Yezza Mehira : recette de vie quotidienne

Avec La cuisine des âmes nues, Yezza Mehira s’amuse à alterner recette de cuisine et nouvelles. Ce sont les femmes ordinaires qui sont les héroïnes de ce petit livre. La cuisine est dans leurs histoires, une forme de langage, parfois une forme d’art, souvent un miroir du quotidien et la tête de gondoles de leurs souvenirs. Quasiment la totalité de ces nouvelles se déroulent autour de la Méditerranée, lieu de naissance de l’auteur, berceau de la civilisation, et donc de l’art culinaire. Les femmes présentées ici sont souvent contraintes par les conventions, les lois, les habitudes, les hommes. Mais il ne s’agit pas pour l’auteur de partir en croisade féministe, mais simplement de porter attention à des petites vies exprimées sous forme de témoignage, et de recueillir dans la cuisine une trace d’humanité à transmettre.

La cuisine est parfois un refuge pour celle qui fut si mal aimée en Iran, le lieu du souvenir et de la transmission souvent, le langage de l’amour pour ce couple fantasmant sur un plat de riche, la blanquette de veau, la possibilité d’une consolation quand la dépressive finit par avoir faim, le clin d’œil de la maltaise promeneuse solitaire entourée de lapins dans son moment d’intimité, et, face à la guerre des hommes au Liban, elle est le lieu de la civilisation. Quelle serait la recette pour bien vivre, bien s’incarner, pour être humaine pleinement, et s’élever ainsi ? « Si un plat était beau, la faim était presque apaisée. » C’est déjà ça. Il en ressort une poésie accessible, nous nous sentons capables à la suite de ses femmes, de convoquer la poésie dans notre quotidien et nous cherchons à notre tour la recette qui pourrait accompagner la nouvelle résumant notre vie à la fois ordinaire et singulière.

La cuisine des âmes nues, nouvelles et recette de Yezza Mehira, Éditions de la Zitourme, 150 pages, 13 €