Nous irons par des chemins vibrés

Nous irons par des chemins vibrés, creusés d'ors
Et de menthe, un mélange de sécheresses oubliées
Pour recueillir dans nos mains écorchées les pierres
Dans l'herbe étroite ou hautement levée, les angles
Négligés des chapelles et clochers, les fresques vives :
Couleurs mises en poussière qu'il faut rendre à l'eau pure.

Les émotions et les prières s'écoulent, très lentes,
Calmes ou rageuses, brûlées ou caressées par l'air,
Pigments d'humanité et verbe nu d'un temps saint :
Il faut donner un signe dans le roc et sans fer,
Un peu de vie nouvelle au monde triste qui s'éteint,
Une lueur, un fier parfum, et la douceur des charmes.

La chapelle se relève, en pleine charpente plus libre,
Comme une voile au soleil ou dans la vague du ciel :
Il faut la voir dressée comme une vivante écume
Dans les éclats des roses, dans la parure des arbres,
Dans le silence dansé des oiseaux étonnés,
Dans la battue des heures et l'élan dru des âmes.

Un réveil est à vivre palpitant en chemin
Pour échapper enfin aux grandes querelles d'hiver,
Des étés trop moites d'ombres et des hiers terribles,
Il faut les caresser ces pierres gâchées, ces herbes,
Ces verdures étouffées, ces silences à goûter :
Un respect pas à vendre, un Passé fabuleux

Mais qui n'est pas un songe, ni pleur d'imaginaire ;
Un temps est à revivre, sans armes mais à grands chants,
Il vibre autant qu'il saigne, au long sentier vivant
Qui s'est tordu au loin dans nos égarements,
Il faut le retracer, et ne plus rien en craindre :
Ce chemin d'oraison, c'est la Beauté du Monde.

RL. Entre Ombrie et Toscane, 1999 ou 2000.