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Lénine, l’inventeur du totalitarisme

Lénine, l’inventeur du totalitarisme

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L’historien Stéphane Courtois, ancien maoïste repenti, avait dirigé Le livre noir du communisme paru en 1997 et phénomène d’édition vendu à plus d’un million d’exemplaires. En septembre 2017, il publiait Lénine, l’inventeur du totalitarisme. Des millions, c’est bien à ce niveau de chiffres insensés que l’on établit les morts imputables au totalitarisme soviétique. Le mythe résurgent de la figure de Lénine que des nostalgiques tentent de raviver ne manque pas d’étonner. Un manichéisme très actuel tend même à définir un « bon Lénine » par opposition au « méchant Staline » oubliant la filiation naturelle entre les deux tyrans responsables de millions d’assassinés d’une balle dans la tête, de morts de faim, de zek envoyés au Goulag et de familles détruites. Le chef des bolcheviks prit une part personnelle immense dans l’instauration de la guerre civile, de la terreur, du système concentrationnaire, des massacres de masse de civils sans défense et de l’utilisation de la famine comme arme de destruction massive des opposants.

Courtois s’appuie sur l’historien italien Emilo Gentile qui en 2001 donnait une définition du régime politique tyrannique : « Le phénomène totalitaire peut être défini comme une forme nouvelle, inédite d’expérience de domination politique mise en œuvre par un mouvement révolutionnaire, qui professe une conception intégriste de la politique, qui lutte pour conquérir le monopole du pouvoir et qui, après l’avoir conquis, par des voies légales ou illégales, dirige ou transforme le régime préexistant et construit un Etat nouveau, fondé sur le régime à parti unique et sur un système policier et terroriste comme instrument de la révolution permanente contre les "ennemis intérieurs". L’objectif principal du mouvement totalitaire est la conquête et la transformation de la société, à savoir la subordination, l’intégration et l’homogénéisation des gouvernés sur la base du principe du primat de la politique sur tout autre aspect de l’existence humaine. Celle-ci est interprétée selon les catégories, les mythes et les valeurs d’une idéologie palingénésique, dogmatisée sous la forme d’une religion politique, qui entend modeler l’individu et les masses à travers une révolution anthropologique, pour créer un nouveau type d’être humain, uniquement voué à la réalisation des projets révolutionnaires et impérialistes du parti totalitaire. A terme, il s’agit de fonder une nouvelle civilisation de caractère supra national et expansionniste. »

Lénine fut ainsi amené à créer le premier régime totalitaire de l’histoire, dont l’un des points d’orgue fut, en 1918, l’ordre qu’il donna d’assassiner toute la famille Romanov. Courtois s’attache dans sa biographie à « une lecture attentive de ses Œuvres, tant il est vrai que Lénine a passé près de trente années de sa vie à écrire, encore et toujours, des tracts, des articles, des brochures, des livres et des notes à usage personnel. Il a fallu extraire de cette terrible gangue idéologique et de cette logorrhée polémique la pensée intime et politique profonde qui l’a conduit à s’emparer du pouvoir et à instaurer un type de parti et de régime qui allait essaimer dans le monde entier. Et même si le système communiste mondial s’est effondré en 1989-1991, l’exemple du pouvoir léniniste persiste en divers pays où des partis communistes sont toujours en place, et les traces de sa pensée continuent de peser, encore aujourd’hui, sur le débat public. Par ces temps où un nouveau totalitarisme, inauguré en 1979 par la révolution islamiste de l’ayatollah Khomeyni -inspirée du « manifeste » des Frères musulmans de 1936-, proclame sa volonté d’imposer son idéologie à l’ensemble de la planète, sans doute n’est-il pas inutile d’avoir une meilleure connaissance du modèle initial. » Notre historien fait donc œuvre utile pour nous aider à décrypter les ressorts de ce nouveau communisme qu’est l’islamisme menaçant notre modèle de civilisation, de façon de plus en plus aiguë en Europe.

Lénine eut une enfance privilégiée dans une Russie qui était alors plutôt agitée et qui des années 1860 à 1917 affronta ses problèmes économiques et politiques de façon désunie. Il est issu d’une famille aisée de fonctionnaires de province plutôt cultivés et conservateurs sans être réactionnaires. Fidèle au tsar, la famille Oulianov connaît une ascension sociale certaine. Le jeune élève est brillant, il reçoit un enseignement traditionnel consacré pour l’essentiel au grec et au latin, à la grammaire et à l’étude des classiques. Il lit Homère et Cicéron dans le texte, mais aussi Tite-Live ou Thucydide, et la vie des grands hommes de l’Antiquité. Sa voie semble toute tracée pour intégrer au mieux la couche dominante de la Russie, « Mais tout autour régnait la misère des ruraux, et le milieu tout entier restait encore profondément imprégné des mœurs de l’époque du servage. » La mort subite de son père précipitant la disparition de l’autorité accélère la crise d’adolescence de Vladimir Illich. Son caractère se forge alors dans le sens de la critique systématique, humiliante, cruelle et injurieuse de tous ceux qui ne sont pas de son avis. Rapidement, il se retrouve dans la situation d’un petit noble héréditaire voué au déclassement. Sorte de hobereau sans cœur, il n’hésite pas à signer : « Noble héréditaire Vladimir Oulianov. » La mort de son frère exécuté car il avait, en jeune révolutionnaire, comploté contre le régime tsariste, crée chez lui le besoin urgent et vital de faire connaissance avec ces mouvements révolutionnaires dont il avait tout ignoré jusque-là : « Sa plongée, dès l’été 1887, dans la bibliothèque secrète de son frère Alexandre à Kokouchkino allait lui ouvrir les portes de Tchernychevski, Netchaïev, Marx et Plekhanov, et décider de son destin. »

Lénine rejoint « l’intelligentsia » qui s’apparente à une communauté d’esprit portée sur la critique systématique du régime, et ce en fonction de doctrines matérialistes, positivistes, utilitaristes ou scientistes importées de l’Europe des Lumières et des philosophes allemands, en particulier Hegel et Marx. Cette intelligentsia suit des modes considérées comme des vérités absolues et définitives : l’hégélianisme dans les années 1840, le darwinisme dans les années 1860, avant le marxisme dans les années 1890. Elle a en fait une vision abstraite de l’Homme. Le souvenir de la phase la plus violente de la Révolution française, celle des Enragés, des massacres de septembre 1792, du Comité de salut public, du « populicide » vendéen, de la loi des suspects et des lois de Prairial, hante les imaginations révolutionnaires, en attendant un passage à l’acte dont Lénine sera le maître d’œuvre en devenant le rééducateur par excellence. Le scientisme, matrice ayant marqué le XIXème siècle, prétendait atteindre à la connaissance parfaite de tous les phénomènes humains, en particulier le fonctionnement des sociétés. Il constitue un élément moteur des mouvements totalitaires.

Il faut se souvenir de la phrase de Sartre qui en 1965 traitait tout anticommuniste de chien. Auréolé de la victoire en 1945 et protégé pendant longtemps, le communisme vit sa dimension totalitaire dévoilée grâce à certains esprits courageux comme le libéral Raymond Aron. Bien d’autres suivirent, tel Jean-François Revel dans les années 80, pour expliquer le caractère criminogène du communisme, et ce à l’égal de son frère jumeau le nazisme. Alors, désormais instruits, ou ré-instruits, de cette réalité effrayante, il est permis de s’interroger : comment peut-on encore aujourd’hui se dire communiste quand on songe à tous les bourreaux de l’histoire contemporaine que furent Lénine, Staline, Mao, Pol Pot et consorts ? Autre interrogation : pourquoi ne combat-t-on pas férocement la « peste verte » qui s’insinue puissamment dans nos sociétés, cet islamisme dont les soubassements idéologiques empruntent à la doctrine léniniste ? Cet aveuglement doublé de pusillanimité doit bien servir un dessein. Mais lequel ?

 


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