du présent comme un mouvement immanent.

Machiavel inscrit donc la politique dans une historicité immanente dans laquelle la liberté de choix, la volonté libre, l’espace de liberté va se rétrécir devant les contraintes et les nécessités de la matière. La politique ne se présente donc pas comme un « objet » d’étude, comme une chose mais comme un entrelacs de rapports infinis et indéfinis pris dans un ensemble de variables indépendantes.

Sous l’empire des nécessités, les meilleures décisions sont celles qui comportent le moins de désavantages d’où la multiplication des raisonnements dichotomiques (pertes et profits, avantages et inconvénients) dans la rhétorique Machiavélienne :

«  Et dans toutes les choses humaines, si on les examine bien, on voit qu’on ne peut jamais supprimer un inconvénient sans qu’un autre ne surgisse. Aussi faut-il dans toutes nos décisions considérer le parti ou il y’ a le moins d’inconvénients et le prendre pour le meilleur car on n’en trouve généralement aucun qui soit tout à fait sans risques et sans danger ».

Machiavel théorise donc le principe du calcul du moindre mal dans les décisions politiques.

Savoir tirer des règles ayant une validité universelle d’événements particuliers localisés dans le temps et dans l’espace est le bénéfice que doit procurer la lecture de l’histoire.

L’une des grandes règles Machiavélienne sera la suivante : la volonté de domination et d’empire ne s’arrête que si une autre volonté s’oppose à elle. Il n’y a rien d’autre qui puisse y faire obstacle, tout le reste n’est que rêve et illusions, comme l’ histoire l’ a montrée depuis toujours et ne cesse de le montrer aujourd’hui.

Cette règle « réaliste » va commander sa définition de sa politique intérieur comme celle de sa politique étrangère.

V. Et la morale commune ?

La logique de la politique n’exige pas, non qu’on supprime la morale mais qu’on la subordonne et qu’on la plie aux nécessités de la puissance politique.

Pour Machiavel, la morale perd donc son autonomie pour ne devenir qu’un outil politique : un adjuvant ou un obstacle à la politique selon les cas. La seule chose qui compte vraiment est le prix que l’on est prêt à payer pour atteindre tel ou tel but. C’est un calcul : tous les moyens étant bon ou mauvais, non par rapport à la morale mais selon le cout requis pour leur usage.

Nicolas Machiavel ne fait qu’amorcer par ses principes ce que l’on appelle maintenant, suite aux penseurs anglo-saxons, la « realpolitik » : des principes que les gouvernants ont en général suivis, avant et après lui sans avoir besoin d’aller les chercher dans ses écrits. Mais sans doute est-il gênant pour les gouvernants que les gouvernés viennent à connaitre leurs pratiques…

 « Là où il est tout à fait question de décider du salut de la patrie, il ne doit y avoir aucune considération de ce qui est juste ou injuste, compatissant ou cruel, louable et ignominieux. Au contraire, laissant de côté tout autre égard, il faut suivre entièrement ce parti qui lui sauve la vie et préserve la liberté ». Discours à propos de la République (III, 41).


Machiavel, chantre de la liberté du Prince ep.2
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Machiavel, chantre de la liberté du Prince ep.1
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Machiavel, chantre de la liberté du Prince ep.3
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