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Bernanos : écrire et combattre

Bernanos : écrire et combattre

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Après les écrits d’André Suarès commentés pour Mauvaise Nouvelle, Jean-Claude Zylberstein nous offre cette fois aux éditions Les Belles Lettres les Ecrits de combat de Georges Bernanos entre 1938 et 1945. Ceux-ci sont rassemblés sous le titre La révolte de l’esprit. Celui que Clémenceau nommait « l’anarchiste blanc » a vécu pour le combat de l’esprit, la prééminence des choses spirituelles sur la matière et l’horizontalité. Gilles Bernanos, petit-fils de l’écrivain en une belle préface, nous éclaire puissamment sur les enjeux du temps : « Au-delà de la conjoncture, Georges Bernanos nous livre une réflexion visionnaire qui annonce le XXIème siècle, pour nous alerter sur ce que l’humanité risque de perdre, est sûre de perdre si elle n’engage pas toutes ses forces dans cette révolution de l’esprit, seule à même de la sortir du déterminisme matérialiste dans lequel elle est engagée et qui se retourne aujourd’hui contre l’Homme. » Meurtri par la guerre en Espagne où il vit, puis par le spectacle de la déroute française avec la trahison de Munich, la défaite militaire qui s’ensuit et la capitulation de 40, l’exode, Vichy et la collaboration, Bernanos confie à un ami : « Qu’est donc devenue la chrétienté française, fidèle, fière et libre ? Pour la première fois, j’ai douté de la France. ». Terrible aveu, terrible doute qui ne le prive pourtant pas d’une espérance chèrement acquise : « L’espérance se conquiert. On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts et d’une longue patience. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. »

En octobre 1938, du Brésil où il réside, Bernanos nous dit pourquoi il écrit : « Je ne suis pas un écrivain de métier. J’ai publié mon premier livre à quarante ans. Je n’écris pas pour amuser le public ou pour gagner de l’argent, mais parce qu’un homme de ma génération, après la dure épreuve de la guerre et la terrible déception de l’après-guerre, où furent payées toutes les valeurs morales du sang de près de deux millions de morts, avait besoin de retrouver, au plus profond de lui-même, des raisons valables de vivre, et de vivre en Français. » ; Bernanos décrit en quoi la France possède une vocation propre : « On croit mon pays divisé contre lui-même. Il ne l’est qu’à l’égard des mystiques qu’on prétend lui imposer du dehors et qui répugnent à sa tradition et à son génie, mais qu’il s’efforce, malgré cela, d’assimiler, ou du moins de rendre intelligibles, parce que sa vocation est de tout comprendre, de tout risquer pour comprendre. Notre honneur, et aussi notre malheur, est que nous restons sincères parmi les menteurs, humbles parmi les orgueilleux, raisonnables parmi les fous. » Dans la France contre les robots, Bernanos a cette phrase prophétique : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » Il insiste encore et fustige la modernité omnipotente, le libéralisme, le capitalisme, la démocratie, tous reliés entre eux  et visant à la disparition de la chrétienté : « L’expérience semble malheureusement démontrer que les démocraties n’ont été qu’une étape de l’évolution de la société capitaliste qui détruisit la société chrétienne. La société moderne n’est pas viable. Ma ridicule proportion entre son énorme complexité économique et la faiblesse et l’inefficacité de sa morale utilitaire éclate aujourd’hui aux yeux de tout le monde. Le monde actuel possède infiniment trop de puissance pour ce qu’il a d’honneur. »

Toujours en 1938, Georges Bernanos offre des clés pour survivre dans le grand délitement du monde qui s’opère sous ses yeux. On pourrait les résumer en une seule clé : l’appel à la conversion intérieure. Ainsi affirme-t-il : « Les intellectuels et les moralistes catholiques ayant maintenant défini les causes du désordre, il ne reste plus qu’à rétablir l’ordre, ce qui demandera plus de temps et sera plus difficile. Il faudra le faire pourtant car nous ne pouvons pas nous contenter de juger le monde, tâche que le Christ s’est réservée pour la fin des temps. Le sacrement du baptême n’a pas fait de nous des juges, mais des apôtres. Le mal ne se réfute pas. On le désarme par la charité, l’exemple, la pénitence, et, s’il le faut, par l’expiation. » ; il poursuit, en mai 1940 : « Il n’y a de véritable restauration de l’ordre que dans la charité du Christ, il n’y a d’autre Christ que celui de l’Evangile, ni d’autre Evangile que celui dont l’Eglise universelle ne se laissera pas arracher le dépôt par la violence ni par la ruse, encore moins par la séduction. »

Ecoutons enfin résonner longuement en nous cette affirmation du grand écrivain : « Rien n’est plus facile que de prêcher la vérité. Le miracle, c’est de la faire aimer. ». Invite bernanosienne à une double révolution intérieure : la recherche de la vérité et l’amour de celle-ci pour le prochain et pour soi.


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