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Macron : un mythe construit sur des mensonges

Macron : un mythe construit sur des mensonges

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Macron est-il un miracle ou un mirage ou les deux en même temps ? Pierre-André Taguieff nous aide à y voir clair sur cette question dans son ouvrage paru en août 2017. La disparition du clivage droite/gauche face à la vague libérale et sa lame de fond mettant tout le monde d’accord a permis selon lui l’éclosion du candidat Macron. Sorte de météorite improbable au service des gagnants de la mondialisation, des nantis, des bobos gentrifiés (pour reprendre le terme du géographe Christophe Guilluy auteur de deux ouvrages de référence : La France périphérique et Le crépuscule de la France d’en-haut). Emmanuel Macron est un extra-terrestre ayant subitement fait son apparition dans la sphère médiatique et politique pour devenir presque naturellement Président de la République. Fervent européiste, partisan de la construction d’une Europe post-nationale, favorable à la mondialisation et son corollaire l’hypernomadisme, persuadé que notre pays est pétri d’une pluralité de cultures (« et qu’il n’y a pas une seule culture française » sic !), convaincu de la supériorité du droit et de l’économie comme moteurs de la société, porté au pouvoir par les officines maçonniques, les personnalités de la Haute-Administration et du monde des affaires, Emmanuel Macron a fasciné les Français nourris dans l’historiographie nationale de la figure du sauveur et éblouis par sa jeunesse et son charme. Taguieff nous dit que « Sa force de séduction et la carte de l’équivocité ont permis à ce stratège et tacticien de haut-vol de rallier sous sa bannière Daniel Cohn-Bendit et Alain Madelin, communiant dans la posture libérale-libertaire. ». La macronmania a atteint des sommets de comique, de ridicule et d’indécence quand Gérard Collomb a scandé : « Nous avons porté Emmanuel Macron à la présidence de la République et directement au sommet du G7. A 39 ans, non seulement il a affronté le monde, mais il a étonné le monde, il a révolutionné le monde. ». Le parcours et le succès de Macron « font écho à un nouvel égotisme offrant un modèle identificatoire de l’autonomie et de la réussite dépendant de sa propre volonté et de son talent, avec le champ politique comme nouveau terrain de prédilection ».

Si Macron, « voulant avant tout faire avancer le progrès », a été élu sur le rejet de Marine Le Pen et du Front national, force est de constater qu’après sa victoire aux élections législatives la France reste coupée en deux, entre progressistes et conservateurs, mondialistes et patriotes, gagnants et perdants de la mondialisation, chantres d’une société multiculturelle et partisans de la culture française historique. Promesse future d’une guerre froide intérieure, a minima. En bon fils mondial, Macron considère que le salut vient évidemment d’ailleurs, de l’extérieur, des Etats-Unis bien sûr, ou des pays scandinaves pour ce qui est de la flexi-sécurité censée nous guérir des maux du chômage. Pour Taguieff, « La démocratie française est devenue une démocratie à l’état sauvage : la lutte de tous contre tous (principe atomique du libéralisme) pulvérise les encadrements, les appareils tombent en déliquescence, les ambitions s’expriment à l’état brut, portées par des leaders nomades sans appartenances définies. La défense des statuts s’entrecroise avec la " lutte des places " dans une société liquide où la mobilité constitue la norme suprême. » Macron n’admire rien plus que ceux qui aiment l’argent, en font le but suprême de leur vie et le servent comme maître : « L’économie du Net est une économie de superstars. Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires.» dit-il dans un élan lyrique d’ancien banquier d’affaires. Ne s’adressant qu’à l’élite, il applique strictement ce qui lui a été inculqué dans le monde de la finance, à savoir la logique conquérante et entrepreneuriale. Quel gâchis ! Où donc la France est-elle tombée pour se doter d’une marionnette que l’on pourrait comparer à n’importe quel responsable de société commerciale ? Comment les Français peuvent-ils accepter qu’il y ait de moins en moins d’Etat et de plus en plus de marché ? Pourquoi souhaitons-nous devenir une société anglo-saxonne, protestante, obnubilée par les biens matériels, en voie de réification avancée, une société américaine comme les autres, au détriment de notre génie constitutif, celui des lettres et de l’esprit ?

Tel un messie, Macron annonce le passage de l’ancien au nouveau monde, des ténèbres à la lumière ; il est ce guide qui partage les eaux en deux et prend la main du bon peuple docile, l’éclaire et lui offre le progrès, la terre promise, la rédemption : dans son esprit, cet univers meilleur est celui de l’argent, de la réussite, de la prépondérance du marchand sur l’esprit. Macron s’est donc incarné en homme nouveau, en Adam, en Christ pantocrator qui, la main dressée vers le ciel, manifeste sa propre gloire. Pas une brebis ne doit se perdre et sa mission est d’emporter tous ses disciples vers le graal du marché pacificateur, vers l’humanisme intégral parvenu à ses fins, à jamais débarrassé de Dieu. Dans son livre Révolution, voici ce que Macron affirme sans rire : « Cette décision de se présenter aux plus hautes charges de la République est le fruit d’une conviction intime et profonde, d’un sens de l’Histoire. Je l’ai dit dans ce livre, j’ai vécu d’autres vies. […] Toutes ces vies m’ont conduit à cet instant. »

Défendant à la fois le libéralisme culturel de la gauche et le libéralisme économique de la droite, Macron est un manœuvrier hors pair, illusionniste aussi quand il se présente comme porteur d’un changement salvateur, d’une offre politique novatrice : « La vérité est qu’il prend le relais d’une gauche " réformiste " jusque-là bridée par le PS – de la " deuxième gauche " rocardienne aux strauss-kahniens de toutes obédiences et aux think tanks " progressistes " du type Terra Nova – en l’agrémentant de mesures économiques libérales et d’une orientation pro-européenne dénuée d’ambiguïté. A cet égard, Macron apparaît comme un héritier, un successeur, et non pas comme un transgresseur, un inventeur ou un fondateur. »

Ayant appris à être bon comédien durant ses jeunes années chez les jésuites de la Providence à Amiens, il a compris mieux que quiconque que la démocratie est devenue une divertissante théâtrocratie (pour reprendre le terme de Pierre Boutang). La théâtralisation de sa propre existence dans la vie publique fut l’une de ses principales clés pour conquérir le pouvoir. Ainsi sont incontournables autour de lui les conseillers en communication, influenceurs, publicitaires, youtubeurs, blogueurs… Comme Obama avant lui. Taguieff nous explique finement que « Sa rhétorique est celle de la synthèse ondulatoire, fondée sur l’emploi de l’opérateur magique "en même temps". ». Exemple d’un propos de Macron usant de cette habile ficelle : « Je ne suis pas un mondialiste multiculturaliste déraciné (notez le mensonge, autre clé de réussite en théâtrocratie). Le Pen et Fillon réduisent la France à une identité rabougrie (tiens donc, l’identité millénaire de notre pays se serait racornie subitement !). Ma relation à la patrie et à la culture est ouverte, elle ne se situe pas dans le rejet de l’autre. Je me construis dans le rapport à notre langue, notre héritage et la fierté que nous en avons (beau lyrisme d’ensemble, quoique assez creux) ; et en même temps (c’est là qu’il met tout le monde d’accord), dans l’aspiration constante à l’universel et l’insoumission. Ce sont des nationalistes ; nous sommes des patriotes. » Le mythe Macron est construit sur des mensonges, à l’instar de sa présupposée fonction d’assistant de Paul Ricœur. La fabrication marketing d’un "politique philosophe" ne manquait pas d’attraits et pouvait même rapporter gros dans un pays qui avait eu jadis quelques présidents lettrés. La vérité est qu’il ne fut qu’un assistant éditorial mettant la dernière main au livre de Ricœur qui était alors en préparation depuis plusieurs années. Macron a certes obtenu une maîtrise de philosophie consacrée à Machiavel, ce maître du prêt-à-penser pour tout homme politique moderne et progressiste qui se respecte. Pour Taguieff : « L’ascension du jeune ambitieux à la conquête de la France fait inévitablement penser à des personnages romanesques comme Eugène Rastignac ou Julien Sorel. On trouve une saisissante caractérisation de la posture macronienne dans les dernières lignes du Père Goriot : " Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s’attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnante un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : - à nous deux maintenant ! Et, pour premier acte du défi qu’il portait à la Société, Rastignac alla dîner chez Mme de Nucingen. " »

Il est flagrant de voir que la macronie jupitérienne se pare d’un enthousiasme artificiel, d’un optimisme feint prenant sciemment le contrepied des déclinistes, Cassandre, dégagistes, et autres tenants d’une identité malheureuse. Elle est le visage d’un volontarisme progressiste, au premier abord séduisant, qui confine, en le scrutant de plus près, à un césarisme que les Français découvrent avec stupeur chez leur nouveau président. Cioran, d’une triste et désillusionnée lucidité, disait : « Qui n’a pas connu la tentation d’être le premier dans la cité ne comprendra rien au jeu politique, à la volonté d’assujettir les autres pour en faire des objets, ni ne devinera les éléments dont se compose l’art du mépris. »

Tocqueville, quant à lui, avait prévenu que le suffrage universel réputé constituer à l’origine un outil révolutionnaire, s’avérerait in fine un « mécanisme conservateur propre à conjurer la menace populaire ». Taguieff affirme qu’il y a une perversion dans la démocratie, ou plus précisément une faillite de la démocratie elle-même qui se profile. Nous tenons aussi cela pour sûr. Macron, protecteur autoproclamé du progrès, définit le nouveau clivage idéologique fondamental : « Le véritable clivage aujourd’hui est entre les conservateurs passéistes qui proposent aux Français de revenir à un ordre ancien, et les progressistes réformateurs qui croient que le destin français est d’embrasser la modernité. » Pour une fois, nous sommes d’accord avec lui puis complétons sa vision clivée, pour, évidemment, nous retrouver au bout de l’analyse en total désaccord avec ce président des bourgeois, des enrichis, des vainqueurs de la mondialisation, des sacrificateurs de notre identité et de notre avenir. Nous l’affirmons voce forte : c’était beaucoup mieux avant avec  "l’ordre ancien" qui n’était pas fondé sur le multiculturalisme, sur la fragmentation en mille morceaux du pays, ordre ancien dont l’esprit prévalait sur la matière et le marchand, où l’islamisme était relégué à la place du degré zéro de l’intelligence humaine (rang qu’il occupe toujours, assourdissant plus fortement par son bruit rendu possible par la collusion des élites, au tropisme oriental, fascinées et complices du grand remplacement de peuple en cours), où l’homme n’avait pas encore été délégitimé, où l’on ne parlait pas Gender et transhumanisme, où la fabrication des hommes par les instruments diaboliques de la PMA, GPA, et du clonage, était inenvisageable. Un temps que nous ne reverrons hélas plus.

Bien loin de l’éternelle balance de l’histoire entre conservatisme et progrès, comme moteur intelligent de la marche des hommes, la réalité sous nos yeux est un choc civilisationnel et religieux dont le caractère destructeur semble irréversible. Terminons notre papier avec ce mot de Raymond Aron que devraient méditer le beau quadra à la tête du pays et tous ceux qui ont voté pour lui : « L’égalité doctrinaire s’efforce vainement de contraindre la nature, biologique et sociale, et elle ne parvient pas à l’égalité mais à la tyrannie. »


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