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Hommage à Benoît XVI : Relecture du discours de Ratisbonne

Hommage à Benoît XVI : Relecture du discours de Ratisbonne

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Notre époque peu théologienne mesure moins la portée et la grandeur du discours de Ratisbonne. Pourtant, il est une véritable leçon magistrale qui établit un lien étroit entre la foi, la raison et l’Université. C’est dans l’après-midi du 12 septembre 2006 dans l’enceinte universitaire de la ville de Bavière que le pape Benoît XVI, de vénéré mémoire, choisit de prononcer devant un parterre d’universitaires, d’intellectuels et d’étudiants un grand discours portant sur un thème cher aux universités allemandes.

En ces jours où notre cher Pape vient de terminer son parcours terrestre, nous nous permettons de lui rendre un hommage aussi modeste que soit en faisant résonner ce discours emblématique qui envoute une génération qui a connu ce grand Pasteur et théologien. Pour certains, parler du discours de Ratisbonne de Joseph Ratzinger/Benoit XVI fait revenir en mémoire les polémiques qui s’ensuivirent pendant que pour d’autres, ceux qui l’ont compris, la visée fondamentale de cette allocution universitaire, étaient loin de provoquer un tel remous. Certes, ce discours s’inscrit dans la pensée du théologien Joseph Ratzinger, mûrie et développée depuis des années en tant que théologien, enseignant et chercheur. Les talents du théologien Joseph Ratzinger font de lui un homme d’humanité prodigieusement originale et faisait toujours de lui un pape que l’on vient écouter. L’entretien qu’il accorde au journaliste Peter Seewald et publié sous le titre Le sel de la terre, sera la clef de voute de cette petite réflexion, où nous nous permettons de contempler les qualités intellectuelles, la pensée et la personnalité de Benoît XVI comme homme de foi, aspects bien lisibles dans le discours de Ratisbonne, ce discours qui aura constitué un phénomène intellectuel très complexe et riche même s’il ne devait pas être réduit à une querelle entre le christianisme et l’Islam.

1.Un grand théologien du XXème siècle

 Benoît XVI, jeune théologien au séminaire de Freising, vivait avec ses camarades dans un atmosphère très vivant marqué par une grande faim spirituelle et littéraire. Heidegger et Jaspers l’ont très vivement intéressé dès le jeune âge ainsi que le personnalisme. Il était le grand amateur de Saint Bonaventure et Saint Augustin de manière qu’en vacances, il ne cessait de se régaler des Confessions de l’Evêque d’Hippone. Professeur à Bonn, Munster, Tübingen et Regensburg, il était toujours qualifié de théologien réformateur et ses cours débordaient d’auditeurs. Il fulminait contre une Eglise qui a des rênes très tendues et qui risquait de tomber dans la sclérose. Il a grandi dans cette expérience intellectuelle de haut niveau par rapport aux références mais aussi par rapport à la qualité de ses réflexions surtout il était marqué par une volonté de tendre à l’unité du savoir et du raisonnement. C’est pourquoi dans ce discours, son premier appel aux universitaires, c’est de tendre à cette unité et à former l'Universitas scientiarum. Voici une tâche noble qui incombe à la formation universitaire. Cette cohésion interne dans l'univers de la raison demeure même devant un scepticisme aussi radical. Il demeurait donc nécessaire et raisonnable, ajoute de pape Benoit XVI de s'interroger sur Dieu au moyen de la raison et de le faire en relation avec la tradition de la foi chrétienne [1].

2. Une théologie souveraine et magistrale, inséparable de sa personne.

Le professeur Wolfgang Beinert, dans un ancien éloge au théologien Joseph Ratzinger, parle d’une personnalité dotée d’une intelligence lucide et analytique alliée à une forte puissance de synthèse. En effet, dans ses analyses théologiques, il décelait minutieusement les faiblesses d’une argumentation que ce soit dans ses conférences et ses publications comme dans les conseils aux candidats au doctorat.

 Il semble que Ratzinger n’a jamais essayé de créer un système propre de pensée ou une théologie particulière mais il voulait simplement penser avec la foi de l’Eglise, penser avant tout avec les grands penseurs de l’Eglise. Et dans le « Discours de Ratisbonne » par sa forte puissance de synthèse et dans le souci de faire dialoguer la foi et la raison, il essaya de livrer un condensé du rapprochement, porté par une nécessité intrinsèque, entre la foi biblique et le questionnement grec. C’est ainsi qu’il releva en les réfutant une série de courants de pensées qui ont ouvert une brèche à plusieurs abus comme certaines réactions d’autodéfense, le refus de la modernité hostile à la religion et la lecture historico-critique de la bible, conséquence des siècles des lumières.

 Or, la simple rationalité limitée aux sciences de la nature, ne peut pas répondre aux questions fondamentales. Le principe de la sola scriptura ne fournissait non plus de bases claires. A cela s’ajoutait la théorie de l’évolution et le programme de Kant d’enfermer la foi exclusivement dans la raison pratique. Tout ceci renforçait la revendication de la déshellénisation du christianisme qui, depuis le début de l'époque moderne, domine de façon croissante le débat théologique et que le pape Benoît XVI, essaie de décrypter et en déceler leur faiblesse en affirmant la thèse selon laquelle l'héritage grec, purifié de façon critique, appartient à la foi chrétienne.

3. Grand défenseur de la vérité

La vérité est le concept central de sa pensée outre que son ministère. Le théologien Joseph Ratzinger est convaincu que le renoncement à la vérité ne résout rien, conduit au contraire à la dictature de l’arbitraire. La vérité doit demeurer comme catégorie centrale même en dépit des menaces et des dangers. En plus, par sa devise épiscopale « Collaborateur de la vérité »[2], il confirme que la vérité ne revêt pas seulement un intérêt rationnel mais aussi spirituel et ecclésial et pour ce, en tant qu’évêque, théologien, il devait apporter son expérience théologique afin qu’en cette heure-là, l’Eglise fût dirigée avec justesse. C’est pourquoi devant les universitaires et les intellectuels allemands, il a réaffirmé que la théologie, non seulement comme discipline d'histoire et de science humaine, mais spécifiquement comme théologie, comme questionnement sur la raison de la foi, doit avoir sa place dans l'Université et dans son large dialogue des sciences. Avoir le courage de s'ouvrir à l'ampleur de la raison et non de nier sa grandeur devrait être le programme qu'une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent. » Voici le grand défi lancé par le Pape dans le discours de Ratisbonne.

4. Son aptitude à entrer en dialogue

Benoît XVI était un homme ouvert au dialogue, son expérience d’universitaire comme enseignant et chercheur théologien, l’a mis en dialogue permanent avec les autres sciences et les autres cultures. Peu importe leur ligne de pensée, il y’avait des cercles de pensées avec qui il entrait en dialogue. Il fréquentait des théologiens de taille comme Congar à Strasbourg, Karl Barth à Bale, et invitait Karl Rahner pour de sérieuses discussions et parvenir ensemble à une synthèse. Il était ouvert aussi au dialogue avec l’islam pour lequel il refusait qu’on prenne dans le sens fondamentalement négatif comme un tout homogène. Oui, sur ce point, le discours de Ratisbonne est prophétique, si on pense au terrorisme (Deash, Al Qaïda…) qui au nom de la religion, a causé et cause encore beaucoup de dommages au monde. Ces défis doivent nous pousser à faire progresser notre dialogue avec l’islam en tant qu’échange sincère entre amis.

Tout compte fait, il est réjouissant d’avoir eu un homme de la stature de Benoît XVI, avec sa biographie, ses différentes ouvertures intellectuelles et pastorales, son universalité, sa façon de penser, d’agir et de croire. Avec lui, ce n’est pas seulement un siècle qui prend fin, mais une génération qui prend fin, une génération dont les racines se plongent au XIXème siècle. Le discours de Ratisbonne manifeste une pensée profonde qui a habité un grand théologien avec le souci de laisser à cette génération confrontée à la culture du relativisme et de l’immédiateté un héritage toujours utile au dialogue intellectuel entre la foi, la raison et la culture.

[1] Cfr BENOIT XVI, Rencontre avec les représentants du  monde des sciences dans l’Amphithéâtre de l’Université de Ratisbonne (12 Septembre 2006). N.B :tous les passages suivants mis  en italiques sont extraits de ce discours

[2] Cooperatores Veritaris (3Jn 8)


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