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Hubert Damon, la folie de rester jeune

Hubert Damon, la folie de rester jeune

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Le peintre Hubert Damon expose à Lyon, dans l’immeuble le New Deal, une exposition intitulée « Synthèse de l’œuvre ». Nous avons pu ainsi découvrir une surabondance de tableaux, une surabondance de couleurs, la récapitulation de l’œuvre d’un peintre, de sa vie.

Il y a urgence

Hubert Damon a aujourd’hui 80 ans et regarde cette exposition avec une joie d’enfant. « Vous avez 60 ans de travail ici ! Et je constate une certaine cohérence à travers le temps. C’est comme une vrille qui s’enfonce et creuse de plus en plus profond. En 60 ans, on perd et on ga gne à la fois. On perd en élan bien sûr, et on gagne en précision, en sagesse.» Je m’extasie devant les peintures religieuses du premier étage, ces visages émaciés et gris du Christ scellés dans la folie de la couleur, ces scènes de l’apocalypse à livre ouvert… « Mais vous n’avez rien vu, Monsieur, venez au 5ème étage du New Deal.» Je le suis, il arbore le sourire de celui qui savoure la surprise qu’il réserve. Et c’est ainsi que je rentre dans l’Eden, saisi par cette richesse de paysages, cette extrême générosité, je lui dis que je ressens une certaine urgence dans sa peinture. Passer de ces scènes religieuses à la surabondance profane d’un jardin paradisiaque me fait ressentir une urgence de dire le beau. L’octogénaire qui ne sait que sourire

« C’est très beau ce que vous dites. Vous savez ce que dit Nicolas de Staël : "Nous n'avons qu'une ressource avec la mort : faire de l'art avant elle" (Citation de René Char ; La parole en archipel, Les dentelles de Montmirail - 1962.) Alors oui, il y a une sorte d’urgence, tout faire avant la mort. On se dépêche, on se rapproche… »

Transfiguration

Vouloir ce qui ne se voit pas

Interrogé sur la place des mystères chrétiens dans son œuvre, Hubert Damon souligne que les mystères chrétiens sont magnifiques. « Je suis tombé dedans quand j’étais petit. C’est la société dans laquelle je suis né qui est chrétienne, façonnée par la chrétienté depuis 2000 ans. » Heureux, je me lance à établir cette correspondance entre la religion et la peinture qui consiste à contempler. On contemple un tableau de peinture comme on contemple un mystère chrétien. « Un peintre est toujours quelqu’un qui veut ce qui ne se voit pas. Et le religieux a la faculté de nous emmener très loin. La peinture religieuse permet aussi de retrouver des thèmes chers aux peintres de tous temps, des natures mortes comme aux noces de Cana et des personnages bien sûr, mis en situation dans des scènes précises. » Effectivement comme à chaque fois dans une œuvre de peinture, je constate que certains tableaux nous invitent à la narration, à y projeter une histoire alors que d’autres, par une certaine fulgurance des couleurs, présentent la force d’un poème. « Ce qui est important, c’est ce qu’il y a derrière la toile, ce après quoi on court », ajoute Hubert Damon, « la peinture est une aventure spirituelle. »

Maroc

La folie de rester jeune

« J’ai 80 ans, j’ai commencé à peindre à 12 ans et je n’ai jamais réellement dépassé mes 8 ans. » Et je dis au vieil homme en face de moi que l’âge adulte est un leurre. Il parait. Certains thèmes comme le cirque ou même les combats de coqs placent l’espièglerie comme première dans l’intention de l’artiste, je lui fais remarquer que le choix des couleurs, leur charge, leur certaine violence, n’est pas également sans rappeler l’enfance. Hubert Damon précise que la peinture est le seul art qui ne soit fait que de couleur, alors que le dessin, lui, est partout (sculpture, architecture, …) Oui et pourtant, il semble avoir abusé de la couleur, il semble s’être amusé à la laisser crier tout son jus. Et derrière l’espièglerie de ce clown auguste que j’ai en face de moi, je sens la conscience que la folie est possible. Il a bien su peindre ces Christs gris sur fond de folie et les appeler « bonne nouvelle. » La peinture est sans doute une folie pour les païens… Et je me demande si à 80 ans, on peut avoir le sentiment d’avoir rempli sa mission, fini son travail, etc. En d’autres termes si on a le sentiment à 80 ans d’avoir rendu grâce pour les dons reçus. Hubert Damon me répond « oui et non… j’ai parfois l’impression d’avoir tout raté ou de ne pas avoir fait grand-chose. Et en même temps, avec plus de sagesse, je me dis que ce n’est pas si mal, surtout quand je regarde les autres… » Le peintre rit du haut des 8 ans qu’il n’a pas quittés.

 

Portrait

 

Bonne nouvelle


Ce n’est pas Dieu qui est mort, c’est le mot qui est un peu usé.
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Augustin Frison-Roche
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Joachim van der Vlugt entre construction et déconstruction
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