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Éloge printanier d’Antoine Blondin

Éloge printanier d’Antoine Blondin

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De lui-même, il disait délicieusement : « Je suis resté mince, mon œuvre aussi ! » … Ce modeste, athlétique et tendre, c’était Antoine Blondin. S’il se dévoua avec grâce aux quat’saisons, ce fut pour nous offrir une merveilleuse suite de nouvelles plus parfaites et ironiques les unes que les autres. S’il affectionna les singes en hiver, proclama une humeur vagabonde, ce fut pour mieux zigzaguer dans les chemins creux d’une Europe buissonnière au débouché tragique de 1945 ; Antoine Blondin fut, à sa naissance en 1922, un enfant du printemps, arrivé dans un chou, aux abords du quai Voltaire, à Paris, le 11 avril de cette belle année millésimée. Cet enfant du Bon Dieu s’esquiva, à un avant-poste de l’été, le 7 juin 1991, toujours à Paris. Dès qu’il s’agit de lui, la caricature n’est pas loin, hélas. On nous sert ses bons mots et ses calembours irrésistibles pour saluer le brillant jeune homme et le prétendu cancre. On salue le sauteur d’obstacles, le poète du sport, l’amateur des plantations de cafés-tabacs ; on suspecte l’assoiffé, et on le condamne. On, personnage souvent fielleux et qui, décidément, n’est pas si malin que ça, proclame qu’Antoine Blondin est infréquentable. Ou qu’il l’était, du moins. En saluant, par cet éloge printanier Antoine Blondin, je voudrais oublier ce « Monsieur On », et évoquer le Monsieur Jadis qui fut Blondin, au présent. Pour mince qu’elle semble, mais il y a dans l’affirmation de Blondin une discrète coquetterie ou une protection tendre, une délicatesse en tout cas, l’œuvre d'Antoine Blondin est en réalité très grande. Et elle reste belle. Ce caractère viril aux élans poétiques protège ses livres et lui-même : il ne s’impose pas un corset, mais s’affuble d’une mantille pudique, sous laquelle il abrite ses volumes.

Pour aimer Blondin, on n’est pas obligé d’admirer comme lui le Tour de France ou les Jeux olympiques, ni le tennis, ni même le rugby. Ni le saut, avec ses hauteurs et ses longueurs ou ses perches ; on peut être allergique aux alcools forts. Mais on ne saurait être allergique aux tendresses du ton de Blondin, à la franchise de ses admirations, à l’immensité de sa forêt poétique à la prose ciselée et légère. Promeneur peu solidaire des médiocrités morales ou politiques de son siècle, Antoine Blondin a lancé avec ses livres, dans la vitrine des librairies, des pavés discrets et efficaces. Ses amis s’appellent toujours ou s'appelleront pour toujours Michel Déon ou Geneviève Dormann ou Jean d’Ormesson. Certains sont partis avant lui, le laissant inconsolable et fraternel : d’abord le caracolant et fragile Roger Nimier, puis Paul Morand, Kléber Haedens ou Jacques Laurent. Ceux-là, en mousquetaire impeccable (un mousquetaire plus près d’Athos que du brouillon et gourmand Porthos, en dépit de certaines apparences faciles), Antoine Blondin a su les rejoindre. Ou les atteindre.

Antoine Blondin ne se laisse pas facilement coincer dans les anthologies massives de notre littérature. Mais de la littérature française, et de quelques autres, il connaissait tous les recoins. Il en marquait les pages avec discernement et frugalité, au fil de quelques essais décapants et subtils. Vibrants d’émotion contenue. Il semblait allergique aux grimoires pesants et universitaires. Avec raison. Il aimait Baudelaire, Nerval (à qui sa vie un peu tremblée ou romancée plus encore que romantique ressemble), Musset, aussi bien que le vieil Homère et le jeune Scott Fitzgerald. Avec élégance et insolence, avec insouciance et fragilité, il sait saluer : Balzac, Cocteau, Dickens ou Dumas père, Goethe aussi bien que l’Américain bagarreur et cocasse : O’Henry.

Antoine Blondin reste un poète, comme sa mère Germaine Blondin, à l’œuvre charmante, et il tient aussi du mousquetaire gris (pour l’uniforme empanaché, et certes pas pour le ton), mousquetaire gris des rois de France : un corps de mousquetaires fraternels, à la manière de Géricault, d’Alfred de Vigny ou de Lamartine. Les vagabondages de Blondin sont dignes de La Semaine sainte d’Aragon ; le cœur large de Blondin chante la gloire de ses écrivains aimés et aînés : qu’ils s’appellent Maurice Genevoix ou Jacques Perret, deux inoubliables eux aussi !

Il ne faut pas oublier Antoine Blondin, qui garde le cœur net. Son style reste chargé, mais comme un pistolet au bruit secret. Saluons bien fort celui qui ne rêvait le sport qu’ironique, dont la vie fut souvent une tragédie muette, et qui ne concevait la littérature que comme de doux devoirs de vacances, des devoirs en liberté, ceux qui entourent une œuvre mince, mais dégagée et funambule : en apesanteur !


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