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L’humaniste s'enfle à nouveau

L’humaniste s'enfle à nouveau

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Notre temps a vu l'humaniste s'enfler tant qu'il nous semble finir par s'oublier lui-même, en tout cas oublier ce qu'il a entre les deux oreilles. La raison a déserté cet être conscientisé à outrance pour laisser place à, non pas un état d'âme, mais un élan infini de ses entrailles. Ce début de mois de février fut un régal, pour tous les humanistes fans de poils, puisque des violences envers les animaux ont pu être révélées coup sur coup. Par le passé, l'humaniste avait tendance à doser son affection en fonction d'une hiérarchie entendue sur l'animal. Il préférait les mammifères supérieurs aux petits, et les mammifères à toute autre espèce. La semaine passée nous prouva que l'humaniste était capable d'étendre son amour au delà de nos jours. Voilà ce que nous avons pu lire en vrac depuis début févier :
  • Un homme adopte 15 chats à la SPA… pour les faire cuire et les manger !
  • Un homme de 42 ans a été condamné mercredi à 6 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Béziers (Hérault) pour avoir jeté son chien par la fenêtre.
  • "Farid de la Morlette" a été condamné par la justice à un an de prison ferme pour avoir lancé un chat contre un mur.
  • Quatre adolescents de 14 à 15 ans ont été placés en garde à vue et seront convoqués devant un juge pour enfants pour avoir torturé et tué un canard près de Toulouse.
30 millions d’amis ne lui suffisaient pas, l’humaniste est un homme de réseau social interstellaire.
Depuis qu'il aime le cosmos comme lui-même, ses semblables l'insupportent. Il est vrai que se sachant l'origine de toute charité, l'humaniste a tendance à s'oublier et ne plus faire trop de discours sur les injustices vécues par ses semblables. Ne sachant plus où donner de la tête pour imposer son nouvel ordre moral au cosmos, qui n’est qu’une extension de son nombril, l’humaniste assume cette injustice passagère, ce désordre dans la hiérarchie des peines.

L'humaniste a du pain sans arrêt sur la planche. On moralise et on relativise à la même vitesse. L’adhésion conceptuelle est suffisante pour être déclarée victime de sa propre volonté si d'aventure on ne parvient pas à faire ce que l'on nous dicte. Ce n'est pas de ma faute, je suis égoïste, disait déjà en son temps Brigitte Fontaine en chanson. Mais le vrai crime est le non alignement aux crédos du moment, au commandement du jour. La morale en évolution perpétuelle règne en maître pour larguer définitivement tous ceux qui ont fantasmé sur un absolu. Le prochain projet en vue sera peut-être la théorie du Gender appliquée aux animaux. On ne nait pas canard, on le devient. Le parc, le pain des vieux et des enfants, les nénufars, les cygnes, tout pousse à être canard même si l’identité ontologique de cette créature serait peut-être d’être un porc. On n'en sait rien.

Les obsessions de tout humaniste de notre temps sont au final son hygiène et la nature. On a appris récemment que le spécimen anglais de l'espèce en question voulait reconnaître comme crime le fait de fumer pour une femme enceinte. On savait que fumer tue. Fumer en étant enceinte est un crime, sauf bien sûr si la grossesse n’est pas désirée. Il a suffi de déclarer que l'embryon n'était pas une personne pour s'autoriser à le supprimer, et maintenant qu'il n'est plus qu'un amas de cellules, l'humaniste veut le sauver contre la mauvaise hygiène de sa mère, comme particule participant au cosmos. Ce n’est plus seulement l’humour, l’amour, qui sont réactionnaires aujourd'hui, mais maintenant la simple raison, et pire encore son corolaire populaire qui est le bon sens.

Les humanistes inspirent Murray ? Non, Jean-Paul Sartre en 1938 dans la Nausée, un régal :
L'humaniste radical est tout particulièrement l'ami des fonctionnaires. L'humaniste dit "de gauche" a pour souci principal de garder les valeurs dites humaines ; il n'est d'aucun parti, parce qu'il ne veut pas trahir l'humain, mais ses sympathies vont aux humbles ; c'est aux humbles qu'il consacre sa belle culture classique. C'est en général un veuf qui a l'œil beau et toujours embué de larmes ; il pleure aux anniversaires. Il aime aussi le chien, le chat, tous les mammifères supérieurs. L'écrivain communiste aime les hommes depuis le deuxième plan quinquennal ; il châtie parce qu'il aime. Pudique, comme tous les forts, il sait cacher ses sentiments, mais il sait par un regard, une inflexion de sa voix, faire pressentir, derrière ses rudes paroles de justicier, sa passion âpre et douce pour ses frères. L'humaniste catholique, le tard venu, le benjamin, parle des hommes avec un air merveilleux. Quel beau conte de fée, dit-il, que la plus humble des vies, celle d'un docker londonien, d'une piqueuse de bottines ! Il a choisi l'humanisme des anges ; il écrit pour l'édification des anges, de longs romans tristes et beaux, qui obtiennent fréquemment le prix Femina.
Ça, ce sont les grands premiers rôles. Mais il y en a d'autres, une nuée d'autres : le philosophe humaniste qui se penche sur ses frères comme un frère aîné et qui a le sens de ses responsabilités ; l'humaniste qui aime les hommes tels qu'ils sont, celui qui les aime tels qu'ils devraient être, celui qui veut les sauver avec leur agrément et celui qui les sauvera malgré eux, celui qui veut créer des mythes nouveaux et celui qui se contente des anciens, celui qui aime dans l'homme sa mort, celui qui aime dans l'homme sa vie, l'humaniste joyeux qui a toujours le mot pour rire, l'humaniste sombre qu'on rencontre surtout aux veillées funèbres. Ils se haïssent tous entre eux : en tant qu'individus, naturellement - pas en tant qu'hommes.

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