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Monstrueuse féérie

Monstrueuse féérie

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Laurent Pépin nous fait rentrer dans la tête d’un fou. Nous sommes dedans dès le début, et nous comprenons sa folie, nous voyons les choses comme lui. Dès le début, la métamorphose du lecteur s’opère et nous acceptons que le narrateur soit entouré de monstres, aime la compagnie des fous qu’il appelle les monuments et partage un temps la compagnie amoureuse d’une elfe. « Il faut bien reconstruire le monde à sa façon, on ne peut quand même pas le prendre tel qu’il est. C’est trop triste. » Et le récit de Laurent Pépin n’est pas triste, il est plein d’esprit, et la folie dans laquelle nous baignons nous offre un moment de vérité.

Le récit oscille entre deux temps, celui de l’enfance et celui de l’adulte dans l’asile. C’est le monde de l’enfance qui bien sûr a convoqué les monstres pour expliquer l’angoisse et la paranoïa. Mais il ne s’agit pas d’expliquer pour Laurent Pépin, on se fout de la psychologie. Sa quête est poétique. Les premiers monstres que le narrateur rencontre, ce sont les parents, les deuxièmes les animaux empaillés de son père taxidermiste depuis la mort de leur premier chat. L’enfant se demande quand viendra son tour, quand son père finira par le vider et l’empailler. En attendant, le père le gave comme une oie pour le garder hors du monde. Sous le regard de l’enfant, la mère, qui mit 30 ans à mourir de son cancer, devient la génitrice de monstres en série.

Dans le temps présent, le narrateur travaille dans un asile, à moins qu’il en soit pensionnaire… C’est une question de point de vue. « Mon travail de recherche, au-delà des interventions à but thérapeutique, consistait pour l’essentiel à établir des ponts entre la poésie classique ou contemporaine et le contenu délirant des décompensations poétiques des patients du Centre. » Il est entouré de monuments, les fous; Les fous sont des monuments car il les visite. C’est chez eux qu’il guète la poésie. Les fous sont des modèles uniques qui sont nés sans mode d’emploi et en kit, c’est pour ça qu’ils ouvrent la voie d’une sorte de réalité augmentée. Par le regard du narrateur, le réel devient faux, ce que la raison nous aurait donné à voir, devient totalement faux. La réalité ne peut être autre que celle que l’on lit. Et nous nous laissons envahir comme le héros par les monstres, nos hantises qui reviennent à temps régulier.

Le héros parvient un temps à fuir ses monstres pour vivre un véritable conte de fées avec une elfe. La jeune femme vient bien que le héros se laisse polluer la tête par les monstres, la jeune femme voit bien qu’il a l’obsession de la poésie des monuments. « Je suis désolé. », répète-t-il à son elfe. Il s’excuse en permanence pour manifester son impuissance à vivre comme si il n’y avait ni monstres, ni monuments. Après tout, il cite lui-même Dumbledore pour tout nous expliquer : « Ce n’est pas parce que c’est dans ta tête que ça n’existe pas, Harry. » Laurent Pépin nous offre peut-être avec Monstrueuse féérie de quoi transformer nos névroses en poésie. C’est bon de se savoir fou à notre tour pour échapper aux codes, aux algorithmes, aux normes.


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